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Caroline Saliou, présidente de l’association de parents d’élèves de l’enseignement privé, a demandé le 11 décembre la suppression du redoublement au primaire. Une revendication inattendue alors que la loi d’orientation commence son cycle de consultation. Mais appuyée davantage sur les travaux des spécialistes que sur les expériences pédagogiques des établissements privés.

M Crahay photo FJ pour CPPas d’état d’âme du coté des experts. Marcel Crahay, professeur aux Universités de Genève et de Liège, tout comme Thierry Troncin, IUFM de Dijon, sont convaincus de l’inutilité du redoublement. « Le drame avec le redoublement c’est qu’avec lui on finit par se faire à l’échec scolaire », résume M Crahay. Il montre comment le redoublement ne remet pas l’élève à flot mais au contraire stigmatise et pousse à la résignation les élèves. Auteur d’une étude menée auprès de 3 500 élèves de CP, Thierry Troncin met en évidence l’injustice du redoublement, dont les conditions varient d’une école à l’autre, et son inutilité. Le redoublement ne répond pas aux difficultés d’apprentissage de l’enfant mais introduit, au primaire, un malentendu : avec le temps les choses vont s’arranger. Il s’accompagne généralement d’une baisse de niveau. Eric Charbonnier, OCDE, rappelle que le coût du redoublement en France est évalué à 2 milliards d’euros. Ce poids n’existe que dans peu de pays européens : l’Europe du Nord et de l’ouest ignore le redoublement. Justement ses écoles sont plus efficaces…

T Troncin photo FJ pour CPL’enseignement privé est-il prêt à se passer du redoublement ? Ce n’est pas sur au regard des expériences mises en avant par l’APEL. Une école de la Mayenne fonctionne effectivement par cycle et cela règle la plupart des cas. C’est l’idée, défendue par E Charbonnier, que les plans inclinés sont supérieurs aux escaliers en matière d’éducation. Dans un lycée parisien, le chef d’établissement a imaginé un « conseil d’harmonisation » qui reprend les décisions des conseils de classe. L’objectif de baisse du taux de redoublement est atteint mais quel est le coût sur le fonctionnement de l’établissement ? Enfin un collège de l’est de la France a carrément ouvert une filière de relégation où s’entassent à la satisfaction générale les dyslexiques et les cancres…

La demande de l’APEL s’appuie-t-elle sur l’opinion générale ? Un sondage réalisé par Opinion Way montre surtout que le redoublement est un mythe national. Une majorité de français pensent qu’il y a d’autres solutions plus efficaces (77% des parents et 56% des professeurs). Mais 70% des parents et 64% des enseignants pensent que le redoublement permet de rattraper son retard. Une minorité le juge « mauvais » (41% des parents, 26% des enseignants) ou qu’il n’aide pas vraiment (43% et 42%).

Quel avenir pour cette demande ? La proposition pourrait séduire un ministère où la récupération de moyens pourrait permettre de financer la refondation. Resterait posée la question de l’aide devant la grande difficulté scolaire. Un domaine où le système éducatif reste désarmé. Il ne suffit pas de supprimer le redoublement, il faut que les enseignants puissent apporter des réponses aux difficultés des élèves. Ce qui repose la question de la formation continue et du développement des réseaux d’aide.

François Jarraud