L’Expresso du 24 novembre 2022
- Le fait du jour -
« L’évaluation n’est pas un exercice neutre consistant à quantifier le mérite d’un élève. Mais selon le type d’évaluation, elle a des effets psychosociaux sur les élèves et les enseignants ». Ces propos d’Agnès Florin, responsable avec André Tricot du Cnesco, résume assez bien une journée qui a vu se succéder des chercheurs expliquant pourquoi…
Peut-on changer le recrutement des professeurs des écoles sans remettre en question leur statut ? Le 23 novembre, Rodrigo Arenas (LFI) et Cécile Rilhac (Renaissance) remettent leurs propositions à l’issue d’une mission flash demandée par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée. Leurs propositions cherchent des pistes d’amélioration du concours, des affectations et des carrières sans…
- L'élève -
Face à l’horreur d’un infanticide suscitant l’effroi, d’où vient l’obsession secrète, inavouable, qui saisit une grande documentariste habituée de longue date à accueillir la parole et l’existence des « invisibles » de notre société ? En 2013, une jeune femme sénégalaise, doctorante en philosophie, est accusée d’avoir tué son bébé de 15 mois en le livrant à…
- La classe -
« Cette exigence de l’innovation est une exigence quotidienne largement partagée par mes collègues de l’ombre ». À la veille du Forum des enseignants innovants 2022, Aurélie Badard, un pilier des premiers Forums, revient sur son parcours. Avec une pincée d’amertume. Et beaucoup d’énergie encore pour ses élèves. Poursuivre le chemin de l’innovation Cette invitation…
- Le système -
Très pondéré quand il a répondu, le 22 novembre à l’Assemblée nationale, à une question d’un député RN, le ministre de l’Éducation s’est vivement animé pour répondre à Nadège Abomangoli, une députée LFI. Nadège Abomangoli a déposé une proposition de loi tendant à créer un corps de fonctionnaires AESH. Selon elle, cela résoudrait la question…
« En faisant dépendre les apprentissages dispensés au lycée des arbitrages locaux et des besoins des entreprises, ce projet porte atteinte au principe d’égalité. Le doublement du volume horaire dévolu aux stages se fera, en outre, aux dépens des enseignements dispensés au lycée par des professeurs dont les compétences ont été attestées par des concours…
Quand le ministre va à Ibiza, son chef de cabinet fanfaronne. Selon Le Parisien, un ancien chef de cabinet de JM Blanquer a tenté d’échapper à une amende pour tapage nocturne en faisant valoir son ancienne qualité. « Je n’aurais pas dû sortir ma carte ministérielle », dit-il au Parisien. « C’est une connerie ».…
Peut-on être poursuivi pour avoir dit que le Père Noël n’existe pas ? C’est ce qui arrive à une enseignante d’Aubord, une commune près de Nîmes. Cela prête à rire. Mais cet incident se situe dans un climat conflictuel avec des plaintes croisées entre l’enseignante et deux familles. Selon le Midi libre, l’éducation nationale suit l’affaire…
La Commission européenne a lancé le 23 novembre l’appel à propositions dans le cadre du programme Erasmus+ pour 2023. Avec un budget annuel de 4,2 milliards d’euros, Erasmus+ renforce son soutien. Le programme continuera de soutenir la circulation des élèves, des étudiants de l’enseignement supérieur et de l’enseignement et de la formation professionnels (EFP), des…
- La classe -
« Rares sont les pédopsychiatres pour défendre la scolarisation précoce. De leur point de vue, elle néglige le développement psychoaffectif des enfants, qui ont besoin, jusqu’à 3 ans, d’un environnement adapté à leurs besoins, en petits groupes et non pas dans un groupe classe d’une vingtaine d’élèves, avec dans le meilleur des cas, une aide…
- Les disciplines -
Mention spéciale pour le lycée Jean Moulin de Thouars et sa journée interlangues contre l’homophobie et la transphobie. Les professeurs de langues vivantes du lycée ont travaillé ce thème avec leurs élèves pour célébrer la journée du 17 mai. En espagnol, deux enseignantes ont réalisé avec les élèves un montage vidéo. En anglais, les élèves…
L'édito
Amélie, merci !
Alors que les enseignants entament un mouvement social de longue durée, il faut rendre sa part de mérite à Amélie Oudéa-Castéra. Pour avoir incarné aussi visiblement les non-dits du projet éducatif d’Emmanuel Macron, elle mérite un remerciement. Et elle nous donne l’occasion de revenir sur ce projet et ce combat. Depuis 2017, Emmanuel Macron a fait de l’éducation « le combat de notre siècle ». Et, depuis 2017, les enseignants bloquent le projet. Un long septennat de luttes qui nécessite maintenant une réponse de la société.
L’Ecole et Ibiza
A quoi pense Emmanuel Macron ? D’année en année, son choix semble moins sur. Jean-Michel Blanquer avait su déguiser la politique éducative d’Emmanuel Macron sous le masque de la République et de la science. En 2018-2019, au moment de la loi Blanquer, sous la poussée des enseignants, son siège vacillait. Mais, avec l’aide de la droite sénatoriale, il avait réussi à se maintenir en usant de son image de défenseur de l’Ecole. Il fallut Ibiza pour qu’il tombe. Le ministre faisait passer ses vacances avant son travail, la jet-set avant la République.
Avec Amélie Oudéa-Castéra, Ibiza est arrivé dès le premier jour. Mieux que ses prédécesseurs elle affichait sans vergogne ses choix de caste et revendiquait ses privilèges. De déclaration maladroite en formule malheureuse, la ministre a fini par incarner la grande bourgeoisie séparatiste, plutôt VIIème que 6ème. Ce choix, malheureux pour E. Macron, met en évidence les décisions anti sociales de la politique éducative d’E. Macron.
Une seule politique depuis 2017, celle de Macron
Car, depuis 2017, c’est bien la même politique éducative qui essaie de s’installer. On peut même remonter à 2016, où le futur ministre d’Emmanuel Macron, membre de l’Institut Montaigne, la définit. Dans « L’école de demain« , JM Blanquer en fixe les bases. C’est l’autonomie d’établissements scolaires mis en concurrence, dirigés par des chefs managers. C’est la fin du collège unique remplacé par des établissements à autonomie pédagogique. C’est l’éducation réduite aux fondamentaux dans le premier degré et pliant sous leur poids dans le second. Ce sont des enseignants dont les pratiques pédagogiques sont dictées et dont le mérite est estimé annuellement grâce aux évaluations nationales. Cette privatisation de la gestion de l’éducation nationale est proclamée par les gouvernements d’E. Macron. En février 2018, E Philippe promeut l’individualisation des salaires et la libération des managers dans toute la fonction publique. Quelques mois plus tard, E. Macron fait de la transformation de l’Ecole « le combat de notre siècle ». En aout 2022, il revient sur les fondamentaux de 2016 : autonomie des établissements, contractualisation générale des établissements et des enseignants. Cela nous donne le Pacte, le CNR.
Les enseignants sont seuls à faire reculer Macron
Si E. Macron se répète depuis 2018, si ses gouvernements fixent le même cap depuis 2017, c’est que la politique éducative du président peine à s’installer. Certes la loi de transformation de la fonction publique est passée. La loi Blanquer aussi. Le Pacte est mis en place. Mais la grande libéralisation de l’Ecole promise depuis 2016 n’a toujours pas eu lieu.
Les enseignants ont fait reculer Blanquer et sa loi en 2019. Il a fallu la désorganisation issue du confinement pour que la loi Rilhac passe. La transformation radicale du lycée professionnel a été freinée par des années d’opposition réussie des enseignants des L.P. Ils ne s’en rendent pas forcément compte. Mais les macronistes le savent. Les enseignants ont réussi, et eux seuls, à bloquer Jupiter.
Au point de bascule
Aujourd’hui, alors qu’Amélie Oudéa-Castéra entame sa mission ministérielle, les syndicats enseignants sont presque unanimes à écrire que « nous sommes à un point de bascule pour l’Ecole publique« . Sud, Unsa, Fsu, Sgen Cfdt et Cgt appellent ensemble à « une réponse forte qui passe par une action dans la durée« . Ils rejettent la politique présidentielle, jugée « passéiste et conservatrice« . Ils dénoncent « une école du tri social » marquée par la disparition du collège unique et l’affectation des jeunes élèves à des filières séparées. Ce tri social est particulièrement visible au collège et au lycée professionnel.
Particularité française
Alors que, chez nos voisins, la révolution libérale de l’Education a pu se mettre en place, la France résiste. C’est grâce aux enseignants. Mais leur action est possible par l’écho qu’elle rencontre dans la société. Dans un numéro de la Revue de Sèvres consacré à la privatisation de l’Ecole, Xavier Pons relevait cette spécificité française. » Les Français sont pour le libre choix de l’Ecole… Mais une fois mis devant le choix ils se posent des questions », écrivait-il. Parce que la privatisation menace les communs, encourage la fragmentation de la société, colporte des valeurs qui s’opposent aux valeurs collectives. A ce titre, le « nouveau pacte » et la transformation du collège sont une « révolution culturelle » dans la mesure où il attaque les bases de l’école publique.
Puisque nous atteignons le point de bascule, les Français peuvent encore s’opposer à ce projet et défendre leur école. Les enseignants ont besoin d’eux.
François Jarraud