Un couple passait en justice pour avoir refusé d’inscrire ses deux filles à l’école malgré des mises en demeure fin janvier 2025. Depuis la loi de 2022, les règles se sont durcies pour obtenir l’autorisation d’instruction à la maison, et des familles revendiquent la « désobéissance civile ». Que disent la loi et la médiatrice de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur Catherine Becchetti-Bizot ? Le rapport de celle-ci « Faire alliance, redonner confiance » présenté le mercredi 17 juillet 2024 consacrait un focus à l’IEF : 2023 a vu une flambée des réclamations au sujet de l’Instruction En Famille. Elle notait dans le rapport une défiance grandissante entre les familles et l’école.
Un changement de cadre législatif et une hausse des saisines
Le rapport rappelle que l’instruction en famille représente 0,4% des enfants : 99, 6% des enfants sont scolarisés dans un établissement scolaire, dont 83% dans un établissement public. La médiatrice souligne que depuis 2005, les proportions entre personnels et usagers se sont inversées : désormais environ un tiers des saisines provient des personnels. La majorité des saisines provient donc des usagers et montre une relation école-famille qui se dégrade. En 2023, ce sont plus de 20 000 saisines, un nombre en augmentation. Le rapport pointait par ailleurs une « demande et un besoin croissant d’écoute, d’explication en transparence, de considération » pour les personnels comme pour les usagers en 2023. Le rapport fait « un état des lieux des réclamations (…) assez représentatives de la situation reflétant les inquiétudes et difficultés des usagers et personnels de l’éducation. »
Le cadre législatif de l’IEF a changé depuis la loi du respect des principes de la République (loi n° 2021-1109 du 24 août 2021), il a substitué au principe de l’instruction obligatoire celui de la scolarisation obligatoire. L’année suivante, en 2022, la médiation a examiné une trentaine de saisines, dont des demandes de précisions et d’informations. Le rapport note qu’« en 2023 le nombre de saisines relatives à l’IEF reçues par les médiateurs a été multiplié par 10 par rapport à l’année précédente ». Les demandes représentent à présent plus 300 saisines. La moitié des demandes concerne des cas de refus de l’IEF de la part de l’administration. La médiatrice souligne que « l’incompréhension est particulièrement forte dans les familles qui ont fait le choix de l’IEF pour les ainés et se sont vu refuser leurs demandes pour leur dernier enfant scolarisé pour la première fois en maternelle ». Le rapport précise que « la fin de la période dérogatoire pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024 pour les enfants instruits en famille en 2021-2022 pour lesquels les résultats du contrôle étaient jugés suffisants risque d’entraîner une nouvelle augmentation des saisines en 2024 ».
Les motifs fixés par la loi pour demander l’autorisation d’IEF
Quatre motifs sont fixés par la loi pour demander l’autorisation d’IEF : l’état de santé de l’enfant ou son handicap, la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, l’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public, et pour finir l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant à assurer l’IEF dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le rapport souligne que ce dernier point suscite beaucoup d’interrogations de la part des familles qui s’appuient sur ce motif de dérogation et qui n’obtiennent pas d’autorisation.
Djéhanne Gani
Le rapport de la médiatrice de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur 2023
