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C’est une mesure qui a fait l’unanimité syndicale contre elle en octobre. JM Blanquer choisit les vacances pour la faire appliquer. Deux décrets donnent au chef d’établissement le contrôle de l’ordre du jour du conseil d’administration et rendent la commission permanente facultative. Instaurant une forme de gestion particulièrement autoritaire et archaïque, ces textes vont créer davantage de difficultés aux chefs d’établissement.

Le conseil d’administration à la main du chef d’établissement

Deux décrets publiés au Journal officiel portent plusieurs mesures de « simplification » dans l’éducation nationale. A coté de réelles simplifications, le ministère a inséré une mesure qui a mobilisé contre elle cet automne tous les syndicats.

Le décret 2020-1632 modifie le Code de l’éducation pour préciser que le conseil d’administration d’un établissement d’enseignement (EPLE) « se prononce sur la création d’une commission permanente… Le chef d’établissement fixe l’ordre du jour, les dates et heures des séances du conseil d’administration en tenant compte, a titre des questions diverses, des demandes d’inscription qui lui sont adressées ».

Cette nouvelle rédaction remplace le texte actuel de l’article R 421-25 du Code de l’éducation :  » Le chef d’établissement fixe les dates et heures des séances… L’ordre du jour est adopté en début de séance ; toute question inscrite à l’ordre du jour et ayant trait aux domaines définis à l’article R. 421-2 doit avoir fait l’objet d’une instruction préalable en commission permanente, dont les conclusions sont communiquées aux membres du conseil ».

Le rapport accompagnant le projet de texte, présenté au Conseil supérieur de l’éducation (CSE) du 6 octobre, précisait bien que dorénavant le projet d’ordre du jour du conseil d’administration « sera fixé par le seul chef d’établissement ».

« Quand on refuse de dialoguer, on gagne effectivement du temps », nous avait dit Valérie Sipahimalani, secrétaire générale adjointe du Snes Fsu, début octobre. Pour la Fsu, « ces textes portent atteinte à la démocratie dans les établissements ». Le Se-Unsa pense que « l’adoption de l’ordre du jour en début de séance est une procédure démocratique importante. La supprimer ne simplifiera pas la vie des EPLE mais sera perçue comme l’expression d’une réduction des droits des représentants élus de la communauté éducative au C.A. ».

Certes le contenu de l’ordre du jour est déjà fixé en partie par les compétences du CA et les obligations des chefs d’établissement. Mais ce dernier pourra écarter des questions très locales ou politiques qui ont souvent une grande importance pour les personnels des établissements scolaires. La mesure aboutit à priver le conseil d’administration des débats que les représentants du personnel souhaitent.

On est bien là devant une nouvelle conception du management qui préfère le silence imposé par le seul chef au dialogue avec la communauté éducative. Or , loin de freiner l’action de l’EPLE ou du chef d’établissement, ces débats sont la seule façon d’avancer. Le chef d’établissement qui usera de ce décret pourrait bien rencontrer davantage d’opposition que celui qui décidera de l’ignorer. Ce texte va créer des problèmes au lieu de simplifier la gestion.

La commission permanente éventuellement supprimée

Un second point pose problème : l’avenir de la commission permanente du conseil d’administration. Formation réduite elle examine aujourd’hui avec le chef d’établissement les points à l’ordre du jour. Elle constitue un premier lieu de dialogue et d’alerte avant la réunion du CA. Le décret 2020-132 décide qu’elle n’est pas obligatoirement constituée. Et l’article D 422-33 est modifié pour que la commission permanente n’examine pas toutes les question du CA. La commission ne s’occupe plus, là où elle est maintenue, que des délégations accordées par le CA.

On est là à nouveau devant la même logique avec les mêmes réactions syndicales. En octobre 2020 la Fsu a demandé la suppression de ce point dans les décrets. Le Se-Unsa voulait que la commission soit systématiquement crée dans tous les EPLE et obligatoirement saisie sur l’emploi des dotations en heures.

De réelles simplifications

Le décret 2020-1633 apporte aussi quelques réelles simplifications au fonctionnement de l’éducation nationale. Son article 1 simplifie la transmission des procès verbaux des conseils d’école en en réduisant le nombre (un seul exemplaire à l’IEN et au maire transmis par voie électronique).

Un management archaïque

Ces deux décrets se situent dans la logique de la loi Blanquer et de la loi de transformation de la fonction publique. Le rôle de la commission permanente avait fait débat lors de la discussion sur la loi Blanquer avec un amendement gouvernemental n°677 qui visait déjà à encadrer les débats. Quant à la loi de transformation de la fonction publique elle est allée encore plus loin. Elle a supprimé les compétences des commissions paritaires sur la carrière des enseignants pour la livrer au seul controle d’une administration toute puissante. Elle a aussi adopté la suppression des CHSCT, suppression finalement impossible à réaliser tant leur rôle est indispensable en pleine pandémie.

Tout en vantant la « gestion de proximité », le management moderne et « agile », la « coopération des acteurs » dans les établissements, le ministère supprime les espaces de dialogue et tente d’imposer le dirigisme le plus archaïque. « Simplifier » veut seulement dire « exécutes, ne penses pas et tais toi ».

François Jarraud

Décret

Décret

Le projet présenté en CSE

Amendement 677 et le débat