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« Un doute s’installe sur la capacité d’aller au bout de l’opération ». Ce n’est pas un ténor de l’UMP qui le dit. Ou un syndicaliste d’extrême gauche. Mais les représentants du Groupe interministériel de pilotage des Espe (le GIP). Les auditions du Sénat sur la réforme des écoles supérieures du professorat et de l’éducation apportent un éclairage précieux sur la réalité de la mise en place des Espe. Le 14 janvier, la commission du Sénat a entendu la directrice provisoire de l’Espe de Bordeaux, les membres du GIP et Patrick Rayou. Trois façons de constater que ça ne se passe pas bien et que l’échéance du premier Capes va être décisive.

A Bordeaux, il y avait bien un problème pour le cahier des charges de l’Espe. Mais « il était en passe d’être résolu », lâchait Peillon en mai 2013. A écouter Martine Jaubert, administratrice provisoire de l’Espe, on en est loin. Bordeaux est une zone de guerre où l’Espe est un enjeu entre les universités de la Communauté d’université et les étudiants des otages de la guerre des chefs. D’ailleurs, M Jaubert parle de « résistance ». « La situation est ubuesque ». Les universités ont destitué la direction de l’Espe juste avant la rentrée, rendant celle-ci très difficile. D’après elle , les universitaires considèrent avec mépris la dimension professionnelle de la formation des enseignants. Ils ont décidé d’ignorer l’Espe pour les étudiants du capes. Aucune université n’a inscrit d’étudiants en Espe avec toutes les conséquences sur le fonctionnement concret de l’Ecole. Les UFR fixent l’emploi du temps des étudiants en ignorant totalement la formation Espe. L’Espe n’a même pas de local pour réunir les étudiants pour le tronc commun. Les universitaires pillent les moyens de l’Ecole au point de mettre en danger ses antennes départementales. Ils refusent le modèle de formation simultanée et appliquent comme avant la formation successive, le savoir d’abord, le professionnel après le concours. Pour M Jaubert, le premier Capes sera décisif. Ou ses épreuves comportent une dimension professionnelle ou c’en est fini du rêve d’une école de formation.

Le GIP ne dit pas autre chose. Chargés de la coordination des Espe, des ministères et du suivi de leur mise en place, Claude Fabre et François Louveaux font part de leurs inquiétudes. Ils reconnaissent que deux mondes s’affrontent dans les Espe. Que le truisme du « métier qui s’apprend » n’est aps évident pour tout le monde. Et ils sont inquiets. « La montée en charge en 2014 n’est aps acquise. La place des formateurs éducation nationale dans les Espe non plus. Pour le GIP, le premier capes sera décisif. « On devrait s’apercevoir dans les Espe que là où les universités travaillent en intelligence avec le terrain, les succès sont importants ». C’est aussi une façon de dire les choses sans les dire…

Patrick Rayou confirme les problèmes et le pessimisme ambiant. Mais il apporte aussi de l’optimisme. Il y a des endroits où les choses vont bien. Où l’innovation pédagogique est valorisée. Où la recherche en éducation existe. Il cite l’Espe de Créteil. La licence éducation développée par Paris 8 et l’Espe. Reste que l’alternance voulue par le législateur n’est toujours pas au rendez-vous. Puisque les formateurs sont incapables de la monter, ce sont les étudiants qui doivent dans leur réflexion tirer les leçons d’une formation tirée à hue et à dia.

François Jarraud

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