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Dans un entretien donné au Parisien, Nathalie Elimas, secrétaire d’Etat à l’éducation prioritaire, annonce une expérimentation dans 3 académies dès 2021 du remplacement des Rep par un contrat entre rectorat et établissements. Dès 2022 la carte des Rep pourrait être supprimée. Empêtré dans le scandale d’Avenir lycéen, le ministère accélère sa réforme de l’Education prioritaire. Avec deux enjeux : les crédits destinés aux Rep qui pourraient servir d’autres établissements et une autre politique de rémunération des enseignants et l’entrée de l’enseignement catholique dans un dispositif plus rémunérateur, comme le secrétaire général de l’enseignement catholique l’a annoncé en septembre 2020. Selon la Cour des Comptes, la politique d’éducation prioritaire est la seule politique nationale de lutte contre les inégalités sociales. C’est cet enjeu là aussi qui est visé.

La carte des Rep bientôt suppimée

« Nous souhaitons sortir de cette logique de zonage pour donner des moyens aux établissements en fonction de leur projet », déclare Nathalie Elimas, secrétaire d’Etat à l’éducation prioritaire, dans Le Parisien du 22 novembre. Elle annonce qu’il n’y aura pas de changement pour les établissements Rep+ ni pour la carte des Rep en 2021.

 » En parallèle, je lance une expérimentation afin de tester le nouveau dispositif : des contrats de 3 ans, passés entre l’école ou l’établissement, et le rectorat, avec une clause de revoyure pour les prolonger si besoin. Ce travail très fin sera fait académie par académie, mais avec un cadrage et une grille d’indicateurs nationaux ». L’expérimentation aura lieu dans 3 académies : Lille, Marseille et Nantes.  » Le nombre d’établissements concernés sera fixé avant la fin décembre ».

Une aide aux devoir déjà en place

Parallèlement pour les élèves de milieu défavorisé qui ne sont pas en Rep, N Elimas annonce le lancement de « Bureaux d’aide rapide », des services d’aide aux élèves « dans lequel des enseignants répondent aux questions des élèves » pour faire leurs devoirs. Elle n’aura pas de mal à les lancer : ce service existe depuis longtemps dans les académies de Poitiers, Limoges et Toulouse comme en témoigne cet article de 2014 ou encore à Paris depuis 2010.

L’application du rapport Azema Mathiot

Les annonces de N Elimas ne sont pas vraiment une surprise. JM Blanquer avait annoncé le 26 aout qu’il allait « tirer toutes les conclusions » du rapport Azema Mathiot. Quelques jours plus tard, le secrétaire général de l’enseignement catholique déclarait que l’enseignement catholique allait être associé à la nouvelle politique d’éducation prioritaire. Il ajoutait : « JM Blanquer m’a renouvelé son accord ».

Ce qu’annonce N Elimas c’est l’application du rapport Azema Mathiot remis en novembre 2019. Ce rapport prévoyait la suppression de la carte Rep et le maintien des Rep+. Le rapport préconisait déjà de remplacer la carte Rep par « une politique de priorisation académique », c’est à dire des contrats passés entre établissements et rectorats et fixait 2022 comme l’année du changement.

Une rupture dans l’histoire de l’Ecole

Cette nouvelle politique aura de nombreux effets. Le premier c’est de répartir autrement les moyens des Rep, soit environ un milliard d’euros par an. Il est clair dans le rapport comme dans la déclaration de N Elimas que les établissements qui bénéficieront de ces sommes ne seront pas les mêmes. Le critère de l’isolement de l’établissement entrerait en compte à coté de la situation sociale des élèves. On assisterait ainsi à un transfert de moyens des quartiers populaires vers les zones rurales permettant d’appliquer l’engagement présidentiel en faveur du rural tout en allégeant le budget de l’éducation nationale.

Dans la rapport Mathiot Azema, la prime Rep et les avantages liés l’enseignement en zone Rep ( avantage mobilité etc.) seraient redistribués notamment pour alimenter une prime d’attractivité. On peut donc craindre qu’une partie des moyens du dispositif soient utilisés pour la politique de rémunération de l’éducation générale.

Quand aux élèves des Rep, le nouveau système annoncé par N Elimas entrainera la disparition des réseaux, en totale divergence d’ailleurs avec la politique de la ville. On passe à un émiettement des aides. Faute d’une politique nationale, chaque recteur devra équilibrer son soutien aux puissances politiques locales. Il y a peu de chances que les départements et communes où le dispositif Rep est appliqué fassent le poids.

Dans son rapport de 2018, la Cour des comptes a rappelé que la politique d’éducation prioritaire est la seule politique nationale de lutte contre les inégalités. On assiste donc à un tournant majeur dans l’histoire de l’Ecole. L’Ecole commence à détricoter une politique en faveur des élèves les plus défavorisés vieille de 40 ans.

François Jarraud

L’article du Parisien

Le rapport Azema Mathiot

L’enseignement catholique