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Pour Claude Lelièvre, historien de l’éducation, l’enseignement catholique vient de faire une concession de taille en reconnaissant que le « caractère propre » se limite à la seule vie scolaire…

La plupart des observateurs n’y ont pas prêté attention, et pourtant la déclaration du secrétaire à l’enseignement catholique Eric de Labarre lors de sa réponse le 8 janvier au ministre Vincent Peillon comportait une distinction nette ( inédite dans la bouche d’un dirigeant de l’institution catholique ), à savoir celle entre « la classe » ( ou « le cours » ) et « la vie scolaire » pour ce qui concerne le « caractère propre » des établissements privés sous contrat.

Eric de Labarre a en effet rétorqué qu’il n’avait « jamais été question d’organiser des débats pendant les heures de cours » ( sur la question du « mariage pour tous » ), tout en n’écartant pas la possibilité de discuter du projet avec les élèves dans le cadre des activités de la « vie scolaire », reconnaissant ainsi très clairement pour la première fois les principes à la base du compromis historique de la loi Debré de 1959 : « La tutelle du ministère sur les programmes est parfaitement légitime. En revanche, la vie scolaire est de la seule responsabilité des établissements privés ; rien ne s’oppose à ce qu’on puisse aborder toutes les questions qui paraissent souhaitables » a souligné le secrétaire à l’enseignement catholique.

L’exposé des motifs de la loi Debré indique en effet que « si l’éducation peut et doit garder sa diversité traditionnelle, l’enseignement proprement dit doit contribuer à faire disparaître tout ce qui pourrait diviser la jeunesse française ». Le caractère propre ne concerne que « l’établissement » ( la ‘’vie scolaire’’ ) , et l’enseignement proprement dit ( délivré dans les classes sous contrat ) doit être le même que dans l’enseignement public, donné selon les mêmes règles et les mêmes principes.

Jusqu’alors, les autorités qui président à la ‘’gouvernance’’ de l’école catholique n’avaient jamais clairement avalisé cette distinction, bien au contraire si l’on en juge par le « Statut de l’enseignement catholique » ( promulgué par la Conférence des évêques de France le 14 mai 1992 ) et son corollaire appuyé ( à savoir la déclaration du secrétaire général à l’enseignement catholique Max Cloupet en décembre 1993 ).

Statut de 1992 : « L’école catholique est un lieu d’évangélisation, d’action pastorale, non par le moyen d’activités complémentaires, parallèles ou para-scolaires, mais par la nature même de son action directement orientée à l’éducation de la personnalité chrétienne ».

Et l’illustration de cette position a été radicalement faite par Max Cloupet dans « Le Monde » du 25 décembre 1993 : « L’école catholique entend garder son caractère propre et proposer un regard chrétien sur le monde, y compris en mathématiques et en physique », dûment explicitée dans « Libération » le 13 janvier 1994 : « Nous permettons à des jeunes de découvrir dans leurs études le sens donné au monde par les chrétiens […]. Il n’y a pas de mathématiques chrétienne, mais une manière différente de réfléchir sur les sciences à la Lumière de l’Evangile ».

La distinction nette ( et la clarification inédite de la part d’un dirigeant de l’école catholique ) effectuée par Eric de Labarre se révélera-t-elle un simple propos de circonstance lui permettant de répondre qu’il n’y avait pas eu « faute » de sa part au ministre Vincent Peillon, ou restera-t-elle dans l’histoire comme l’annonce – enfin – d’un ralliement plein et entier au compromis historique ( et aux principes ) de la loi Debré ? On devrait le savoir assez rapidement puisque les évêques et le secrétariat de l’enseignement catholique travaillent ensemble depuis quelque temps à la rédaction d’un nouveau « Statut de l’enseignement catholique ».

Claude Lelièvre