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Le 20 octobre au soir, l’école publique française que l’on connait depuis 1881 aura peut-être vécue. La proposition de loi Rilhac arrive en séance au Sénat en seconde lecture. La majorité sénatoriale de droite devrait adopter les principes de la loi. Mais probablement pas dans les mêmes termes qu’à l’Assemblée ce qui ouvre la voie à la réunion d’une commission paritaire.

La loi et l’autorité hiérarchique

Le texte proposé au Sénat est court. Mais ce n’est pas exactement celui de l’Assemblée, la commission de l’éducation du Sénat l’ayant transformé.

Deux sujets font débat ce 20 octobre. Le premier c’est celui de l’autorité hiérarchique du directeur d’école sur les professeurs de l’école. Il oppose les sénateurs de gauche aux sénateurs de droite et de la majorité. Dans la proposition de loi Rilhac le directeur a une délégation de compétences de l’inspecteur (IEN) et une autorité fonctionnelle. Les partisans du texte affirment que cela ne donne pas d’autorité hiérarchique au directeur. Pourtant la phrase qui précisait que le directeur n’a pas cette autorité hiérarchique a été retirée de la version antérieure de la loi adoptée par l’Assemblée. La gauche PS et PC propose de l’y rétablir. Il sont peu de chances d’avoir gain de cause. Lors de la seconde lecture à l’Assemblée, la majorité et C Rilhac s’y sont opposés. En juin 2020 dans leur rapport au Sénat, M Brisson et F Laborde écrivaient qu’un emploi fonctionnel est bien « une fonction d’autorité… Il donne autorité à celui qui exerce la fonction ». Les sénateurs Pc PS et écologistes ont demandé le retrait de l’emploi fonctionnel et le rétablissement de cette phrase sur l’autorité hiérarchique.

La loi et les moyens donnés au directeur

Le second sujet c’est les moyens donnés au directeur par l’Etat. Il oppose les sénateurs de gauche et de droite aux sénateurs de la majorité. Lors d’une consultation organisée par le ministère en 2019, seulement 11% des directeurs voulaient de l’autorité. Ce qu’ils voulaient c’est des décharges et de l’aide administrative. Il faut être clair : la proposition de loi n’accorde rien de précis là dessus, ni décharge, ni augmentation, ni aide administrative. Mais la majorité sénatoriale estime que si aide administrative il doit y avoir elle doit être versée par l’Etat. Le gouvernement a déposé un amendement demandant que ce soit l’Etat ou les collectivités locales, ce qui est une façon pour l’Etat d’échapper aux demandes. Le raisonnement est identique pour les décharges. La majorité sénatoriale a inscrit dans la loi que le régime est fixé par un décret en Conseil d’Etat. A l’Assemblée, la majorité avait inscrit que ce serait le ministre seul qui déciderait. Les deux camps s’accordent pour que les décharges ne soient plus données seulement en fonction du nombre de classes, un critère objectif, mais aussi en fonction de « spécificités » non précisées. Cela ouvre la voie à la différenciation, un autre principe hiérarchique partagé par la droite et la majorité. On pourra donner plus de décharge à tel directeur et moins à un autre dans la même commune.

Il est probable qu’au soir du 20 octobre cette réforme soit adoptée dans les termes voulus par la majorité de droite du Sénat. Depuis 20 ans la droite essaie d’avoir des directeurs d’école qui soient de vrais chefs d’établissement. Cela a pris différentes formes (EPEP, EPSF etc.). Depuis 20 ans, les enseignants du premier degré ont fait échouer ces tentatives. JM Blanquer lui même a du reculer à deux reprises au moment de l’amendement Rilhac dans la loi Blanquer et au moment de l’adoption de la proposition de loi Rilhac en 1ère lecture à l’Assemblée. La mobilisation actuelle est trop faible pour bloquer ce texte. Le troisième essai de JM Blanquer aura été le bon.

François Jarraud