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Agen a rendez-vous avec le livre de jeunesse

La onzième édition du salon de littérature de jeunesse aura lieu du 27, au 29 mai 2010 à Agen avec cette année « la différence » pour thème. Organisé par le CDDP du Lot et Garonne, il est l’occasion pour les enseignants de partager le goût de lire avec leurs élèves en développant des activités pédagogiques avant et pendant le salon. Rencontres avec les auteurs, travail autour de leurs œuvres, explorations du thème, choix des ouvrages qui enrichiront la bibliothèque de l’école, les pistes sont multiples.

Visite du salon avant son ouverture avec l’animatrice du projet, Caroline Sulek, documentaliste au CDDP 47 et rencontre avec deux enseignants associés à l’évènement, Nadia Mestour du collège Paul Dangla et Philippe Guillem, professeur des écoles à Moncaut (entre Agen et Nérac)

Des activités plein les allées

Le succès du salon ne se démentit pas d’année en année. En 2009, ce sont 177 classes, soit plus de 4000 élèves du département, en majorité d’Agen, qui l’ont fréquenté. Le samedi, les visites s’élargissent aux visiteurs non scolaires, dont beaucoup de familles motivées par l’enthousiasme de leurs enfants. L’implication de la ville d’Agen et du Conseil Général qui met à disposition des bus gratuits, favorisent ce bon taux de fréquentation.

La participation des classes ne se limite pas à la visite du salon. Des premières bac pro commerce et des troisièmes s’impliquent pleinement dans l’organisation en accompagnant classes et auteurs et en remettant les prix. Car qui dit salon, dit prix. Là aussi, ce sont les élèves qui mènent le bal en votant pour leur livre préféré. Une sélection est effectuée par un comité composé d’enseignants en octobre, en lien avec le thème retenu. Ensuite, les classes s’inscrivent et reçoivent les ouvrages prêtés par le CDDP. Elles communiquent aux organisateurs peu avant le salon le nombre de voix totalisées par chaque livre pour unir et nuancer leur choix avec le choix des autres élèves du département. L’an dernier, 1200 élèves, du primaire au lycée, ont ainsi participé à l’attribution des prix, cinq au total répartis selon le cycle scolaire.

Les trois jours du salon sont rythmés par des animations, des ateliers, des spectacles et des contes. Les productions des élèves réalisées autour du thème central et des livres sont exposées. Un concours d’images numériques récompensera les illustrations de « la différence » les mieux réussies. Les rencontres avec les auteurs constituent toutefois l’attraction principale. Après avoir lu leurs œuvres, étudié leur univers, imaginé parfois une suite, le dialogue avec le romancier est pour les élèves un rendez-vous attendu, source de découvertes mutuelles et de surprises.

Lire, faire lire, aimer lire, une autre façon d’être créatif

L’an dernier, Nadia Mestour et sa classe avaient fait ainsi la connaissance de Brigitte Coppin dont ils avaient étudié le premier tome du « château des Poulfenc ». Une nouvelle fois, l’enseignante avait constaté la richesse de l’échange entre les adolescents et l’écrivain, un échange au cours duquel elle s’efface pour favoriser le dialogue et laisser les questions émerger. Ces questions, élaborées à l’avance lors d’une séance en classe, portaient beaucoup sur l’acte d’écrire et le métier d’écrivain. A l’occasion de la rencontre, les élèves avaient souhaité offrir leur production à Brigitte Coppin, des travaux réalisés dans le cadre de l’étude du roman. Un herbier, un blason, un manga, la suite de l’histoire furent quelques uns des cadeaux remis par la classe à l’auteur, touchée par ce retour si personnel sur son propre travail. Car, en complément de l’étude classique du texte, respectant les indications et le cadre du référentiel, l’enseignante cherche à favoriser la créativité et l’interprétation personnelle pour approcher l’œuvre et préparer la rencontre avec l’auteur. Au fur et à mesure que l’évènement approche, l’excitation grimpe ; de la légère indifférence de départ, on passe progressivement à une forte implication de la grande majorité des élèves. Dans les travaux préparatoires, comme lors du salon, « on voit des qualités s’exprimer que le système scolaire ne valide pas » constate Nadia Mestour.

L’échange ne s’est pas arrêté là avec l’auteur. Quelques jours après le salon, Nadia Mestour a demandé à chaque élève de noter sur un carré de couleur ce qu’il retenait de la rencontre, ce qu’il avait pensé du livre. La synthèse a été envoyée à Brigitte Coppin. Il en ressort une grande richesse de l’échange, une qualité dans l’écoute et le dialogue. « Elle nous a dit qu’elle avait un secret » dit un des petits papiers. D’autres posent comme une évidence le goût de lire attrapé ou décuplé à cette occasion.

Nadia Mestour apprécie dans l’initiative les chemins de traverse qu’elle permet pour approcher le livre. Cette année, avec une classe de 5e, elle rencontrera Jean Molla, un auteur qui suscitait l’engouement des jeunes lecteurs de son établissement précédent. Ses livres s’arrachaient au CDI, curieuse de découvrir un romancier qui provoque des listes d’attente, elle a lu à son tour ses romans qui abordent des sujets graves sur le mode du suspense. Le travail sur le livre a démarré début mai.

L’enseignante participe à d’autres volets d’activités du salon .Avec une classe de 6e, elle prépare le concours de l’image numérique sur le thème de la différence. L’atelier théâtre, qui fonctionne dans le cadre de l’accompagnement éducatif, prépare des saynètes sur la discrimination à l’embauche qui seront jouées pendant le salon.

Entre rencontres avec les auteurs et exploration du thème, le salon est propice aux activités autour de la lecture, pour les lycéens, les collégiens mais aussi pour les plus jeunes. Pour Nadia Astour, il est l’occasion rêvée de laisser la créativité, l’imagination ouvrir une voie d’accès au goût de lire.

Nérac sur Lecture

Philippe Guillem aussi explore les allées pédagogiques du salon du livre. Il le fait avec ses collègues des classes de maternelle et de primaire, de la grande section au CM2, dans le cadre du regroupement pédagogique de Moncaut/Montagnac Nérac. Cinq enseignants contribuent au projet, permettant ainsi aux élèves de poursuivre l’expérience tout au long de leur scolarité. Les activités proposées sont, bien entendu, différentes selon les âges. Les maternelles rencontrent un auteur-conteur, les jeunes primaires un illustrateur, les plus grands participent au prix Papillotte. Tous préparent des questions pour réussir la rencontre avec l’écrivain, qui, à chaque coup, est un évènement très riche pour les enfants comme pour les accompagnateurs, parents et enseignants.

Pour Philippe Guillem, c’est la qualité du dialogue qui s’instaure qui est remarquable, incluant tous les enfants, y compris ceux qui sont en difficulté scolaire. Les élèves amènent parfois l’auteur à répondre à des questions qu’on ne lui a jamais posées, auxquelles il n’a jamais pensé. Le dialogue lui permet alors à lui aussi d’avancer. Il arrive qu’il se poursuive au-delà du salon, dans un échange construit. Ce fut le cas avec Clément Chabert qui soumit à une classe de CE1-CE2 le premier jet de son histoire, suite à des questions portant sur le rôle de l’éditeur et les retouches qu’il peut apporter au roman écrit par l’auteur. Les élèves purent ainsi comparer et choisir entre les deux versions, avec ou sans retouche, ce fut la deuxième qui remporta leurs suffrages.

Pendant le salon, les élèves ont aussi pour mission de dénicher de nouveaux ouvrages pour garnir les rayons de la bibliothèque de l’école. Par groupe de 4 ou 5, nantis d’un budget et encadrés par des parents, ils sillonnent les allées d’un salon totalement dédié à la littérature jeunesse et où les auteurs présents sont prompts à répondre aux interrogations des jeunes lecteurs et à apposer leur dédicace sur les ouvrages choisis. D’année en année, les petits acheteurs acquièrent de l’expérience et de l’autonomie. Ils apprennent aussi à faire un choix collectif sur un livre en fonction de critères qu’ils définissent eux-mêmes : l’illustration, la 4e de couverture, le fait de connaitre l’auteur sont des éléments déterminants.

Le goût de la lecture est un goût que l’on cultive du côté de Nérac. A la même époque que le salon du livre jeunesse, a lieu chaque année depuis douze ans un rallye lecture associant une quarantaine de classes. La rencontre est le point d’orgue d’une année durant laquelle les classes auront partagé à distance la lecture de quatre à cinq romans. Par une liste de diffusion, elles se seront envoyé des questionnaires et des jeux pour explorer les œuvres. Au mois de mai, ce sont près de 940 élèves qui se retrouvent à Nérac pour visiter, lors d’un rallye, les trésors de cette ville historique afin de résoudre des énigmes liées aux romans lus et nourries par les questionnaires élaborés tout au long de l’année. Des ateliers de théâtre, d’arts plastiques, des spectacles sont organisés autour d’un thème. Cette année, à l’unisson du salon d’Agen, c’est la différence qui a été retenue, plaçant ainsi les deux évènements dans une véritable complémentarité. Le CDDP apporte son aide au rallye en mettant à disposition des livres. La ville de Nérac et l’Intercommunalité du Val d’Albret soutiennent aussi fortement l’initiative par des moyens humains et logistiques mis à disposition, l’O.C.C.E. 47 assurant une grande partie du financement.

Le rallye est également l’occasion pour les enseignants de travailler ensemble, de réaliser un projet commun sur le territoire intercommunal, propre à intégrer les nouveaux collègues et à favoriser les échanges entre des élèves de milieux et de lieux de vie différents. Preuve s’il en est que la lecture est un vecteur d’échanges et d’ouverture.

Du 27 au 29 mai, les élèves, les écrivains, les bibliophiles, les enseignants, les parents, se donnent rendez-vous à Agen pour partager le goût de lire présent ou à naître. Plus qu’un lieu de rencontres et d’échanges entre lecteurs et auteurs, le salon de la littérature jeunesse est un formidable alibi pour lire et faire lire.

Salon du livre d’Agen

http://www.salondulivreagen.fr/

Monique Royer