« Ce nâest pas simplement une reÌforme dont je suis venu parler aujourdâhui. Câest une cause nationale. Parce que je crois que les eÌleÌves qui sont laÌ ont toutes les raisons dâĂȘtre fiers dâĂȘtre dans ces voies » a dĂ©clarĂ© le PrĂ©sident en introduction de ses annonces sur le lycĂ©e professionnel dont il estime que le systĂšme « est mal-fichu ». Câest ce jeudi 4 mai quâEmmanuel Macron a enfin tracĂ© les grandes lignes de la rĂ©forme engagĂ©e depuis prĂšs dâun an. Pour le PrĂ©sident qui Ă©voque un milliard dâeuros par an, cette rĂ©forme doit rĂ©pondre Ă trois objectifs : viser le 0 dĂ©crocheur, 100% dâinsertion pour les jeunes et « reconnaĂźtre lâengagement des professeurs de lycĂ©es professionnels ».
Mettre fin au décrochage scolaire
Pour Emmanuel Macron, la dĂ©couverte des mĂ©tiers dĂšs la CinquiĂšme permettra de limiter les orientations subies, « un choix par dĂ©faut », et de crĂ©er des vocations. « C’est pourquoi, aÌ partir de la rentrĂ©e prochaine, aÌ partir de la cinquiĂšme, chaque eÌleÌve se verra proposer dans son cursus pĂ©dagogique un temps dĂ©diĂ© aÌ la dĂ©couverte des mĂ©tiers » a dĂ©clarĂ© le prĂ©sident. « On aura des professionnels, des enseignants de lycĂ©e professionnel qui pourront aller dans les Ă©tablissements prĂ©senter leur mĂ©tier⊠Des collectivitĂ©s locales et des entreprises viendront prĂ©senter les mĂ©tiers, les besoins, les mĂ©tiers qui sont en tension, les mĂ©tiers de demain ». Les enseignants de lycĂ©es professionnels seront donc particuliĂšrement associĂ©s Ă la dĂ©couverte de leurs formations en classe de CinquiĂšme.
Le PrĂ©sident a aussi Ă©voquĂ© un « effort de vĂ©ritĂ© sur les dĂ©bouchĂ©s des filiĂšres professionnelles ». « Nous afficherons les taux dâinsertion et de poursuite dâeÌtudes par filiĂšre et par Ă©tablissement, mis au regard du besoin dâemploi⊠Toute famille et tout eÌleÌve, au printemps prochain, aura la possibilitĂ© de dire quand il voit dans tel Ă©tablissement, telle filiĂšre, combien des eÌleÌves sont allĂ©s vers un BTS ou une autre formation dans le supĂ©rieur ou combien sont allĂ©s vers un emploi et en ont eu un ». Et le discours est clair, quand une filiĂšre ne mĂšne pas Ă lâemploi, elle sera tout simplement fermĂ©e.
Autre Ă©lĂ©ment pour atteindre le 0 dĂ©crocheur, un effort en termes de moyens pour accompagner les Ă©lĂšves en difficultĂ© scolaire. Le PrĂ©sident promet plus de travail en petits groupes, plus de suivi personnalisĂ©, un enseignement plus adaptĂ© aux besoins des Ă©lĂšves. « Ce sont les chefs d’Ă©tablissement avec la communautĂ© pĂ©dagogique qui doivent Ă©valuer les besoins et en fonction de cela, on pourra avoir des heures de mathĂ©matiques et de français qui pourront ĂȘtre allouĂ©es ». Les Ă©lĂšves allophones et en situation de handicap seront aussi mieux accompagnĂ©s promet le PrĂ©sident. Câest dans le cadre du Pacte que les enseignants exerceront ces missions. Des cours optionnels, comme des cours dâentreprenariat ou dâune seconde langue vivante, seront aussi proposĂ©s.
Pour finir, dĂšs la fin du premier trimestre, si un Ă©lĂšve prĂ©sente des signes de dĂ©crochage, le dispositif « Tous droits ouverts » lui sera proposĂ©. Ce dispositif permettra « lorsque les professeurs et le proviseur seront inquiets pour un jeune qui s’absente, dĂ©croche, ils pourront agir immĂ©diatement, sans attendre l’expiration de dĂ©lais administratifs, qui sont prĂ©judiciables aÌ l’intĂ©rĂȘt du jeune et de maniĂšre collĂ©giale, en fonction de l’Ă©valuation qu’ils font, de pouvoir travailler avec la Mission locale, les Ă©coles de la deuxiĂšme chance, les EPIDES, pour mobiliser sans dĂ©lai les bonnes solutions pour les eÌleÌves et Ă©viter qu’on gĂąche complĂštement une annĂ©e scolaire et qu’on laisse une situation de dĂ©scolarisation s’installer ».
Objectif : 100% dâinsertion
Pour le PrĂ©sident il existe beaucoup trop de filiĂšres qui prĂ©sentent trop peu de dĂ©bouchĂ©s. Il sâagit donc selon lui dâadapter la carte de formation en fonction des besoins. « Quand il y a un mauvais taux dâaccĂšs Ă lâenseignement supĂ©rieur et Ă lâemploi, il ne faut pas garder la formation » Ă©voque Emmanuel Macron qui annonce une carte des mĂ©tiers en tension et une carte des mĂ©tiers en devenir (numĂ©rique, nuclĂ©aire, renouvelable) qui seront dĂ©finies selon trois prismes. « Quand on a une formation dans un Ă©tablissement ouÌ il y a un mauvais taux d’accĂšs aÌ l’enseignement supĂ©rieur et un mauvais taux d’accĂšs aÌ l’emploi, c’est une formation qu’il ne faut pas garder⊠Quand on peut avoir des formations sur lesquelles beaucoup de jeunes vont s’orienter vers lâemploi, il faut absolument la garder, mĂȘme s’il y en a peu qui choisissent les voies supĂ©rieures. Le deuxiĂšme instrument, câest la carte des mĂ©tiers en tension⊠Puis, c’est la carte des mĂ©tiers en devenir. On sait qu’aÌ horizon de 5 ou 10 ans, la nation aura besoin encore plus de former certaines compĂ©tences. Ces trois instruments, c’est-aÌ-dire la rĂ©alitĂ© des dĂ©bouchĂ©s, les mĂ©tiers en tension d’aujourd’hui et les mĂ©tiers en devenir doivent nous conduire aÌ rĂ©amĂ©nager nos cartes de formation de maniĂšre beaucoup plus transparente et courageuse, c’est-aÌ-dire de fermer laÌ ouÌ il faut et d’ouvrir plus massivement laÌ ouÌ il le faut ». Cette Ă©volution de la carte ne doit pas « se faire depuis Paris » a rappelĂ© le PrĂ©sident mais au plus prĂšs du terrain, des Ă©tablissements.
Autre levier pour atteindre lâobjectif de 100% dâinsertion : le mentorat. Pour le PrĂ©sident dont lâobjectif est que 100% des lycĂ©ens volontaires aient un mentor en 2025, « le mentorat, câest donner un rĂ©seau aux Ă©lĂšves qui nâen ont pas ».
Et toujours, dans cet objectif dâinsertion, lâannĂ©e de Terminale est modifiĂ©e. Emmanuel macron Ă©voque de la « souplesse ». Le baccalaurĂ©at aura lieu plus tĂŽt dans lâannĂ©e, Ă lâimage de ce qui se dĂ©roule en lycĂ©e gĂ©nĂ©ral et technologique. Et en fonction du projet de lâĂ©lĂšve, la fin de lâannĂ©e scolaire nâaura plus la mĂȘme coloration. « Pour ceux qui voudront immĂ©diatement s’insĂ©rer professionnellement avec le bac en poche, la durĂ©e des stages sera augmentĂ©e de 50 % (passant ainsi Ă 12 semaines) et ils seront accompagnĂ©s par PĂŽle emploi, France Travail, tout au long de leur annĂ©e scolaire, pour les aider aÌ avoir un contact avec les employeurs potentiels et les aider aÌ une transition⊠On va adapter leur terminale si leur projet n’est pas de poursuivre des eÌtudes supĂ©rieures. Pour les autres, ils auront une peÌriode de quatre semaines de cours supplĂ©mentaires pour mieux prĂ©parer leur entrĂ©e en BTS ». Le nouveau bac sera effectif dĂšs septembre 2023 pour tous les eÌleÌves qui entrent en premiĂšre professionnelle.
Le prĂ©sident annonce aussi des formations complĂ©mentaires dans le cadre dâune spĂ©cialisation sur une annĂ©e et un recrutement important de professeurs associĂ©s, « des professionnels spĂ©cialistes de leur mĂ©tier pour Ă©pauler les enseignants ». Il ne sâest pas appesanti sur le rĂŽle de ces derniers dans le parcours des Ă©lĂšves. Et comme le lycĂ©e est une « troisiĂšme voie » selon Emmanuel Macron, il faut « crĂ©er plus de lien entre monde Ă©ducatif et professionnel ». Pour cela, il Ă©voque la mise en place dâun « bureau des entreprises » dans chaque Ă©tablissement. « Le bureau aura pour mission d’accompagner les jeunes dans la recherche des stages, de suivre la qualitĂ© des stages ou de l’apprentissage, de dĂ©velopper des partenariats, en lien avec le chef d’Ă©tablissement et les enseignants ».
Pour finir, les stages seront dorĂ©navant indemnisĂ©s car les Ă©lĂšves « seront dâautant plus motivĂ©s quâils auront une indemnitĂ© de stage progressive ». 50 euros la semaine en seconde ( et premiĂšre annĂ©e de CAP), 75 en premiĂšre, 100 en terminale. Tout cela Ă la charge de lâĂ©tat, pour un cout de 420 millions sur les un milliard dâeuros supplĂ©mentaires par an allouĂ© au lycĂ©e professionnel.
Et lorsque les Ă©lĂšves auront leur bac en poche, ils pourront compter sur le soutien de leur professeurs de lycĂ©e sâil sont en difficultĂ© en premiĂšre annĂ©e de BTS (un dispositif dâheures de soutien est prĂ©vu) et de France Travail sâils ont dĂ©cidĂ© dâentrer sur le marchĂ© du travail.
Revalorisation des enseignants
Les enseignants de lycĂ©es professionnels se voient proposer un Pacte « sur mesure » afin de « reconnaĂźtre leur engagement ». Sur le milliard allouĂ©, 285 millions y seront dĂ©diĂ©s. Remplacements de courte durĂ©e, cours dĂ©doublĂ©s, coordination du CNR de cartographie, interventions des parcours de consolidation, accueils de collĂ©giens sur les plateaux techniques, accompagnement des Ă©lĂšves en BTS⊠seront au menu de ces missions complĂ©mentaires. Contrairement Ă leurs collĂšgues de primaire, de collĂšge, de lycĂ©e gĂ©nĂ©ral et technologique, les professeurs de lycĂ©es professionnels nâauront pas le choix. Sâils veulent pouvoir bĂ©nĂ©ficier du pacte, ils devront signer pour lâensemble des missions. Il sâagira donc de deux heures hebdomadaires supplĂ©mentaires de face Ă face pĂ©dagogique pour les enseignants « pactĂ©s ». « Ce sera la participation aÌ l’ensemble des nouveaux dispositifs du lycĂ©e professionnel, des options, l’intervention dans les parcours de consolidation, l’intervention dans le dispositif Ambition emploi, les accueils de collĂ©giens sur les plateaux techniques pour l’orientation ». En contrepartie, chaque enseignant pourra prĂ©tendre Ă une augmentation pouvant aller jusquâĂ 7500 euros bruts annuels. Soit entre 680 Ă 780 euros par mois. « Le rĂŽle de ces enseignants volontaires sera enrichi. Ils deviendront Ă©galement l’interface entre les lycĂ©es et les entreprises, les institutions, les partenaires et tous les acteurs du service public de l’emploi ». Et pour piloter tout cela, les chefs d’Ă©tablissement « seront plus autonomes pour tracer le chemin qu’ils souhaitent emprunter avec leurs Ă©quipes, pour accompagner ces eÌleÌves vers la rĂ©ussite ». Ils verront leur rĂ©munĂ©ration revalorisĂ©e et auront des indicateurs plus prĂ©cis et des objectifs pour « contractualiser ».
Faire du lycĂ©e professionnel une voie dâexcellence, un choix motivĂ© pour les Ă©lĂšves et non une orientation subie, voilĂ lâobjectif affichĂ© par le gouvernement. Pour autant, on peut interroger cette volontĂ© de mettre fin Ă une « orientation subie » si celle-ci dĂ©pend uniquement des besoins Ă court et moyen terme des entreprises situĂ©es dans le bassin dâemploi. La mise en concurrence des Ă©tablissements selon les taux dâemploi des filiĂšres, l’exclusion des Ă©lĂšves dĂšs la fin du premier trimestre de seconde, la fin du baccalaurĂ©at professionnel comme diplĂŽme dâaccĂšs au supĂ©rieur, lâincidence de la rĂ©forme de la carte des formation sur les professeurs en poste⊠sont autant de points qui laissent prĂ©sager une rupture sans prĂ©cĂ©dent. Cette rĂ©forme semble loin dâĂȘtre ambitieuse pour les Ă©lĂšves quâelle accueille et ne semble pas rĂ©pondre Ă leurs besoins et Ă ceux de leurs enseignants.
Lilia Ben Hamouda