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Un lycée confessionnel musulman est-il le meilleur lycée de France ? C’est ce qu’affirme le classement du Point qui place le lycée privé Averroës de Lille en tête de liste de tous les lycées français. Mais pour le Figaro, c’est le lycée Diwan de Carhaix. Si dans les deux cas les fleurons hérités de la IIIème République sont battus, les différences entre les champions doit nous alerter sur le caractère relatif des indicateurs du bac publiés par le ministère le 27 mars.

Les indicateurs. Le ministère publie trois indicateurs établis à partir des résultats des élèves à la session 2012 du baccalauréat. A côté du taux constaté de réussite au bac, un taux brut qui ne dit pas grand chose sur l’efficacité d’un établissement, la Depp propose la valeur ajoutée par l’établissement ainsi que le taux d’accès de la seconde et de la première au baccalauréat et la proportion de bacheliers parmi les sortants. Le premier taux calcule ce que devrait être le taux de réussite en tenant compte de la composition sociale de l’établissement et maintenant de la réussite au brevet des élèves, y compris pour les lycées professionnels. Ce calcul savant met en évidence “l’effet établissement”. Le dernier indicateur évalue la chance que l’on a d’avoir le bac, même en le repassant, quand on a été admis en 2de dans le lycée. Autrement dit il détecte les établissements qui se contentent de renvoyer les élèves faibles pour gonfler leur taux de réussite.

Au final, chaque média fait sa cuisine avec ces indicateurs pour établir sa propre liste des “meilleurs lycées”. Ils ont beau dire , comme Le Figaro, “un tel classement n’a de sens qu’au regard de la personnalité de l’élève”. Ils ne peuvent s’empêcher d’entrer dans cette mise en concurrence généralisée des établissements soutenue par l’angoisse insondable des parents.

Drôle de classement. Quand on regarde les résultats de ces premiers de la classe ils ne sont pas aussi merveilleux que ce que la presse veut faire croire. Ainsi le lycée Diwan ne propose au bac que 85 candidats. Sa terminale S est chargée avec 35 élèves et obtient des résultats juste moyens. Ses terminales L et ES ont d’assez bons résultats mais avec 22 élèves par classe… Le lycée Averroës est propulsé au sommet avec une valeur ajoutée en STG astronomique (+37). Mais il y avait 2 candidats seulement… Alors replions nous sur les valeurs sures des grands lycées parisiens. Voilà Louis le Grand (Paris) et ses 100% au bac. Oui, mais sa valeur ajoutée est nulle. En prenant la crème nationale des élèves il n’est pas impossible d’ambitionner 100% de reçus au bac. Voilà qui nous fait relativiser la signification de ces indicateurs.

Finalement les indicateurs, tels qu’ils sont utilisés, montrent surtout la permanence de pesanteurs sociologiques et scolaires. Ainsi le taux de réussite au bac est de l’ordre de 84% pour les enfants d’ouvriers mais de 94% pour ceux des cadres. Le passé scolaire pèse encore plus lourd. Tout est joué déjà au brevet et sans doute bien avant. Les candidats arrivés avec deux ans de retard ont un taux de réussite de 74% quand celui de ceux qui sont à l’heure est à 94% ! Le faible écart constaté selon le genre est en réalité le grand progrès de 2012 : l’écart était de 10 points en 2010, il s’est réduit à 5 points seulement du fait de la progression des bacheliers professionnels au bénéfice des garçons. On mesure alors à quel point la publication des indicateurs camoufle les vrais défis du système éducatif. Ce ne sont pas les lycées qui font la réussite au bac. C’est toute une éducation…

François Jarraud

Les indicateurs 2013

Le Figaro

Le Point