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Carrière des enseignants, redoublement, redéfinition du socle, le rapport annuel du HCE interfère avec les débats de la refondation. Renouvelé juste avant les élections par l’ancienne majorité, qui y a fait entrer in extremis des personnalités contestées, le Haut Conseil de l’Education sait ses jours limités. Le nouveau gouvernement entend le remplacer par un Conseil national d’évaluation du système éducatif qui devrait voir le jour selon l’article 17 de la loi d’orientation. Il publie le 7 décembre son dernier rapport qui, malgré le renouvellement récent, prolonge l’action des rapports précédents.

En renouvelant sa foi dans le socle commun, le HCE se démarque de la loi d’orientation et règle des comptes…. Créé par la loi de 2005 pour veiller à l’application de la loi de 2005, le HCE appuie encore une fois le socle mais en demandant une révision de son contenu et de ses outils. »La future loi devra apporter les clarifications nécessaires » , affirme le rapport. Il écarte l’argument d’un socle niveleur ou du socle « pour les plus démunis ».  » On ne saurait donc, de bonne foi, accuser le socle commun de manquer d’ambition : si l’objectif de sa maîtrise par tous est atteint, le socle contribuera à élever nettement le niveau général et permettra enfin à la totalité d’une génération de s’appuyer sur des acquis consolidés », note le HCE.  » Il est essentiel que la future loi définisse de la façon la plus claire le contenu du socle, quelle que soit l’appellation retenue, afin que puisse se réaliser l’articulation avec les programmes », ajoute-il. C’est aussi une façon de souligner que, justement, la loi d’orientation ne définit pas le socle et renvoie à un décret. Le HCE se prononce une nouvelle fois pour l’expérimentation de l’école du socle, c’est a dire le regroupement de l’école et du collège. Là aussi c’est un point écarté lors des négociations de la loi d’orientation au profit d’un cycle commun beaucoup moins engageant. Le HCE avait déjà consacré son rapport 2011 à l’école du socle.

Autre point chaud, le rapport s’attaque au métier d’enseignant un sujet tenu à l’écart de la loi d’orientation. Le HCE préconise de revaloriser les premières années du métier d’enseignant, à l’image de ce qu’a fait Luc Chatel. Mais le HCE demande aussi que le métier soit ouvert aux cadres d’entreprise par la simple validation des acquis de l’expérience.  » Le recrutement comme professeurs d’hommes et de femmes ayant exercé d’autres activités est souhaitable ». Cela semble d’ailleurs contradictoire avec l’idée émise aussi par le HCE qu’enseigner est un métier qui s’apprend. Il souhaite imposer aux PLP des stages en entreprise obligatoire. Il souhaite que le chef d’établissement puisse donner son avis sur les mutations, afin de promouvoir l’innovation, ce qui est un drôle de cadeau pour les enseignants innovants ! Mais la pire flèche c’est la demande d’un mouvement spécifique pour les nouveaux enseignants. Pris dans le mouvement actuel ils débutent dans les établissements les plus difficiles. Ce n’est certes pas l’intérêt des élèves et des jeunes enseignants. Mais soulever cette question c’est poser celle de la carrière des enseignants. Avec l’absence de revalorisation on a là une question chaude pour l’équipe actuelle.

Le rapport critique le redoublement , un mal français qui n’est pas abordé par la loi d’orientation, si ce n’est par son annexe.  » Une prévention de l’échec, un accompagnement des élèves en difficulté tout au long de l’année et des possibilités d’aménagement de la scolarité d’une année sur l’autre offrent de meilleures chances de succès », écrit le HCE.

Il défend l’idée de l’intégration des TICE mais avec ambiguïté par exemple en promouvant la programmation obligatoire dès le plus jeune âge alors que c’est la question des usages qui devrait être au coeur de l’Ecole. Ou encore en promouvant un enseignement à part des TIC, une piste dont on a vu les dégâts dans les années 1980.

Enfin le HCE s’attache à son successeur. Le HCE veut une instance d’évaluation de l’Ecole indépendante, externe à l’éducation nationale avec un président nommé par le président de la République. Le conseil envisagé par la loi d’orientation comprendra 6 parlementaires (assemblée, sénat et cese) et 8 experts nommés par le ministre de l’éducation nationale. Sans doute est-il perçu comme insuffisamment indépendant par le HCE.

Ce dernier rapport est donc encore un texte de combat pour une instance qui n’a pas ménagé sa peine ces dernières années. Il faut rappeler que le HCE a souvent su poser les questions qui dérangent même si, vers la fin, il a semblé plus ouvert aux attentes du président de la République. Son rapport de 2011 a défendu l’école du socle face à une majorité de droite qui avait voté, très provisoirement, la suppression du socle. Le HCE a dénoncé « les évaluations trompeuses  » de la Dgesco en 2011. Il a initié, même s’il ne l’a pas soutenu, le rapport Reuter sur l’innovation qui a dénoncé les errements de l’innovation officielle développée par la Dgesco. Rappeler cela c’est aussi montrer que l’Ecole, demain comme hier, a besoin d’une instance qui puisse aiguillonner le système éducatif. Il faut souhaiter que le Conseil national d’évaluation du système éducatif joue ce rôle.

François Jarraud

Le rapport du HCE

Rapport 2011 sur l’école du socle

Les « évaluations trompeuses » de la Dgesco

Rapport sur l’école maternelle de 2007

Rapport sur l’innovation de 2011