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R BrissiaudPhoto CP

Le Monde du 17 janvier publiait de larges extraits de l’Avis de la commission de l’académie des sciences sur le calcul dans l’enseignement primaire. Le Café pédagogique s’est procuré une version, peut-être pas définitive, de ce texte qui nous semble important à faire connaître aux enseignants. Elle est conforme aux extraits publiés par Le Monde.

Ce texte recommande bien l’introduction des 4 opérations très tôt :  » L’enseignement du calcul doit commencer par une pratique simultanée de la numération et des quatre opérations, une gradation en complexité se faisant entre maternelle et fin de primaire, jusqu’aux nombres décimaux et aux fractions ».

S’inspirant des travaux de S. Dehaene, membre de la commission, celle-ci estime que  » à l’exception d’une petite fraction d’enfants souffrant de dyscalculie d’origine génétique ou périnatale, tous les enfants possèdent très précocement une intuition arithmétique » et fait allusion à une mémoire de travail qui serait libérée par l’exercice du calcul mental : « l’automatisation du calcul s’accompagne d’une diminution massive de l’activation du cortex préfrontal, correspondant à une libération des ressources mentales pour d’autres tâches ». La commission recommande le retour aux « nombres concrets » des programmes anciens.

Rémi Brissiaud, maître de conférence de psychologie cognitive, a bien voulu réagir à ce texte. Il apporte une lecture décapante. Relevant  » la grande naïveté dont font preuve les auteurs quand ils abordent certains thèmes pédagogiques », il montre que leur approche des 4 opérations s’inspire des programmes de 1970.

 » Serait-il raisonnable de préconiser aujourd’hui un retour aux pratiques anciennes en oubliant totalement les raisons qui avaient conduit à leur évolution, soutenue alors par de grands mathématiciens comme André Lichnerowitz, inquiets des échecs de trop nombreux élèves ? » demande R. Brissiaud.  » Il n’y a rien de plus décourageant pour les enseignants que cette absence de progression dans les idées pédagogiques avancées par des responsables de l’éducation nationale qui ne se donnent pas la peine de connaître les débats pédagogiques anciens. Rien n’est plus décourageant que l’impression de voir la pédagogie à l’école subir un incessant et obscur mouvement de balancier ».

Mais R. Brissiaud va plus loin en contestant la qualité des membres de la commission et leur choix théorique.  » Le ministre, lorsqu’il a annoncé la date du 23 janvier pour la publication du rapport, en a présenté les auteurs comme des « spécialistes français » du calcul à l’école et les auteurs eux-mêmes, dans leur Avis, se qualifient d’« experts ». Certes, ils ont en commun d’être d’éminents spécialistes de la recherche en mathématiques ou de l’usage de mathématiques de haut niveau à des fins de recherches en physique, en astrophysique, en traitement du signal, etc. Mais en quoi cela leur confère-t-il une compétence de « spécialistes de l’enseignement du calcul à l’école maternelle et élémentaire » ? «  demande R. Brissiaud.

Puisque l’avis s’appuie sur les travaux de S. Dehaene, cognitiviste membre de la commission, R. Brissiaud rappelle que sa théorie est critiquée. D’ailleurs la commission appelle elle-même à prendre en compte son avis avec une grande prudence. « L’Académie, en formulant cet Avis, considérerait comme prudent de s’abstenir de préconisations impératives immédiates, et recommande que les observations ici présentées puissent être corroborées d’analyses plus approfondies, le cas échéant contradictoires » Dans ces conditions, pour R. Brissiaud,  » toute décision de modifier les programmes en se référant à l’Avis des académiciens sans prendre en compte leur appel à la prudence serait solliciter leur texte bien au-delà de ce qu’ils disent, ce serait instrumentaliser leur propos ». Réponse le 23 janvier.

Joël Briand, maître de conférences de mathématiques, a bien voulu nous donner son avis au vu du texte publié par Le Monde. « Le récent rapport de l’Inspection Générale de mathématiques… note que les résultats des élèves sont assez constants sur une période de plus d’un demi-siècle à l’entrée du collège alors que celui-ci accueille maintenant tous les élèves. Il y a donc à poursuivre un travail de mise en ligne des programmes de 2002, en particulier de préciser ce qui y est appelé « situations problèmes »… Il est donc utile de ne pas se focaliser sur les recherches cognitives mais aussi d’interroger les recherches en didactique des mathématiques… Le milieu des enseignants de l’école primaire a besoin de sérénité, a besoin d’aide pour l’application des programmes actuels qui sont de qualité ».
Le texte de l’avis et les éléments du débat