Ismail Kadaré, La Fille d’Agamemnon, roman. Fayard, août 2003
Ce court roman qui vient de paraître a été écrit en réalité aux alentours de 1985. Ce récit est un acte de courage, le manuscrit ayant été sorti du pays aux risques et périls de son auteur…
Le propos se situe dans l’Albanie de l’époque, crispée sur un stalinisme rigide et absurde. Kafka n’est pas loin bien sûr… mais c’est à la mythologie grecque que l’auteur fait appel pour faire écho à la tragique absurdité de l’oppression politique. Et c’est le sacrifice d’Iphigénie, « la fille d’Agamemnon ». Les mirages du pouvoir sont restés les mêmes depuis la guerre de Troie : ils sont toujours aussi illusoires, aussi vains, mais toujours meurtriers.
Kadaré nous donne, bien entendu, à comprendre l’horreur de la tyrannie contemporaine ; mais il se livre également à une relecture du mythe : « Iphigénie avait donné à Agamemnon le droit de déclencher la boucherie… Rien à voir avec la conviction que le sacrifice apaiserait les vents qui empêcheraient la flotte de lever l’ancre, ni avec un principe moral prônant l’égalité devant la mort de tous les gars de Russie — non, il s’agissait simplement d’un cynique calcul de tyran. » (p. 125)
Le meurtre de la jeune femme, c’est un crime contre l’avenir, contre la fécondité ; dans l’Albanie stalinienne, c’est la condamnation du bonheur et de la vie. « La guerre de Troie a commencé. Plus rien ne s’oppose au dessèchement de la vie ».
Un court récit (130 pages), à lire et à faire lire, pour comprendre les raisonnances intemporelles des mythes grecs.
Présentation du livre et de l’auteur sur le site des éditions Fayard :
http://www.editions-fayard.fr/Nouveaute/FrNouveaute.asp?Base=/Nouveaute/Nouv_AoutSept03/Sep03_2.htm