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Vincent Peillon a présenté le 16 janvier en détail son plan de “refondation” de l’éducation prioritaire. Les réseaux prioritaires deviennent des REP ou REP+. Unanimement salué par les syndicats, le plan Peillon associe des éléments pédagogiques à des dispositifs professionnels. Il accorde bien une nouvelle donne à un secteur que Nicolas Sarkozy avait failli supprimer. Au point de faire de l’éducation prioritaire une vitrine pour la refondation de l’Ecole.

Un manifeste pédagogique

Le plan Peillon est précédé d’un “Référentiel pour l’éducation prioritaire” qui est en fait une sorte de manifeste pédagogique à travers 6 objectifs. Le premier parle “d’enseigner plus explicitement les compétences que l’Ecole requiert”. Il s’agit d’expliciter les objectifs du travail fait avec les élèves et d’enseigner explicitement aux élèves les “procédures efficaces pour apprendre. L’élève sait ce qu’il a vocation à apprendre et il vérifie lui-même après la leçon qu’il a retenu ce qu’il fallait”. On a là les idées d’un courant pédagogique, hissées ici au niveau de pratique officielle ce qui ne manquera pas de poser de questions pour la formation des enseignants. Les autres objectifs reprennent les idées d’autres courants pédagogiques. Il s’agit de “conforter une école bienveillante”, de “mettre en place une école qui coopère avec les parents”, de “favoriser le travail collectif de l’équipe éducative”, d’accueillir les personnels et de renforcer le pilotage des réseaux. Ce manifeste pédagogique devrait donc aussi se traduire concrètement en terme de service professionnel par exemple à propos des décharges horaires.

De nouveaux sigles, les REP et REP+

Le plan Peillon redéfinit les réseaux prioritairex. Adieu les RRS et Eclair. il y aura deux réseaux REP et REP+. Ce sont les recteurs, au vue des projets pédagogiques, qui choisiront les 100 REP+ décidés à la rentrée 2014. Ils seront ensuite portés à 350. Environ 5 à 8% des réseaux actuels sortiront de la nouvelle éducation prioritaire. Mais les enseignants garderont le bénéfice de l’indemnité versée. “Il ne devrait pas y avoir d’amertume”, a dit V Peillon, en réponse à une question du Café. “Tout le monde va bénéficier du nouveau système”.

De nouvelles carrières pour les enseignants

Pour les enseignants, “la refondation” de l’éducation prioritaire veut obtenir des “équipes éducatives formées, stables et soutenues”. A partir de la rentrée 2014 dans 100 réseaux, puis dans 350 à partir de la rentrée 2015, les enseignants bénéficieront de décharges horaires. A l’école primaire 9 jours par an seront consacrés au “travail collectif et à la formation continue”. Les remplacements seront assurés par des enseignants affectés dans chaque réseau. Au collège, chaque heure sera pondérée 1,1 heure et donc le service hebdomadaire des enseignants faisant 18 heures passera à 16,4 heures. Que feront les enseignants sur ce temps libéré ? Le ministère reste évasif. Il affirme que “le contenu sera défini par les équipes” ce que recommande aussi le référentiel. “Les temps de travail en équipe sont institués dans les emplois du temps.. Les objectifs pédagogiques du travail en équipe sont bien déterminés. Ces temps s’appuient sur des instances (conseil de cycle, conseil école collège)”. Il semble que les obligations de service sur ce temps soient en négociation avec les syndicats. Mais le référentiel donne à penser que ce ne sera pas un temps libéré et que ce temps pourrait être utilisé pour faire “une analyse commune de séquences et d’évaluations” ou “la mise au point de projets et de co-interventions”. Une autre inconnue concerne l’école. Comment instituer un travail en équipe si chaque enseignant est remplacé à tour de rôle lors de ses 9 jours ?

Pour stabiliser les équipes, le ministre veut aussi jouer de l’indemnité spécifique de 1156 € par an. A partir de 2015 elle sera augmentée de 50% pour tous les enseignants des REP. Elle sera doublée pour les enseignants des REP+. Enfin elle sera triplée pour les coordonnateurs et référents qui devraient, selon le ministre, se multiplier. Ceux-ci pourront aussi bénéficier du GRAF, le futur grade supérieur à la hors classe.

Un “grand plan de formation” est prévu. En fait le ministre s’engage sur au moins 3 jours de formation pour les REP+ par an. A noter que V Peillon a précisé que les jours de formation seront en plus des 9 jours de pondération accordés au primaire. Le ministère promet des experts pour accompagner els équipes sur le terrain, une formation spécifique pour les pilotes. Interrogé par le Café, V Peillon a reconnu que le vivier de formateurs avait été asséché par les ministres précédents. Le ministre évoque les enseignants innovants, la création d’un corps de formateurs du second degré. Il est probable que les mouvements pédagogiques et les rectorats fabriquent des formateurs dans les semaines à venir…

Un certain flou existe aussi sur la nomination des enseignants. Avec l’abandon de l’appellation Eclair, les postes à profil pourraient disparaitre. Mais le ministère veut garder comme postes à profil les directeurs et principaux des REP+. Enfin “l’affectation des enseignants pourra avoir lieu sur la base du volontariat sur des postes spécifiques après avis de la commission paritaire”. Nul doute que ce point soit débattu puisque el Snes a fait savoir qu'”il voulait la fin des postes à profil. Le ministère écarte de modifier la procédure d’affectation qui fait que les jeunes enseignants débutent en REP.

Des mesures pour les élèves

Pour le primaire, la scolarisation des moins de trois ans, qui est très faible actuellement dan sles quartiers populaires (2 et 3% à Créteil et Versailles) sera “assurée dans l’ensemble des réseaux”. Le document officiel ne reprend pas le taux de 30% qui figure dans le programme présenté en Conseil des ministres. C’est que la demande est faible et qu’elle exige un effort important des municipalités. Les 7000 maitres surnuméraires du dispositif “plus de maîtres que de classes” prévus au budget d’ici 2017 seront affectés en REP et REP+. “Chaque école bénéficiera d’un poste” (il y a environ 6600 écoiles en RRS et Eclair actuellement). Enfin un accueil des parents sera mis en place chaque matin pour mieux les associer à la vie d el’école. Il faudra aménager un lieu d’accueil des parents.

Au collège, le ministère annonce un accompagnement des élèves jusqu’à 16h30 grâce à des assistants d’éducation pour les 6èmes, situation déjà installée presque partout. Le dispositif de soutien à distance D’Col, qui est actif cette année pour 30 000 élèves de 6ème, sera étendu à tous les collèges de l’éducation prioritaire. Durant deux heures par semaine les élèves sont accompagnées par un enseignant pendant qu’ils se connectent à des activités d’accompagnement scolaire en ligne développées par le CNED. Sur D’Col, les élèves peuvent faire des exercices de maths, français et anglais. Nous avons observé ces exercices. Il s’agit souvent d’exercices à trous. Ils manquent d’imagination et de créativité.

Le ministère va développer les internats de réussite en privilégiant les collèges. Une enveloppe de 150 millions est prévue à cet effet. Il promet aussi des moyens pour financer les projets de réseaux. G Pau Langevin a insisté sur le référencement et al diffusion des “bonnes pratiques” dans les réseaux. Des fonds spécifiques seront ouverts dans les académies. Un pilotage national sera mis en place avec un conseiller auprès de chaque recteur. 500 assistants de prévention seront recrutés et des infirmières déployées dans quelques réseaux.

” Ce qui fait l’importance de ce plan c’est qu’il a une entrée pédagogique” a affirmé Vincent Peillon. Il a rappelé que la loi d’orientation a fixé à 10% l’écart maximum de résultats entre le prioritaire et le hors prioritaire. Le ministre a présenté son plan comme une vitrine pour l’Ecole qu’il veut construire. Les REP, avec leurs équipes constituées, les nouvelles pratiques pédagogiques, préfigureraient l’Ecole de la refondation. A coup sur, le plan cohérent que veut instituer le ministre est un chemin nouveau et exaltant. Mais l’expérience apprend aussi qu’il sera semé d’embuches. A commencer par son financement. Vincent Peillon annonce que ” plusieurs centaines de millions vont se déplacer, entre 300 et 400″. Mais d’où viendront-ils ?

François Jarraud