A l’image de plusieurs de ses prédécesseurs le Président de la République, Emmanuel Macron considère que l’organisation des temps scolaires et périscolaires est un levier pertinent pour favoriser « le développement et les apprentissages des élèves », « réduire les inégalités scolaires », « trouver un équilibre pour faciliter la vie de famille ».
Pour ce faire et de façon inédite une consultation sous forme de convention citoyenne sur « les temps de l’enfant » sera bientôt organisée.
A cette occasion et pour éclairer le débat -qui sur ce sujet et à la lumière du passé fera sûrement objet de polémiques, souvent fondées sur des inexactitudes et un manque de connaissances scientifiques, il me semble opportun de porter à la connaissance publique un ensemble d’informations factuelles issues d’une fertilisation croisée entre des responsabilités ministérielles et associatives et une série d’études et de publications portant sur l’organisation des temps scolaire, périscolaire, postscolaire et leurs impacts sur les enfants/élèves, familles, enseignants, animateurs et collectivités locales.
Trois faits significatifs
Pour comprendre cette préoccupation politique unique en Europe, trois faits significatifs sont à rappeler :
- Les modifications des rythmes scolaires depuis la création de l’école de Jules Ferry jusqu’au début des années 1980 n’ont quasiment concerné que le calendrier scolaire annuel.
- Les changements opérés durant cette période et dans leur très grande majorité sont dus à des raisons d’ordre social, économique ou politique.
- Le calendrier scolaire actuel est issu de réflexions et de propositions émises par l’académie de médecine, les syndicats d’enseignants, les associations complémentaires de l’école et les fédérations de parents d’élèves reprises en 1980 dans le second rapport du Conseil Economique et Social sur ce sujet (rapporteur Emile Levy Professeur de médecine)
La France, une exception
A noter aussi que La France est en matière d’organisation du temps scolaire « l’exception » des pays de l’OCDE
DUREE | FRANCE (moyenne) | OCDE (moyenne) |
Année scolaire | 36 semaines | 38 semaines |
Vacances (total) | 16semaines | 13semaines |
Vacances d’été | 8semaines | 9semaines |
D’instruction obligatoire CP à 3ème Collège |
8192 heures | 7634 heures |
Temps apprentissages fondamentaux |
59% du temps scolaire 38% compréhension de l’écrit 21% mathématiques
|
41% du temps scolaire 25% compréhension de l’écrit 16% mathématiques |
Regards sur l’Education 2023 OCDE
La France se caractérise par :
- Une durée du temps de travail annuel la plus courte (concentrée sur des semaines de 4 jours pour la très grande majorité des écoles primaires.
- Une durée du temps d’instruction obligatoire la plus longue.
- Une durée des temps des apprentissages fondamentaux proportionnellement plus importante.
Cinq périodes
L’analyse de cet important corpus d’informations permet de distinguer 5 périodes, dont les quatre premières sont délimitées au fil du temps par des modifications importantes du calendrier scolaire, et la dernière contemporaine par une rupture avec les politiques antérieures dans la conception de l’organisation de l’aménagement du temps scolaire.
- C’est ainsi que durant la période « socio politique » (1882-1922) (avec l’implantation de l’école laïque gratuite et obligatoire), les durées des vacances d’été étaient « courtes », différentes selon les niveaux d’enseignement scolaire et même facultatives pour les écoles maternelles, la décision était prise au niveau du préfet.
- Au cours de la période « socio-économique » (1922-1961) : vacances d’été allongées, besoins du monde rural et congés payés des ouvriers, la décision se recentralise. C’est le ministre qui fixe les dates de vacances, les mêmes pour tous les niveaux d’enseignement. Au cours de cette période des essais de zonage et de dates de rentrée différentes seront expérimentées.
- Durant la période « économique » (1961-1980) : période du développement des industries touristiques et de la société des loisirs en rapport avec les « Trente glorieuses » de la France : zonage des vacances d’hiver, de printemps et d’été, la durée des petites vacances et le nombre de zones fluctuent régulièrement. La durée des vacances d’été comprend toujours les mois de juillet et d’août.
Enfin en 1979, le Conseil Economique et Social est saisi une première fois afin d’évaluer l’impact de modifications des rythmes scolaires sur le développement économique de la France. Concernant le calendrier scolaire, il est préconisé de créer 5 zones pour les vacances d’été et de faire débuter l’année scolaire le 1er janvier.
La décision gouvernementale qui sera prise en 1980 sera de déconcentrer la fixation du calendrier scolaire au niveau des recteurs et ainsi de créer de facto 28 zones. Pour les vacances d’été, celles-ci pourront s’étaler entre le 15 juin et le 1er octobre. Aucune durée de vacances ne pourra excéder 11 semaines, mais il n’est pas fixé de seuil minimal. L’échec retentissant de cette organisation tant sur le plan économique que social aboutit au retour à la fixation d’un calendrier national unique par le ministre.
- Période psychopédagogique
Un second rapport du CES en 1980 centré sur « rythmes scolaires et élèves » préconisera notamment en s’appuyant sur les travaux des médecins et des psychologues le découpage de l’année scolaire en égales périodes de travail (de 5 à 7 semaines) entrecoupées de périodes de vacances réparatrices (environ 2 semaines). Ce n’est qu’en 1985 que ce calendrier sera officiellement décidé et appelé communément le « 7 / 2 » (soit cinq périodes de travail de 7 semaines entrecoupées de quatre périodes de courtes vacances de 2 semaines). Il se terminera par deux mois de vacances d’été.
Son institutionnalisation sera complète lorsqu’il se trouvera inscrit dans l’article 9 de la Loi d’Orientation sur l’éducation de 1989 ; il devient alors triennal et doit faire l’objet d’une évaluation.
Il faut toutefois noter que dans sa version « originale » (deux zones), ce calendrier équilibré n’a existé qu’à deux reprises (1986-1987 et 1990-1991) et que son évaluation, elle, n’a été effectuée qu’une seule fois. A noter que ce changement – à la demande du monde économique – a été effectué par deux gouvernements l’un de « gauche », l’autre de «droite » .
- Période socioéducative (1998…)
Concernant le calendrier scolaire, soulignons ici, la grande stabilité de son organisation annuelle. En effet
depuis 1992, le modèle « 7 / 2 » (trois zones) se répète tous les trois ans avec quelques aménagements ponctuels dus notamment aux « ponts » du mois de mai mais aussi à la « reconquête » du mois de Juin et du recul de la date des examens .
En revanche une nouvelle orientation politique a conduit le dispositif centré sur le projet école associant des partenaires éducatifs depuis 1984 à privilégier « l’idée que l’éducation est une mission partagée avec l’ensemble des acteurs intervenants dans le domaine de l’éducation ». A noter que c’est au cours de cette période qu’ont été prises les décisions de la suppression du samedi matin de classe et de faciliter la généralisation de la semaine de 4jours.
Ce bref rappel historique nous permet trois réflexions : la première démontre que nous sommes loin du caractère « immuable » souhaité par certains. La seconde que les réussites et les échecs passés peuvent servir de points de repère pour une démarche prospective plus assurée ; la troisième, et bien sûr la plus importante : la nécessité de concevoir le calendrier scolaire comme un outil qui est d’abord au service du bien-être et de la réussite de nos élèves et de nos enseignants mais qui doit aussi tenir compte de façon légitime des intérêts économiques, sociaux et familiaux qui sont ici en jeu.
Les rythmes scolaires et rythmes de l’enfant : allègement de la journée de travail scolaire, étalement dans la semaine
Posons d’abord la condition essentielle sur laquelle reposerait la construction d’un nouveau calendrier. Il faut le considérer comme un élément d’un tout appelé « rythmes scolaires » et étroitement lié à l’organisation de la journée et de la semaine de classe. Il repose sur le constat de plus en plus évident d’une part du développement de la fatigue, de l’agressivité, de la violence des élèves et d’autre part sur les conséquences que ces états entraînent, tant sur la vie et l’appétence scolaires des élèves que sur les risques psychosociaux auxquels sont désormais de plus en plus exposés les personnels des établissements scolaires.
Pour remédier à cette situation dénoncée depuis longtemps par l’Académie de Médecine, les Fédérations de parents d’élèves, l’Inspection Générale de l’Education Nationale, des syndicats de personnels de l’Education Nationale, les grandes associations complémentaires de l’école et familiales, l’Observatoire des Rythmes et des Temps de vie des Enfants et des Jeunes (ORTEJ) mais aussi par la plupart des services sociaux et médicaux et plus récemment par la Cour des comptes… l’allègement de la journée de travail scolaire, son étalement dans la semaine – permis par un raccourcissement des vacances d’été – apparaît comme une des réponses les plus pertinentes.
Pour un contrat d’engagement du temps scolaire
Pour ce faire et en tenant compte de la situation actuelle de forte réticence voire de refus des enseignants du primaire de ce type d’organisation du temps scolaire – due en bonne partie à la méconnaissance des impacts bénéfiques de ce changement sur eux-mêmes et les élèves, plus particulièrement pour ceux scolarisés en REP/REP, ainsi que sur la communauté éducative (freins accentués par l’inquiétude financière des collectivités locales) – une opération en deux temps apparaît comme une piste de réflexion inédite et susceptible de retenir l’intérêt des acteurs et usagers concernés
D’abord dans un premier temps revenir à la notion de contrat d’aménagement du temps scolaire, décliné sous différentes formes durant près de 15 ans et fondée sur le volontariat de la communauté éducative.
Ensuite au regard de l’importance des Ecoles et Etablissements engagés dans ce dispositif s’inspirer ou non des « 10 mesures pour des rythmes équilibrés » issues de la concertation nationale sur les rythmes scolaires initiée par le ministre de l’Education nationale Luc Chatel – réalisée du 7 juin 2010 à juillet 2011- qui a mobilisé la quasi-totalité des écoles et des responsables territoriaux de l’Education nationale et concerné l’ensemble des représentants des acteurs et usagers du système éducatifs et des catégorie d’élus nationaux et territoriaux, des scientifiques ainsi que des responsables du monde économique.
Parmi les mesures proposées qui toutes sont interdépendantes (dans un volume d’enseignement annuel inchangé) mentionnons ici la durée de l’amplitude journalière 7h au moins (dont 5h d’enseignement et 2 h d’accompagnement éducatif pour toute les écoles et collèges), un étalement de la semaine sur au moins 9 demi-journées et une année organisée sur 38 semaines d’école, en 5 périodes de travail et 4 périodes de petites vacances de 2 semaines.
Georges Fotinos
