À toutes celles et ceux qui font vivre l’École au quotidien, nous souhaitons de très belles vacances. Des vacances bien méritées, attendues, nécessaires. Nous savons combien cette pause estivale est précieuse, tant l’année fut éprouvante.
L’école de haut en bas…
Encore une fois, l’École a traversé une année instable : trois ministres en neuf mois, des réformes à marche forcée, des annonces successives, parfois contradictoires, souvent éloignées du terrain. Au-delà de la fatigue, un sentiment s’installe : celui de la perte de sens. Qui choisit encore ce métier et le conseillerait aujourd’hui ? Ces questions, dont la rédaction a de fréquents témoignages, révèlent un malaise profond.
Et pourtant, malgré tout, quel bonheur de transmettre, d’enseigner, d’éveiller les consciences, nourrir les esprits, construire du commun. C’est un métier d’engagement. Un métier qui, dans sa nature même, est un acte militant. Militant pour l’égalité, pour la justice sociale, pour l’émancipation. Militant pour chaque élève, quel que soit son milieu, son histoire, ses difficultés.
Des réformes, des réformes et encore des réformes
Les réformes descendantes, imposées sans concertation, finissent par éroder l’engagement. Elles déstabilisent, désorganisent, démotivent. Le cœur même du métier s’efface peu à peu. En vrac : attaque contre le service public, « le choc des savoirs » et ses groupes de niveaux, le parcours Y et la désertion du lycée professionnel toujours méprisé, une culture du chef dès l’école, une école inclusive qui n’a d’inclusive presque que le nom et l’ambition, des écoles inadaptées été comme hiver. Ou inadaptées tout court ? la publication du programme EVARS est une avancée, à condition d’une application et d’une mise en œuvre réelle et partout.
Si la violence est un phénomène social, elle n’est – hélas, pas absente de l’école et d’un système éducatif inégalitaire. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur la maltraitance institutionnelle. Tout va vite, tout le temps, sans arrêt. L’accélération des informations, des réformes et de leur annonce perd tout sens : cette survitalité épuise ses personnels et finalement dévitalise l’école.
Des souffrances
L’École est en souffrance. Elle est traversée par des tensions, des fractures, un désarroi profond et des deuils : Christine Renon, Samuel Paty, Dominique Bernard, Agnès Lassalle, et Mélanie Grapinet. Les otages Cécile Kohler et Jacques Paris sont toujours détenus en Iran. De nombreux signaux sont au rouge, et pas uniquement à cause des températures. La santé mentale des élèves comme celle des personnels est gravement affectée.
Et puis il y a eu Betharram. Ce nom, aujourd’hui, fait écho à l’horreur institutionnelle. Il a libéré d’autres paroles, d’autres récits d’enfants brisés, de violences tues, couvertes par le silence, la complaisance et des défaillances plurielles. Des enfants maltraités, abandonnés par un système qui aurait dû les protéger. Que cela ne se reproduise plus jamais et que plus jamais une telle horreur ne puisse être couverte par le silence d’adultes.
Jamais, je n’oublierai l’effroi ressenti en entendant les témoignages de tortures, de violences, les fugues des enfants lors de l’audition des victimes le 20 mars 2025, et particulièrement ce moment suspendu quand tous nous nous demandons si nous avons bien compris qu’une enfant avait été dévorée par des chiens. Une image insoutenable. Voilà ce que des adultes, ce que des institutions ont pu permettre, infliger à des enfants. Une vérité glaçante. Mais il y a aussi le courage. Celui de celles et ceux qui osent parler, comme Mme Gullung. Comme tant d’autres.
Mais la vitalité de l’Ecole au quotidien
Dans ce contexte, le rôle des médias est fondamental. Le Café pédagogique, chaque jour, témoigne de la vitalité du monde éducatif : de ses réussites, de ses luttes, de ses innovations, de ses colères. La 13ème édition du Forum du Café témoigne de la vitalité de l’Ecole et de l’ambition portée par les enseignant.es notamment. De la salle de classe à la rue de Grenelle, l’École reste vivante, inventive, engagée. Chaque jour le Café pédagogique vous accompagne et partage des projets, des ressources. Il vous offre du grain à moudre, avec le regard et l’expertise de chercheurs. Et pour le meilleur et parfois le pire, votre média rend compte et analyse (projet de) réforme, notes, études et rapports qui concernent l’Ecole. Car le Café pédagogique est bien votre média qui vous soutient et vous informe.
Alors à la veille des vacances et pour la rentrée un vœu ou un rêve : qu’on laisse à l’École le temps de respirer, de réfléchir, de se reconstruire. Qu’on redonne aux enseignants ce « temps de cerveau disponible » pour aimer, goûter, savourer et aimer leur métier.
C’est notre souhait : une école du sens, du cœur, de la joie. Pour que l’École redevienne un lieu de confiance, un lieu d’avenir, pour toutes et tous, dans une société solidaire, fraternelle, plus juste.
Bel été à chacune et chacun d’entre vous.
Djéhanne Gani
