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Avec 86% de reçus à l’issue du premier groupe d’épreuves, le bac 2022 fait mauvaise mine après les 91% de reçus de 2021 et les 92% de 2020. Il se rapproche des 88% de 2019. C’est une mauvaise nouvelle pour les candidats. Et aussi pour des lycées où les postes ont fondu alors que près de 50 000 jeunes vont redoubler. S’agit-il d’une sorte de retour à la normale d’avant covid ? Cette première édition à peu près normale des bacs Blanquer montre plutôt la fracture sociale que le prédécesseur de Pap Ndiaye a réintroduit dans le bac.

Un recul variable selon les séries

A l’issue des épreuves du 1er groupe 45 000 candidats sont ajournés, 53 000 doivent passer les épreuves du 2d groupe et 602 200 sont reçus. Le taux de réussite est en baisse de 4.7% par rapport à 2021 avec seulement 86% de reçus tous bacs confondus.

Ce recul varie selon les séries. Au bac général on compte 91.5% de reçus à l’issue du premier groupe, soit 3.8% de moins qu’en 2021. Le bac technologique a un taux de réussite de 80.6% soit 8.6% de moins qu’en 2021. C’est là que la chute est la plus importante. Quatre filières sont particulièrement concernées. STMG, le plus important des bacs technologiques, a un taux de réussite de 78.3%. STI2D a un taux de 81.5%, STL de 81.9% et ST2S de 82.9%. Par contre STD2A, S2TMD et STHR sot au dessus de 90% (94.8, 97.4 et 91.9%). Le bac professionnel compte 78.7% de reçus à l’issue de ce groupe d’épreuves soit 3.5% de moins qu’à la session 2021.

Regards sur le bac technologique et professionnel

Comment lire ces résultats ? Le Se-Unsa attire l’attention sur la chute très importante des résultats du bac technologique. « Si ces résultats se confirment à l’issue du 2d groupe, la filière technologique devra être soutenue dans les années à venir », écrit le syndicat qui demande le maintien des comités de suivi.

Le Snuep Fsu souligne la baisse des résultats au bac professionnel. « La génération 2022 est aussi la première à subir la Transformation Blanquer de la voie professionnelle qui a engendré simultanément une baisse des horaires d’enseignement et l’alourdissement d’un nombre important d’épreuves », dit le Snuep qui ajoute que le ministre a refusé tout aménagement des épreuves « alors que la génération des candidat·es qui s’y sont présenté·es a été percutée en seconde par le confinement, en première par les demi jauges, et cette année par la vague omicron ».

Un recul éthique

Il est vrai que cette session 2022 est la première où les candidats ont passé les épreuves dessinées par JM Blanquer. Les années 2020 et 2021 avaient été marquées par des aménagements très importants des épreuves dans le contexte épidémique. JM Blanquer avait notamment fait des cadeaux importants aux établissements privés hors contrat en reconnaissant la valeur de leurs notes. Cette session 2022 est marquée aussi par des « tripatouillages » de notes avec le relèvement massif et souterrain des notes dans certaines académies. Mais cela n’a rien à voir avec les notes fabriquées administrativement lors des deux sessions précédentes.

Pour qui regarde ces résultats, encore provisoires, sur un temps long, on distingue deux évolutions. La première c’est l’affaiblissement éthique de l’examen au bout de 5 années de ministère Blanquer. Fut une époque où le bac était un examen final, anonyme, avec des résultats incontestés. Cela permettait d’accorder des droits aux bacheliers quelque soit leur établissement d’origine et donc finalement la position sociale de leurs parents. Notamment celui de choisir leur entrée dans le supérieur. Tout cela a volé en éclat avec l’instabilité permanente des conditions de passage, la montée des évaluations maisons et les notes fabriquées. Le résultat a été atteint : les jeunes passent un diplôme qui ne leur donne plus qu’un droit formel d’entrée dans le supérieur. Le droit réel réside maintenant dans la qualité reconnue ou pas à leur établissement d’origine. Au droit s’est substitué à nouveau le hasard de la naissance.

Une nouvelle fracture sociale


La seconde évolution renvoie au même clivage social. Quand on regarde l’évolution des trois bacs sur le long terme on voit que longtemps les taux de réussite ont été les mêmes. C’est le cas jusqu’au tournant du 21ème siècle. A partir du 1ème siècle un écart se creuse entre le bac général et les bacs technologique et professionnel. Il atteint 10 points en 2008. Sous le quinquennat Hollande un autre clivage le remplace. Le bac technologique rejoint le taux de réussite du bac général et un écart de 10 points sépare les bacs général et technologique, préparés dans les mêmes lycées, des bacs professionnels.

Avec cette première session normale des bacs Blanquer une nouvelle frontière apparait entre le bac général avec 90% de réussite et les bacs technologiques et professionnel avec des taux de réussite à 80%. Cette frontière scolaire est surtout une frontière sociale. Le bac est une formalité pour les enfants des familles favorisées. Il reste un obstacle pour les autres. Quant à l’accès au supérieur, la trappe est en train de se rabattre sur les bacheliers professionnels. On a là la philosophie réelle de la réforme entreprise par JM Blanquer. Et on voit mal P. Ndiaye s’y attaquer.

Pensons à ceux qui restent. A la rentrée 2022 près de 50 000 jeunes, peut-être encore plus, vont devoir repiquer une année au lycée. On leur souhaite du courage pour trouver une place dans des établissements qui auront encore moins d’enseignants. Un des derniers doits, celui à redoubler dans son établissement, va peut-être définitivement disparaitre.

François Jarraud