Dans sa série sur l’enseignement professionnel, le Café pédagogique vous propose de partager « une tranche de vie » de ce lycée, attaqué de plein fouet par les gouvernements successifs du président Macron. Aujourd’hui, Marion Dupré nous présente Karine, la professeure, la femme, la collègue dévouée. Encore un portrait qui permet de mettre un nom, une histoire derrière ces élèves et personnels de lycée professionnel, souvent malmenés. « Des Karine nous en avons tous rencontrés. Certains sont abîmés, d’autres plus vaillants » écrit Marion Dupré avant de poursuivre « C’est ainsi que certains perdent leur vocation. Je me demande si l’Éducation nationale, elle, ne serait pas en train de perdre le sens commun ? »
Karine
Karine, c’est aussi Mme K. dont j’avais mémorisé le nom avant même de pouvoir y associer un visage. Karine est une collègue simple, qui pourtant sort de l’ordinaire. C’est son portrait que j’ai choisi de dresser aujourd’hui.
Quand je l’ai rencontrée, il y a une vingtaine d’années, j’arrivais dans l’académie. J’avais un service réparti sur deux établissements. Les collègues m’avaient laissé les classes avec peu d’enjeu, pas d’examen ponctuel, pas d’enseignement de spécialité, ou les classes dont ils ne voulaient pas. Les BEP Microtechniques en faisaient partie. Public difficile, recrutement par secteur plus que par vocation. C’était ma première année d’enseignement et je faisais mes armes. J’ai essayé différentes méthodes, usé de stratagèmes pour que les Arts appliqués suscitent chez eux une heure d’intérêt, ou au moins d’attention hebdomadaire. Au bout d’un trimestre, ça commençait à fonctionner. J’ai compris que j’avais gagné leur respect lorsqu’ils m’ont annoncé :
«Ah mais Madame, là, on dirait trop Madame K. ! »
Madame K., c’était leur prof principale, celle avec qui ils passaient le plus de temps, celle avec qui ils allaient en atelier. C’était celle qui leur faisait découvrir le métier, avec respect et autorité, celle qui leur faisait confiance et qui les menait jusqu’à l’examen. Elle les écoutait, les comprenait. Leur parcours était aussi le sien.
Karine, de l’élève au professeure
Comme beaucoup de professeurs d’atelier, Mme K., Karine, a d’abord découvert le lycée professionnel en tant qu’élève. Ce n’était pas vraiment gagné. Karine hésitait entre différentes spécialités : la pharmacie, l’architecture, la mécanique de précision. Ce qu’elle voulait avant tout, c’était comprendre. Elle aimait démonter, dépecer, détailler, analyser, réparer, assembler et reconstruire. Avant de rencontrer sa mère et s’installer dans le Sud pour tenir un bar restaurant, son père avait été garagiste. Il lui avait transmis malgré lui la passion de la mécanique. Sa grande sœur installait les poupées pour s’en occuper, les changer, les habiller. Karine, elle, trouvait des petites voitures qu’elle démontait et ré-assemblait. Elle faisait pareil avec les autres jouets et tous les petits objets qui traînaient, une fausse caisse enregistreuse, un radio-cassette, une lampe de chevet, des stylos, des gadgets, tout y passait. De temps en temps, son père l’aidait. Ensuite, les rôles se sont inversés. Toujours avec son père, Karine passait de l’autre côté du comptoir pour l’aider dans son bar. Elle restait sa petite protégée. Alors, quand il a fallu l’inscrire au lycée Pasteur où elle avait été affectée en BEP Microtechniques, le papa a vite déchanté. Il ne voulait pas. Karine n’a rien lâché. Elle connaissait la filière grâce à un cousin de sa mère, précisément ingénieur en microtechniques. Elle a insisté, puis a tout fait pour devenir une des meilleures élèves du lycée. Seule fille dans une classe de vingt, elle devait systématiquement prouver qu’elle méritait sa place dans la formation. Même en stage, à l’Observatoire de Nice, on lui expliquait qu’une femme ne pourrait jamais faire ce genre de métiers. En attendant, tout ce qu’elle entreprenait, elle le réussissait. Au bout d’une année, elle avait déjà validé son CAP de Petite mécanique générale et pouvait préparer sereinement son BEP la deuxième année. Ses professeurs étaient bluffés, ils l’encourageaient. Karine a même été convoquée en tant qu’élève méritante, à la garden party de l’Élysée. Elle y a serré la main de Nelson Mandela, un geste qui ne s’oublie pas.
À l’époque, le Bac Pro n’existait pas au lycée Pasteur, il fallait aller à Orange pour continuer. Toujours difficile pour son père, alors les profs ont insisté. Ils connaissaient les équipes et l’ont rassuré. Parmi les neuf élèves de Bac Pro Microtechniques option Appareillage, Karine était de nouveau la seule fille. Son père surveillait et sa grand-mère veillait. Elle voyait sa petite fille s’épanouir dans un milieu si masculin. Elle savait que c’était son chemin vers l’indépendance et l’y encourageait. Sérieuse et passionnée, Karine a continué sans relâche, après avoir obtenu son Bac Pro, elle est partie au lycée Charles-Poncet de Cluses, ancienne école royale puis nationale d’Horlogerie pour préparer un BTS en Microtechniques ajourd’hui devenu CIM (Conception et Industrialisation en Microtechniques). L’établissement avait été créé en 1848 par le Duché de Savoie, pour accompagner et stimuler le développement de l’industrie horlogère et de la mécanique de précision dans la vallée de l’Arve. La vallée reste aujourd’hui encore une des plus industrialisées en France. Cluses est considérée comme la capitale du décolletage et de la mécanique de haute précision, avec des domaines d’application allant de l’horlogerie au médical, en passant par l’automobile, l’aéronautique, l’électroménager, la connectique ou encore les travaux publics.
Son diplôme obtenu au bout de deux ans, Karine n’avait plus à faire ses preuves. Plus que jamais brillante, le soutien et la confiance de toute la famille étaient acquis. Elle voulait continuer, devenir ingénieure. Son père l’a cependant rappelée, sa mère souffrait d’un cancer. Le diagnostic était tombé quelques mois plus tôt lorsque Karine préparait ses examens. Ils ne lui avaient rien dit. À force de voir sa femme souffrir, son père était désemparé, il a simplement demandé à sa fille de revenir pour l’aider, l’accompagner. Elle n’a pas trop réfléchi, elle est rentrée, mettant de côté la carrière dont elle avait tant rêvé.
Professeure contractuelle
De retour dans le Sud, personne ne l’avait oubliée. Elle avait gardé contact avec Cyril, bon copain du lycée qui la soutenait dans les bons et les mauvais moments. Ses anciens professeurs s’en souvenaient également. Lorsqu’un poste d’enseignant s’est libéré au lycée Pasteur, ils l’ont tout de suite contactée. Évidemment, elle a postulé mais la mission lui est passée sous le nez. C’est André, professeur déjà certifié qui s’y est installé pour ne le quitter, contraint et forcé, que l’an dernier.
Karine, elle, s’est présentée au lycée Jacques Dolle d’Antibes, comme enseignante contractuelle. Elle a été embauchée, avec à sa charge les classes les plus terribles de l’établissement, en BEP Productique mention Commande numérique, qu’elle partageait avec Sylvain P., qu’elle connaissait et qui l’a accompagnée. La formation était particulièrement tournée vers la conception et le dessin assisté par ordinateur. Seulement, les élèves ne s’y intéressaient pas vraiment. Encore adolescents, certains avaient déjà un parcours délinquant. Ils ne voulaient pas être là. Ils juraient, crachaient, se battaient, se lançaient des barreaux d’outils à travers l’atelier. Comme par le passé, Karine a dû, a su s’imposer, se faire respecter. Une seule fois, il lui est arrivé de sortir de l’atelier pour prendre quelques secondes de recul sur la situation. Seule adulte face à ce public désœuvré, elle y est retournée, sans trop d’hésitation. Elle s’était calmée, a isolé l’élève qui l’avait provoquée. Elle a respiré, s’est rapidement expliquée avant de reprendre sereinement sa démonstration là où elle l’avait arrêtée. Elle était là, face à eux, ne les avait pas abandonnés. Elle inspirait la confiance, le respect. De cette façon, Karine a très vite été appréciée de ses élèves comme de ses collègues.
Puis titulaire
En tant que contractuelle, on ne choisit pas vraiment ses missions. On se rend utile là où l’Institution a besoin de nous. Rentrée 2002, Karine enseigne sur deux établissements : le lycée Jacques Dolle toujours et le lycée Pasteur à Nice. Elle y était tous les jours de la semaine, enchaînant même le vendredi matin dans l’un et l’après-midi dans le second, le trajet lui laissant à peine le temps d’avaler un sandwich en conduisant. Lorsque les filières Productiques ont fermé à Antibes, Karine a bénéficié d’un temps plein au lycée Pasteur. Le BEP métiers de la Production mécanique informatisée accueillait 24 élèves pour deux années de formation. Il était suivi d’un Bac STI (Sciences et Techniques Industrielles) Génie mécanique option Microtechniques, qui formait 15 élèves sur deux années complémentaires.
Ces deux formations ambitieuses remplaçaient et poursuivaient les BEP préexistants, Productique mécanique, Outillage et Microtechniques (jusqu’alors enseignés au lycée). Elles mettaient l’accent sur les outils numériques en permettant aux élèves d’appréhender l’ensemble des activités de production industrielle depuis la conception 3D jusqu’au contrôle de qualité, en passant par les phases d’outillage, d’usinage et d’assemblage. Ils apprenaient également à exploiter les bases de données et réalisaient des simulations numériques. Dans l’établissement, ces deux formations prenaient tout leur sens en offrant une méthodologie et une technologie de pointe aux formations connexes de l’horlogerie, déjà présentes depuis plusieurs décennies. Si l’horloger sait régler et assembler tous les rouages d’un appareil horaire, le microtechnicien, lui, peut les identifier, les fabriquer ou les réparer et si nécessaire, les modifier. Il est capable d’en faire autant pour tous les micro-mécanismes des appareils que l’on utilise aujourd’hui au quotidien, comme dans la haute technologie, la médecine ou la sécurité.
Dans son élément, Karine s’est très vite investie au lycée Pasteur. L’ancienne élève était devenue professeure, appréciée de tous. Il ne lui manquait que la reconnaissance de l’Institution, alors elle a préparé le concours de recrutement. À l’époque, les métiers de la mécanique de précision étaient déjà en tension, avec un besoin en recrutement plus grand que le nombre de candidats, cependant le CAPLP Microtechniques (Concours d’Accès au corps des Professeurs de Lycée Professionnel) venait de fermer. Karine a opté pour l’option Productique.
Au même moment, sa vie privée prenait un tournant dramatique. Alors qu’elle s’épanouissait dans sa carrière d’enseignante et qu’elle essayait de porter toute son attention sur son évolution, Karine a dû surmonter une série d’évènements sans précédents : le décès brutal de son père, le désespoir et la confusion de sa mère, le départ de son conjoint puis, finalement, la rechute et la disparition de sa mère. En un peu plus de trois ans, Karine s’est retrouvée seule, désemparée. Elle venait d’obtenir son poste de titulaire.
« Au lycée, elle est devenue un pilier »
Elle a fait ce qu’elle savait faire : travailler. Travailler pour avancer, travailler pour ne pas sombrer, travailler pour ne plus penser. En plus de ses semaines chargées au lycée, elle passait les soirées du week-end en restauration. Comme à l’époque avec son père, elle aidait des amis derrière le comptoir. Toute son énergie devait être dépensée pour ne pas ruminer, pour ne pas vaciller. Seule la fatigue physique pouvait l’apaiser.
Au lycée, elle est devenue un pilier, une enseignante particulièrement motivée, à l’initiative de nombreux projets, comme dans les instances de l’établissement, élue parmi les représentants des enseignants. Lorsque les formations ont évolué, que le BEP et le Bac STI ont été remplacés par un Bac Pro en 3 ans en 2009, elle a su s’en occuper. Avec ses collègues, elle a géré les effectifs, adapté le parc machines, l’atelier. Elle a même proposé des cours spécialisés pour les élèves de BMA (Brevet des Métiers d’Art), les futurs horlogers. Grâce à l’équipe, 12 sections ont été formées en Bac Pro, près de 300 élèves sont passés par le lycée et plus de 80% ont validé leur examen, ont été embauchés. Il y a ceux qui ont continué, ils travaillent pour des sociétés de maintenance, s’occupent d’ascenseurs, de machines à café ou autres électroménagers, ils développent et installent la fibre optique, ils interviennent sur les réseaux SNCF ou s’occupent des caissons hyperbares au pôle santé. Certains sont employés par de grandes sociétés comme Atom, Thales ou Kone, qui sont implantées juste à côté. Il y en a d’autres pour qui le Bac Pro a permis de changer, ils sont devenus boulangers, chauffeurs de bus ou managers dans la restauration. Ils ont fini par trouver le métier qui leur convenait et se sont émancipés. Une belle réussite que le Bac Pro Microtechniques au lycée Pasteur et l’immense fierté de Karine chaque fois qu’elle rencontre un ancien élève qui lui explique comment sa vie a continué après le lycée.
Sur le plan personnel, la situation de Karine s’est doucement stabilisée. Puis, Karine a été touchée par le même cancer que sa mère. Elle a subi de lourds traitements. C’est d’ailleurs la seule période durant laquelle elle s’est absentée du lycée. Quand elle est revenue, elle était plus sérieuse et déterminée que jamais. En parallèle, elle s’est lancée dans d’autres projets. À force de tout démonter pour tout remonter, il lui fallait voir plus grand, alors elle rénove, aujourd’hui encore, la maison de ses grands-parents, au bord de la Drôme. Elle y consacre ses vacances et trouve un juste équilibre entre la vie au lycée et celle là-bas, plus reculée.
La fermeture du lycée
Seulement en 2022, l’équilibre s’est rompu. Tout s’est effondré. Des manigances, des réformes, des rumeurs nous avaient à plusieurs reprises inquiétés. Des réunions à répétitions. Des visites d’inspecteurs mesurant en nombre de pas la taille de l’atelier avaient corroboré. Les équipes s’étaient alors mobilisées. Les syndicats et quelques représentants politiques locaux nous avaient accompagnés.
Une énième réunion de spécialité a été organisée en visioconférence au sein du lycée, les enseignants de Microtechniques, de Dessin de construction, d’Horlogerie ont été convoqués. Ils se sont installés, les personnels de direction en ont fait autant. De l’autre côté de l’écran, l’inspecteur de spécialité et d’autres représentants de l’Institution. Les équipes d’un autre lycée étaient également convoquées. En quelques minutes, le verdict est tombé. Définitif, sans appel : fermeture du Bac Pro Microtechniques au lycée Pasteur dès la rentrée suivante, matériel et savoir-faire transférés dans l’autre lycée.
Les effets de la réforme pour les élèves
En raison de la transformation de la voie professionnelle amorcée depuis septembre 2018, tous les élèves désirant entrer dans cette famille de métiers devront intégrer la même classe de seconde « indifférenciée » de cet autre lycée, dont l’effectif global est déjà trois fois supérieur au nôtre. Pour les élèves de notre secteur, de nos quartiers, le trajet pourra durer jusqu’à une heure supplémentaire. L’implantation de cette seconde indifférenciée et le transfert de la section Microtechniques dans cet autre lycée se fait sur la dernière et ferme volonté de l’inspecteur de spécialité avant son départ à la retraite minutieusement préparé. Laissant dans son sillage quelques oubliés : la quarantaine d’élèves en CAP et BMA Horlogerie et leurs enseignants que l’on a complètement déconnectés de la spécialité, à qui il va bientôt manquer les techniques et machines pour usiner.
Qu’importe donc, septembre 2022, plus de secondes. Restent les élèves de première et de terminale en montée pédagogique.
Les effets sur les professeurs
Le volume horaire en enseignement professionnel s’est considérablement réduit, aussi l’inspecteur a bien recommandé aux enseignants concernés, Karine et André, de postuler sur le poste du lycée à seconde indéterminée. Cette même année pourtant, les heures dans le lycée en question ont été réservées sur un poste de stagiaire. Ils n’ont pas pu postuler. En septembre 2023, seules les terminales ont fait leur rentrée dans notre lycée. Deux postes ont été supprimés par mesure de carte scolaire : celui de Paul-Antoine, qui enseignait depuis plus de dix ans le dessin de construction aux élèves de Microtechniques ainsi qu’au élèves d’Horlogerie et celui d’André qui sera bientôt retraité. À choisir, et puisque la nouvelle inspectrice leur avait demandé, ils auraient préféré que le poste de Karine soit le premier supprimé. Qu’elle arrive dans l’autre lycée, puisse intervenir sur la seconde indifférenciée et se lancer dans de nouveaux projets. Mais là-bas, ils avaient besoin de quelqu’un de « plus expérimenté », pour tout installer. Une absurdité, non sans rappeler à Karine les injustices et préjugés déjà rencontrés lorsqu’elle s’est formée.
Et sur Karine
Cette année, Karine s’est beaucoup inquiétée. En salle des profs, son sourire a commencé à nous manquer. En classe, elle n’a rien montré, elle a poussé ses élèves à travailler. De toute façon, ils n’avaient vraiment pas envie de redoubler dans un autre lycée. Réussite obligée ! Dans l’autre établissement, le poste a été ouvert pour la rentrée 2024, requérant un profil microtechnique, pour enseigner dans la spécialité. Bien que ce soit la discipline pour laquelle elle s’est formée, dans laquelle elle enseigne, la discipline qui la passionne et qu’elle maîtrise, Karine avait bien rappelé à l’inspectrice que son CAPLP indiquait la Productique, puisque, au concours, la spécialité Microtechniques était fermée depuis de nombreuses années. Elle a tout de même postulé, constitué, fait valider et envoyé son dossier. Il n’a même pas été ouvert. Directement refusé. Pas la bonne spécialité. Cependant, il n’y avait à l’échelle nationale, aucun candidat titulaire du bon CAPLP. Le rectorat a donc choisi, à titre provisoire, d’affecter Karine sur le poste juste pour un an.
Juste pour un an, Karine a accepté. Une année charnière, pile au milieu de sa carrière. En somme, c’est elle qui a tout installé. Au mois de juin, alors que d’autres se déplacent à l’autre bout de la ville ou de l’hexagone, pour corriger quelques copies, Karine est venue tous les jours au lycée. Rassembler, trier, démonter, emballer. Elle était là pour aider quand les déménageurs et leurs camions sont venus tout embarquer. Au mois de juillet, entre les jurys et les épreuves de contrôle, elle a passé ses journées dans l’autre lycée pour tout déballer, tout installer. Maintenant, les nouveaux ateliers sont prêts pour la rentrée.
Karine est une collègue, je la connais depuis que j’ai débuté. Je l’ai toujours vue travailler, toujours respectée, peut-être même admirée. J’ai été flattée que des élèves puissent nous comparer. Je n’ai pas de doute, je sais qu’elle va y arriver. Que dans son nouveau lycée, les élèves comme les collègues vont forcément l’apprécier.
Pour le récit que je transmets, Karine s’est livrée avec une sincérité qui m’a profondément touchée, qui m’a rappelé l’authenticité et la probité de notre métier. Des Karine nous en avons tous rencontrés. Certains sont abîmés, d’autres plus vaillants. Notre institution a le devoir de les préserver, de les protéger puisque ce sont eux qui font l’école d’aujourd’hui et forment les travailleurs de demain, leur transmettent les connaissances et méthodes de travail dont ils auront besoin(1). Ils y parviennent parce qu’ils aiment leur spécialité. Est-ce seulement suffisant ?
Le service public de l’Éducation prépare les élèves à vivre en société et à devenir des citoyens responsables et libres, conscients des principes et des règles qui fondent la démocratie(2). Aussi, l’Institution demande-t-elle à ses intervenants de privilégier l’accueil, l’écoute, l’accompagnement et le suivi individualisé des élèves(3). Cette même institution semble pourtant incapable d’une telle déférence envers les enseignants qu’elle recrute. C’est ainsi que certains perdent leur vocation. Je me demande si l’Éducation nationale, elle, ne serait pas en train de perdre le sens commun ?
Marion Dupré
Notes :
Code de l’éducation – Chapitre Ier : Dispositions générales.
(1) Article L121-1 Modifié par LOI n°2021-1109 du 24 août 2021 – art. 32
« Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur sont chargés de transmettre et de faire acquérir connaissances et méthodes de travail. »
(2 et 3) Article L121-4-1 Modifié par LOI n°2021-502 du 26 avril 2021 – art. 2
« I.-Au titre de sa mission d’éducation à la citoyenneté, le service public de l’éducation prépare les élèves à vivre en société et à devenir des citoyens responsables et libres, conscients des principes et des règles qui fondent la démocratie. »
« II.-Le champ de la mission de promotion de la santé à l’école comprend : […] L’accueil, l’écoute, l’accompagnement et le suivi i
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