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Les enseignants devront-ils tous faire un stage en entreprise ? Peut-être. « Il faut faire tomber les tabous », estime Pierre Ferracci, président du Conseil national Education Economie (CNEE). Le CNEE examinait le 4 décembre le référentiel du futur Parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel (PIIODMEP). Rédigé par le Conseil supérieur des programmes, il entrera en vigueur dès la rentrée 2015. Le Café pédagogique s’est procuré ce document et vous en donne la primeur.

Lever les réticences

« Je suis convaincue que l’école et le monde professionnel ne peuvent se passer l’une de l’autre ». En concluant les travaux du Conseil national Education Entreprise (CNEE) le 4 décembre, N. Vallaud-Belkacem pointe la question centrale du CNEE : comment améliorer les relations entre l’école et les entreprises. Créé par Vincent Peillon en 2013, le CNEE compte 10 représentants du patronat et 10 élus des syndicats avec des représentants du ministère et des régions. « Il y a une exigence absolue de donner aux jeunes une insertion professionnelle », déclarait Vincent Peillon pour justifier la création du conseil. Il confie alors au CNEE le soin de valider le Parcours d’information sur le monde professionnel (PIIODMEP). « Il faut que le monde de l’éducation et celui de l’entreprise travaillent plus étroitement ensemble pour construire ce parcours ». « La communauté éducative a besoin d’appréhender le monde professionnel… La mission de l’Ecole c’est aussi d’aider les élèves à comprendre le monde dans lequel ils évoluent et l’économie fait partie de ce monde ». Il ne s’agit pas seulement de banaliser les liens école entreprises. C’est aussi à une nouvelle approche de l’économie que travaille le Cnee. Entre représentants du Medef et des syndicats, le Cnee se livre à une véritable aggiornamento. Son président, Pierre Ferracci parle de « lever les réticences » .

Un parcours qui implique tous les enseignants

Présenté par M Lussault, président du Conseil supérieur des programmes, le référentiel du Parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel va beaucoup plus loin que l’ancien parcours de découverte des métiers. D’abord parce que la parcours s’adresse à tous les élèves du secondaire. Il veut aussi impliquer tous les enseignants. « Le suivi du parcours d’un élève doit être travaillé collectivement par l’équipe éducative », note le référentiel qui énumère les enseignants « qui mettent en œuvre et réalisent l’intégration du parcours au cœur des disciplines », le professeur documentaliste, le CPE, les professeurs principaux qui « anime l’équipe pédagogique de la classe » en ce domaine, des référents, le Cop et le chef d’établissement « qui impulse et veille à la mise en œuvre du parcours en déclinant de façon opérationnelle les différentes étapes ». Enfin ily a « les partenaires extérieurs », entendez les entreprises, qui interviennent « tout au long du parcours de l’élève ».

Des stages en entreprises obligatoires ?

« Un enseignant sensibilisant les élèves à l’entreprise qui n’aurait pas vu une entreprise c’est difficile à imaginer », nous a dit M Lussault. Faut-il des stages obligatoires pour tous les enseignants ? « Peut-être pas », ajoute-il. Mais « on devra faire évoluer les concours et la formation initiale et continue ». « Il faut connaitre les réalités de l’entreprise pour encadrer le parcours », estime Pierre Ferracci, président du CNEE. Pour lui, « il n’y a plus de réticences » entre l’école et le monde professionnel. « Il faut faire tomber les tabous ». La question du stage en entreprise des futurs enseignants est déjà tranchée par les parcours des masters. La formation en Espe pourrait exiger de tous les futurs enseignants cette expérience professionnelle. La décision d’envoyer tous els enseignants en stage en entreprise n’est pas prise. Mais Cnee et Csp jugent qu’elle est dans la logique du parcours. Les représentants des entreprises, Medef, Upa, Cgpme , se sont déclarés prêts à faire des efforts pour accueillir élèves et enseignants.

Le groupe de travail sur la culture économique des élèves, animé par Michel Pébereau (Medef), estime que « tous les professeurs doivent s’approprier le parcours.. En ce qui concerne les enseignants déjà en poste, il semble opportun de les faire bénéficier eux aussi d’une forme de parcours spécifique dans lequel les entreprises peuvent utilement intervenir.. Le plan académique de formation doit proposer aux enseignants outre une formation théorique notamment sur les principes de micro-économie, des visites ou des stages dans les entreprises locales. Une priorité sera donnée aux personnels d’encadrement ».

Le référentiel du parcours

C’est que le nouveau parcours, dans le projet de référentiel dessiné par le CSP, donne une large place à l’entreprise.. Obligatoire pour tous les élèves du collège, le parcours est décliné dans les enseignements disciplinaires. Les nouveaux programmes du collège intégreront la nouvelle culture économique dans toutes les disciplines. « Le nouveau parcours se fonde sur l’acquisition de connaissances du monde économique et professionnel et de compétences associées dans le cadre des enseignements disciplinaires ». Il s’agit d’éclairer les choix d’orientation de l’élève mais aussi de développer chez lui « l’esprit d’initiative et al compétence à entreprendre ».

Il se fixe trois objectifs. Le premier c’est la découverte du monde économique et professionnel. Il s’agit à ce stade de « mettre en œuvre des scenarii dans lesquels les élèves vivent des situations, découvrent et organisent leurs représentations et acquièrent des connaissances sur la réalité du monde économique et professionnel ». Cela pourrait prendre la forme d’une rencontre avec un chef d’entreprise. Le second objectif vise à développer l’esprit d’initiative et la compétence à entreprendre. Là le parcours imagine une action collective : visite d’entreprise, création d’une micro entreprise. Avec le troisième objectif le parcours vise à aider l’élève dans son projet d’orientation. Le référentiel imagine le recueil de témoignages de professionnels ou la réalisation d’une vidéo sur un métier.

Le calendrier

Dans une lettre envoyée aux recteurs le 28 octobre, la ministre leur demande de veiller à ce qu’une « journée de découverte du monde professionnel » ait lieu dans tous les établissements secondaires « pour préparer chaque collégien et lycéen à ses choix d‘orientation ». « Bien préparée avec les acteurs économiques et sociaux du territoire, elle permet de renforcer les liens entre le monde du travail , l’académie et les EPLE ». Les recteurs ont jusqu ‘à février pour faire remonter au ministère les meilleures réalisations.

Le parcours sera expérimenté au premier semestre 2015 dans toutes les académies. Une circulaire sur le parcours devrait paraitre en mai 2015. Et le parcours sera généralisé pour la rentrée 2015, même si à ce moment les nouveaux programmes du collège ne seront toujours pas mis en place.

« L’entreprise ? Les professeurs ont envie d’y aller », estime Pierre Ferracci. Au CNEE on est convaincu que la crise économique a fait comprendre aux enseignants la nécessité d’apprendre aux élèves à regarder positivement le monde économique qui les entoure. La révolution des mentalités aurait déjà eu lieu et on s’inquièterait presque davantage des réticences patronales envers l’éducation nationale. Ca reste à voir…

François Jarraud

Les grilles du référentiel du PIIODMEP

Un CNEE pour conjurer le pessimisme