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“Peu de gens savent en France que les Noirs ont souffert en Allemagne – et pas seulement en Allemagne – d’une persécution parfois analogue à celle des Juifs, des Tziganes et autres minorités martyrisées sous le régime nazi… Le présent ouvrage a pour objet de briserce silence tout en établissant les certitudes de nos connaissances sur la question”. Loin des polémiques et des excès qui agitent l’historiographie américaine, Catherine Coquery-Vidrovitch explore un champ méconnu : celui du racisme “ordinaire” sous l’Allemagne nazie.

Enfin pas si ordinaire : la particularité de la haine des Noirs qui sévissait en Allemagne c’est qu’elle s’exerçait dans un pays pratiquement dépourvu de Noirs. Autre particularité : le racisme antinoir a trouvé en Allemagne un terrain particulier lié au succès des théories eugéniques dans le pays. Celles-ci trouvèrent un terrain d’exercice dans les colonies africaines allemandes où s’organisa le premier génocide Herero.

“Officiellement les Noirs étaient considérés et proclamés comme des êtres de deuxième zone, maison ne leur en voulait pas de mal. Concrètement, ils furent souvent emprisonnés ,maltraités, décimés et stérilisés“. Catherine Coquery-Vidrovitch s’appuie sur de nombreux récits de vie qui montrent comment la vie de la minuscule communauté noire allemande est devenue un cauchemar sous Hitler. Etre éduqué, trouver un emploi devint très difficile alors que la police pouvait à tout moment arrêter et stériliser les jeunes noirs.

Il y eut peu de déportés noirs et très peu vers les camps d’extermination et “ce ne fut pas, en principe, du fait de leur couleur”. Il n’y eut pas de rafle et de déportation systématique des noirs. Mais l’armée nazie commit des massacres de coloniaux français qui furent généralement très mal traités.

La guerre ne mit fin ni aux carrières des eugénistes ni au racisme ordinaire.“Après la Seconde Guerre mondiale, l’antisémitisme devint la honte et il fut en principe éradiqué dans l’Allemagne occupée. En comparaison, le problème noir fut minoré. Grands vainqueurs, les Américains continuaient de pratiquer chez eux la ségrégation légale. Quant aux puissances alliées, Grande-Bretagne et France en tête, elles étaient toujours à la tête de colonies africaines”.

Catherine Coquery-Vidrovitch, Des victimes oubliées du nazisme. Les Noirs et l’Allemagne dans la première moitié du XXème siècle, Paris, Le Cherche Midi, 2007, 196 pages.