Le Café pédagogique adresse tout son soutien au collège Françoise Dolto de Nogent, à la famille de Mélanie, à ses collègues, et à tous les personnels de l’Éducation nationale. À celles et ceux qui, chaque jour, œuvrent, corps et âme, pour accompagner la jeunesse, la former, la faire grandir.
Aujourd’hui, l’école est endeuillée. Une fois de plus. Une fois de trop là voilà touchée en plein cœur par la violence mortelle. C’est cette violence et ce qui la nourrit qu’il faut interroger alors qu’elle frappe le même jour en France et en Autriche. Quand un enfant tue, comment ne pas s’interroger collectivement sur un ensemble de coups invisibles qui font système ?
Encore une vie arrachée dans l’exercice d’une mission éducative. Encore un acte de violence au cœur même de ce qui devrait être un espace protégé. Après Samuel Paty, Dominique Bernard, Agnès Lasalle, Mélanie vient allonger cette liste déjà trop longue.
Les violences, sociale, institutionnelle, silencieuse
N’est-ce pas notre violence qu’il faut sonder ? Celle de notre société, de ses inégalités profondes, des écarts qui se creusent entre ceux qui ont et les autres, entre les perdants et les gagnants. La violence des adultes entre eux, du monde des adultes, mais aussi de celui des enfants, qui n’est pas épargné de violences, celle d’un système de compétitions, de sélection que les adultes perpétuent sans protéger l’enfance. L’orientation n’en est qu’une illustration, comme l’ont encore rappelé la semaine dernière le rapport de la Cour des comptes et de l’Observatoire des inégalités. C’est aussi la violence des silences, comme on l’a vu avec le tsunami de(s) Betharram(s).
C’est aussi l’absence de liens, de dialogue, celle de la solitude réelle dans un monde pourtant hyperconnecté. C’est une violence quasi-systémique. C’est un bain de violences, petites et grandes. La violence d’un enfant est un échec, c’est celui des adultes, celui de la société.
Tous les coups invisibles – inégalités, pauvreté, solitude, mépris, abandon – nourrissent ce coup mortel. Quand un enfant tue, c’est tout un système qu’il faut interroger. Tous les manques font système. C’est un coup porté à chacune et chacun de nous.
La violence ne surgit pas sans raison et sa cause n’a pas qu’une raison
On convoque déjà les « mesures de sécurité » : portiques, fouilles, interdictions. Mais la tragédie s’est déroulée lors d’une fouille. Fouiller n’est pas protéger. CQFD. Est-ce vraiment de portiques et de fouilles dont l’École a besoin ? Même le ministre de l’Intérieur en doute. Et il n’est pas le seul.
La santé mentale des jeunes est aujourd’hui une urgence de santé publique.
Et surtout, cela masque une réalité plus profonde. La violence ne surgit pas sans raison. Elle est le reflet d’un abandon collectif, d’un système éducatif fragilisé, d’une jeunesse en perte de repères.
Pendant ce temps, les questions essentielles restent ignorées : où sont les moyens pour la santé mentale des jeunes ? Où sont les infirmières scolaires, les psychologues, les assistantes sociales, les adultes formés pour repérer les signaux faibles, accompagner, prévenir ?
La santé mentale, urgence de santé publique
Les chiffres et les faits sont là. La souffrance psychique des adolescents explose, les équipes éducatives s’épuisent, des AED aux enseignants, en passant par les CPE, les chefs d’établissement, les psychologues, les assistantes sociales, toutes celles et ceux qui, chaque jour, tentent encore de tenir l’école debout et qui chaque jour, œuvrent, corps et âme, pour accompagner la jeunesse, la former, la faire grandir.
Et pourtant, on continue de répondre à cette crise par la sanction et le contrôle, plutôt que par l’écoute et la présence. C’est l’école qu’on exp(l)ose. C’est elle qu’on laisse seule face à la détresse des jeunes, sans les moyens humains, ni médicaux, ni éducatifs nécessaires. Encore une fois, c’est l’école qui pleure. Qui enterre l’une des siennes.
Djéhanne Gani
