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Par François Jarraud

Les députés européens sont-ils à même d’influer sur les systèmes éducatifs nationaux ? Va-t-on vers un modèle éducatif unifié ?

Existe-il un modèle d’école européenne ?

« Depuis quelques décennies on voit apparaître à travers le monde une culture enfantine et adolescente qui conduit les jeunes à s’habiller à l’identique, à écouter les mêmes musiques, à jouer aux mêmes jeux sur la toile. Mais lorsqu’ils quittent chaque matin leur statut de jeune pour celui d’élève, les phénomènes de mode font place… durant quelques heures, au mode local d’éducation auquel ils sont soumis ». Anne-Marie Bardi ouvre par cette remarque un numéro passionnant de la Revue internationale d’éducation de Sèvres (n°50) qui nous amène droit dans les salles de classe de nos voisins européens.


Fait-on classe de la même façon d’un pays à un autre ? Commençons par l’architecture. De Naples à Londres, de Londres à Oslo, la revue montre à quel point la vie de classe est différente. Ainsi à Naples, l’espace de l’école est utilisé à rebours de l’école française. Ainsi les récréations n’utilisent pas la cour. Au Danemark, l’organisation de la classe n’est pas centrée sur le bureau du maître mais sur les groupes d’élèves.


C’est que les conceptions de l’enfant et du professeur sont parfois aux antipodes. Une très intéressante confrontation attend le lecteur : celle de professeurs stagiaires anglais et français. Elle montre que les enseignants des deux pays ne regardent pas les élèves de la même façon et que , si les uns et les autres cherchent l’égalité, elle passe par des chemins opposés. Au prof qui sait différencier et pousser au maximum chaque élève correspond l’enseignant pour qui l’égalité c’est d’accorder la même attention et les mêmes cours à tous de façon indifférenciée et qui ressent comme une injustice le fait que le s enfants aient des travaux différents.


Si ce numéro répond à notre curiosité de « visiter » les salles de classe de différents pays il nous interroge aussi sur la construction européenne. Comment face à 27 systèmes éducatifs différents chercher l’unité européenne ? Comment des écoles aussi différentes pourraient-elle fabriquer un même citoyen européen ? Sur quel modèle bâtir l’école efficace ?

Le sommaire Revue internationale d’éducation de Sèvres (n°50)

http://www.ciep.fr/ries/ries50.php


L’Europe sommée d’élever le niveau de compétences

« Une main d’œuvre avec peu de compétences n’entraîne pas que ses propres vies dans la pauvreté, elle appauvrit toutes nos vies ». Mike Campbell propose une réflexion sur l’évolution des compétences dans l’Union. Son animation est en anglais mais comprend des statistiques récentes qui montrent les inégalités face aux diplômes en Europe, la préparation inégale de spays pour répondre aux objectifs de Bologne.

L’animation

http://www.ukces.org.uk/docs/00 Speech UKCES%2[…]


L’Europe demande au système éducatif de renforcer le niveau d’instruction

« La gravité de la crise financière confère une imprévisibilité exceptionnelle à l’avenir de l’économie mondiale. Pour mettre l’Europe sur la voie du redressement, il est néanmoins essentiel de renforcer son capital humain et la capacité d’insertion professionnelle de sa population par l’amélioration des compétences de celle-ci ». La Commission européenne analyse les évoultions des emplois d’ici 2020.  » À plus court terme, il est possible de prédire de manière plus précise l’évolution dans le secteur des services. Les meilleures perspectives de création d’emplois jusqu’en 2015 résident dans les services aux entreprises (notamment l’informatique, les assurances ou la consultance), les soins de santé et l’action sociale, la distribution, les services aux personnes, l’hôtellerie et la restauration et, dans une moindre mesure, l’enseignement… Entre 2006 et 2020, la proportion d’emplois nécessitant un niveau d’instruction élevé dans l’UE 25 devrait passer de 25,1 % à 31,3 %; les emplois nécessitant des qualifications intermédiaires connaîtront également une légère hausse (de 48,3 % à 50,1 %). Cela correspondrait à respectivement 38,8 et 52,4 millions de postes vacants de niveau élevé et moyen. Dans le même temps, la proportion d’emplois nécessitant un faible niveau d’instruction diminuerait de 26,2 % à 18,5 %, malgré les dix millions de postes de ce type à pourvoir »

Rapport de la Commission

http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=149[…]


Une étude européenne valide l’éducation préélémentaire

« L’éducation préprimaire est capable de contribuer de manière considérable à la lutte contre les désavantages éducatifs subis par les enfants issus de familles pauvres ou de minorités lorsque certaines conditions sont réunies » écrit une étude européenne. Menée auprès de 30 pays européens, elle se termine sur cet hommage à l’école maternelle. « Les programmes d’intervention les plus efficaces «associent une éducation en centre intensive, précoce et axée sur l’enfant à un fort engagement et à une formation des parents, à des activités éducatives planifiées au domicile et à des mesures de soutien aux familles». La plupart des chercheurs s’accordent également sur le fait que la formation du personnel éducatif en charge des enfants dans l’EAJE devrait être de niveau bachelor (bac +4) dans l’enseignement supérieur ».

Etude

http://eacea.ec.europa.eu/about/eurydice/documents/098_[…]

Et l’OCDE ? L’éducation aujourd’hui au regard de l’organisation

Quels sont les messages clés de l’OCDE en matière d’éducation ? Que préconise cette organisation ? La publication de « L’éducation aujourd’hui : la perspective de l’OCDE » synthétise les apports des différentes études de l’organisation et présente ses orientations.


Egalité des chances. On retiendra particulièrement le chapitre consacré à l’égalité des chances.  » Les pays où il existe le plus grand écart de niveau entre élèves immigrants et autochtones sont l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse » précise l’OCDE. « Dans certains pays, leurs niveaux sont comparables – il s’agit de trois pays d’immigration, à savoir l’Australie, le Canada et la Nouvelle- Zélande, ainsi que de Macao-Chine ». Ainsi en France , la différence de performances en maths est de 70 points pour la première génération et encore de 50 pour la seconde alors que  » c’est en dépit d’une attitude généralement positive à l’égard de l’apprentissage chez les jeunes immigrés ». Or pour l’OCDE  » il n’existe aucune contradiction entre équité et efficacité en matière d’éducation ». Aussi l’organisation recommande-t-elle de limiter les orientations précoces, de gérer le choix de l’école afin de contenir les risques pour l’égalité (« Le libre choix de l’établissement risque de se faire au détriment de l’équité, et nécessite un encadrement attentif pour veiller à ce qu’il n’accroisse pas les écarts de composition sociale entre les différentes écoles. Lorsque les parents peuvent choisir, les écoles les plus demandées doivent avoir les moyens de diversifier socialement leur recrutement – notamment via des systèmes de loteries »). L’OCDE demande aussi qu’on apporte une aide systématique aux élèves qui prennent du retard et de renforcer le lien entre l’école et les familles.


Oui à l’investissement éducatif. L’OCDE maintient sa position de rentabilité des études.  » Si l’on prend en compte les coûts pour accéder au niveau d’enseignement immédiatement supérieur pour établir des « taux de rentabilité individuels », on constate qu’en moyenne, il est toujours payant de passer du premier cycle au deuxième cycle du secondaire… et encore plus rentable de passer du secondaire au tertiaire ». L’OCDE signale les effets bénéfiques des dépenses d’éducation sur la croissance économique et aussi sur le bien être.  » Le nombre d’années de scolarisation est corrélé à la santé et au bien-être, ce qui renforce la rentabilité sociale de l’investissement dans l’éducation, diminuant ainsi les dépenses de santé ». En ce sens l’OCDE contredit les partisans de « l’inflation scolaire ».

Education aujourd’hui

http://www.oecd.org/document/32/0,3343,fr_2649_33723_42692[…]

La crise relance le débat sur l’inflation scolaire

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/05/070[…]

Quelle importance ont les standards internationaux sur l’Ecole ?


Qu’est ce qu’un standard ? Qui le définit ? Qu’est ce qui est évalué ? Qui les exploite ? Comment sont communiqués les résultats ? A qui ? Quels usages scientifiques mais aussi politiques en sont faits ? Le colloque « Une seule école ? » réuni à Sèvres par la Revue internationale d’éducation de Sèvres, en mars 2009, a permis de réunir des points de vue internationaux sur cette question. Alors que le débat sur l’évaluation du système éducatif est à son maximum, ce thème tombe à pic pour le public français.


On peut ainsi vivre, avec Matthis Behrens, directeur de l’IRDP, l’intrusion de HarmoS, un programme confédéral de pilotage du système éducatif appuyé sur des évaluations de compétences, dans une Suisse divisée jusque là entre 26 systèmes éducatifs différents. L’évaluation sert à un pilotage administratif qui doit faire face aux différences culturelles, au risque de ranking et de technocratie. En Afrique, Jean-Claude Mantes (Paris V) montre que les évaluations internationales (Pasec, Sacmeq) n’arrivent pas à déboucher sur le terrain où souvent on est dans des situations d’urgence.



Autre cas très intéressant : le Brésil, situé en bas du classement PISA (53ème en maths sur 58). Ses experts remettent en question l’évaluation internationale. A quoi sert-elle dans un pays où les écarts sont prodigieux entre régions ? Où les inégalités sociales sont énormes ? Où se développent des écoles alternatives ?


Et en France ? Quel usage est fait des enquêtes internationales comme PISA pour élaborer les politiques éducatives ? Comment l’opinion, les enseignants et les politiques sen emparent-ils ?


Une enquête dirigée par Nathalie Mons et Xavier Pons s’attache à ces questions dans les différents pays de l’OCDE. Pour N. Mons, si l’objectif de Pisa est bien de faire des recommandations aux politiques, force est de reconnaître que si la médiatisation des résultats va croissant, elle n’est pas forcément fidèle aux résultats. Partout le discours est critique envers les systèmes éducatifs même là où les résultats sont excellents comme la Finlande et le Japon. En France alors que le pays est dans une position moyenne, le discours est souvent catastrophique. Des thématiques sans rapport avec Pisa l’utilisent comme la discipline scolaire en Suède.


Les réformes mises en œuvre concrètement préexistent souvent à l’évaluation. Ainsi en France, le ministère va utiliser PIRLS pour faire passer une réforme des programmes du primaire préexistante. En Hongrie on se sert de Pisa pour réduire l’autonomie des établissements, en Norvège pour l’augmenter…


Finalement les politiques restent bien plus indépendants des évaluations internationales que la médiatisation pourrait le laisser croire. Ils instrumentalisent les enquêtes plutôt qu’ils n’en mettent en oeuvre les conclusions.


Comment expliquer cet usage décevant des évaluations ? Pour Thierry Rocher (Depp) cela tient de la complexité des méthodes utilisées, d’une certaine méfiance du système éducatif dans son ensemble, d’un faible intérêt pour la culture de l’évaluation en France en général. Même l’analyse des biais nationaux, pourtant très significative, n’a pas l’écho mérité.


Et les profs dans tout cela ? Quel impact ces évaluations ont-elles en classe ? Il semble que les gestionnaires se méfie des retombées potentielles. Pour Matthis Baehrens, il y a une contradiction entre les stratégies de management et les évaluations. Le choix de standards de base est néfaste car il pourrait fixer comme horizon aux enseignants un niveau minimal. D’autre part l’usage politique qui a été fait des évaluations ,par exemple à Genève, a pu traumatiser les enseignants.


Finalement l’évaluation c’est toujours du pouvoir. Entre pays développés et PVD. Entre scientifiques et politiques. Probablement entre scientifiques pour le contrôle des évaluations. Entre gestionnaires des systèmes et enseignants. Raison de plus pour que les acteurs de l’Ecole s’empare de ce thème et assument leur place dans les usages qui peuvent en être fait.


Sur le Café dossier Evaluation

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/100[…]

Le dossier Pisa Pirls

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2007/Pisa_P[…]

http://www.cafepedagogique.net/communautes/Unseulmonde/Lists/[…]