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Changer le centre modifie-t-il la périphérie ? En créant la Direction du numérique , Vincent Peillon inscrit dans la structure même de son ministère un engagement personnel profond en faveur du développement du numérique éducatif. Mais cela suffit-il ?

Des ambitions

« Le numérique est l’une des plus grandes ambitions de la Refondation ». En septembre 2012, le ministre de l’éducation nationale exposait au Café ses vues sur le développement du numérique éducatif. « L’Ecole doit être le fer de lance d’une reconquête républicaine de l’espace virtuel », nous disait-il. « La République doit être celle du XXIe siècle. Nous ne partons pas de rien, car beaucoup d’enseignants, d’écoles, d’établissements sont très investis dans le développement de la e-éducation et les usages pédagogiques du numérique. J’ai notamment pu le constater lorsque nous avons visité ensemble le Forum des enseignants innovants que vous organisez et dont je garde un excellent souvenir. Partout où la greffe prend, c’est un formidable instrument de réussite éducative, de reconnaissance de la diversité des excellences, de l’accroissement des savoirs. Pour l’encourager, le développer, il nous faudra créer une filière de production pédagogique structurée, créer un grand opérateur, négocier pour obtenir – au mettre titre qu’il y a une exception culturelle – une exception éducative. .. Je souhaite également la création d’un service public en ligne de soutien scolaire. Il faut aussi des moyens pour la maintenance, l’équipement, le haut débit ».

Quel impact pour les enseignants ?

Dix huit mois plus tard une partie de ces ambitions sont atteintes ou en cours. La question de la maintenance, qui a posé problème durant des années, a été cadrée, sinon réglée, par la loi d’orientation. La même loi a posé les bases de l’exception culturelle. Le service public du soutien scolaire démarre avec D’Col. La nouvelle direction a pour missions de créer des ressources numériques, d’apporter son appui et son expertise aux grands projets structurels du ministère, de préparer une vision du système pour définir les grandes orientations de la politique numérique. Elle conduira la politique partenariale. Elle assurera une mission de veille sur le numérique éducatif et l’innovation et concevra la formation des enseignants. Enfin elle aura la maitrise d’ouvrage des infrastructures numériques du ministère. Pour les enseignants, l’action ministérielle est déjà visible dans M@gistere, le service de formation à distance des professeurs du primaire, dans quelques productions de contenus comme les « fondamentaux » du CNDP ou la plateforme d’initiation à l’anglais développée à petits frais par le CNED.

La nouvelle direction a ses limites

Pour C Bicchetti-Bizot, la nouvelle direction devra être capable de travailler avec tous les partenaires du numérique éducatif. Reste qu’elle doit faire tout cela sans moyens importants. Alors que l’Education nationale se soucie vraiment du numérique pour la première fois, c’est au moment où les restrictions budgétaires deviennent draconiennes. A la différence de ce qu’a pu faire le Royaume-Uni par exemple, l’Etat n’a pas les moyens financiers de porter ses ambitions numériques Le budget de la direction devrait être de l’ordre de quelques dizaines de millions d’euros (peut etre 30) ce qui reste en deça des budgets des ministres précédents. Le futur directeur (-trice) devra donc avoir les talents du diplomate pour coordonner l’action ministérielle avec celle des grands investisseurs du numérique éducatif que sont les collectivités territoriales. Le problème de la nouvelle direction sera peut-être de ne pas vouloir diriger mais coopérer. Ca aussi c’est révolutionnaire au ministère.

François Jarraud

Entretien septembre 2012