Pourquoi avez-vous mis en place un dispositif de mentorat dans votre établissement ?
Débuter dans le métier d’enseignant, tout particulièrement en éducation prioritaire renforcée, constitue un véritable défi. Il y a une dizaine d’années, en collaboration avec une collègue professeure de physiques et aujourd’hui avec une enseignante de SEGPA, nous avons pris l’initiative de créer un dispositif de mentorat à destination de l’ensemble des nouveaux personnels du collège : enseignants, accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), assistants d’éducation ou encore assistants pédagogiques. Plus récemment, un nouveau principal adjoint a également choisi d’intégrer cette démarche. Pour ma part, j’avais bénéficié d’une formation à l’Institut français de l’Éducation, à Lyon, portant sur l’accompagnement des professeurs débutants.
En quoi consiste ce dispositif ? Quelles sont les actions menées et leur durée ?
Ce dispositif repose sur le volontariat. Nous proposons, en amont de la réunion de pré-rentrée, un accompagnement individualisé : soutien, conseils, visites formatives – sans jamais adopter une posture d’évaluateur. La relation de confiance et la confidentialité sont au cœur de notre démarche, conformément aux préconisations de François Muller dans Le Livret du Mentor.
Le suivi s’échelonne de quelques mois à deux années, selon les besoins exprimés. Dès le mois de septembre, des visites-conseil sont organisées, centrées notamment sur la gestion de classe. Des temps conviviaux, comme des repas à thème, permettent d’aborder des problématiques fréquentes : gestion des situations de violence, posture à adopter lors des rencontres avec les familles, question du sens et des modalités de la sanction, etc. Par ailleurs, des mini-saynètes autour des gestes professionnels (regard, posture, voix…) sont proposées afin de favoriser une meilleure maîtrise du cadre de classe. Chaque nouvel arrivant bénéficie d’au minimum 8 heures de formation. Certains expriment le besoin d’un accompagnement prolongé, tandis que d’autres se sentent rapidement rassurés et autonomes, mettant alors fin à leur participation.
Quels effets avez-vous pu observer ? Quels sont les retours d’expérience ?
Nous nous rendons disponibles pour répondre à l’ensemble des interrogations, qu’elles relèvent d’aspects matériels, pédagogiques, ou bien de difficultés liées à l’isolement professionnel ou à la gestion de classe – enjeu central pour les débutants. Les premières préoccupations exprimées concernent d’ailleurs très souvent la capacité à « tenir une classe ». Notre rôle consiste alors à les accompagner dans la compréhension que l’efficacité pédagogique – notamment via un travail adapté et accessible – contribue directement à une meilleure gestion du groupe. Nous valorisons une approche progressive, faite d’ajustements nécessaires et normaux.
Ce dispositif, complémentaire du tutorat institutionnel prévu par l’Éducation nationale, constitue une réponse concrète à la solitude professionnelle. Il renforce la cohésion au sein de l’établissement et participe à une amélioration tangible du suivi pédagogique des élèves, directement dans le quotidien de la classe.
Quels en sont les bénéfices ?
Les bénéfices sont multiples. Pour les mentorés, il s’agit d’une meilleure professionnalisation et d’une adaptation plus rapide à l’environnement scolaire. Pour les mentors, ce rôle valorise leur expertise professionnelle et leur engagement. Enfin, pour l’institution, le dispositif favorise une plus grande stabilité des équipes ainsi qu’un climat scolaire apaisé.
Pendant trois années, notre projet bénéficie du soutien de la CARDIE de Reims. À notre demande, cette dernière nous a mis en relation avec un chercheur, qui travaille actuellement sur les indicateurs de ce projet et va conduire des entretiens qualitatifs et d’évaluation du mentorat.
Une valorisation institutionnelle plus marquée de cet engagement contribuerait à en assurer la pérennité et à encourager d’autres initiatives similaires. Nous espérons que cette démarche pourra être partagée et adaptée dans d’autres contextes éducatifs, afin d’en faire bénéficier un plus grand nombre.
Propos recueillis par Djéhanne Gani
