A peine nommée et déjà une polémique à Mayotte. Pourtant Elisabeth Borne se voulait rassurante lors de sa passation de pouvoir la veille de Noël. « Je n’envisage pas la préparation d’une énième loi ». Ministre d’État et numéro deux du gouvernement, Elisabeth Borne a été nommée ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche le 23 décembre 2024 par François Bayrou. Matignon a fait le choix d’une ministre politique pour la rue de Grenelle. Doit-on attendre un changement radical sur la manière de fonctionner du ministère depuis 2017 ?
Elisabeth Borne : La 6e ministre de l’Éducation nationale de l’année 2024
Cinquième ministre de la Rue de Grenelle de l’année 2024 et sixième ministre en deux ans, le champ du portefeuille de la ministre Borne a été étendu pour la première fois depuis la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Philippe Baptiste, l’ancien directeur de cabinet de la ministre Frédérique Vidal, a été nommé ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche.
Des réformes usantes et des urgences
Les personnels sont épuisés par les réformes successives et l’absence de moyens ne répond pas aux urgences. Aucun des 5 ministres des 3 précédents gouvernements en 2 ans n’a semblé en prendre la mesure. Ni les salaires en-dessous de la moyenne des pays européens et leur incontestable décrochage en 40 ans, ni les réformes successives et incessantes décrétées contre vents et marées ne répondront à la crise du recrutement des professeurs. Quel que soit le ou la ministre, l’orientation des réformes comme le choc des savoirs – pourtant rejetées par la société – a été maintenue, malgré les grèves des personnels et les mobilisations des parents d’élèves. « Le navire ne changera pas de cap» assumait déjà la prédécesseuse d’Elisabeth Borne. Les ministres passent, changent et rien ne change. Alors que tant devrait changer, sur le fond, le système, mais aussi la forme. Dès lors, l’arrivée de la Ministre qui a usé du 49.3 à la Rue de Grenelle peut faire craindre la poursuite d’une méthode, celle qui impose depuis le palais de l’Élysée, celle qui a perdu le lien à ses personnels, celle qui maintient le cap quand le navire prend l’eau. Dans un communiqué de presse lacunaire, le SNALC a écrit le 23 décembre « Là, le SNALC l’avoue : il ne sait plus quoi dire. »
Un discours politique d’une ancienne Première Ministre
« Notre pays est face à une situation politique inédite » justifie la nouvelle ministre de l’Éducation nationale lors de la passation de pouvoir. La ministre Borne a rappelé sa croyance « en l’importance du bloc central et ce qu’il incarne » et en « la nécessité des alliances entre les forces politiques républicaines car notre démocratie est fragile et doit être défendue ». L’ancienne Première Ministre dit n’avoir pas envisagé de faire partie d’un prochain gouvernement mais qu’elle a décidé de répondre favorablement au Premier Ministre François Bayrou au vu du contexte politique d’instabilité institutionnelle. « Je ne prétendrai pas que j’avais prévu de longue date de me présenter devant vous » a reconnu la ministre de l’Éducation nationale lors de la passation de pouvoir le 24 décembre 2024.
« Je ne suis pas une spécialiste de ces sujets »
La ministre Elisabeth Borne affirme et assume ne pas être une spécialiste du sujet éducatif : « Je ne suis pas une spécialiste de ces sujets » mais elle se dit « consciente de l’importance de la tâche ». Elle évoque son « humilité ». Dans son discours, elle n’a pas exposé une liste des sujets brûlants à traiter – salaires, réformes, programmes -.
« Nous devons donner un coup d’arrêt à la montée des incivilités » a lancé la ministre Elisabeth Borne, évoquant les insultes, les actes de violences et atteintes à la laïcité. Elle a partagé quelques-unes de ses préoccupations, qui posent quelques marqueurs : comme l’autorité ou le mérite : « la réussite, ça se mérite » a-t-elle affirmé. La question du mérite dans un système éducatif inégalitaire qui reproduit les inégalités sociales se pose. Mais la ministre a également affirmé sa volonté de « réparer les inégalités sociales », de « lutter contre le déterminisme social ».
« Les résultats ne sont pas encore au rendez-vous »
La ministre Elisabeth Borne a dit vouloir élever le niveau : « je ne me satisferai pas des résultats aux évaluations nationales », « nous devons faire mieux », « les résultats ne sont pas encore au rendez-vous » a-t-elle lancé.
« Un dialogue social attentif »
La ministre Borne s’est engagée à un « dialogue social attentif avec [les] organisations représentatives [des professeurs] afin de répondre à leurs préoccupations ». La ministre Borne saura-t-elle changer de méthode, passer du 49.3 à une écoute des revendications sur les nombreux dossiers brûlants : réformes du choc des savoirs, de la formation continue, programme EVARS, du recrutement des personnels, des suppressions de postes, des épreuves du baccalauréat ? Le service public de l’éducation se porte mal, et ce à tous les étages et à différents égards. Le champ du ministère s’étend désormais de la maternelle au supérieur, c’est un véritable défi pour la ministre Borne dans un contexte de défiance, d’attentes, de besoins, voire déjà de ruines.
Djéhanne Gani
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