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A quoi aura servi l’extraordinaire mobilisation du 11 janvier ? La question est déjà posée par la ministre qui convoque le 12 janvier les représentants de la communauté éducative. L’Ecole, en tant qu’institution, a-t-elle à voir avec la dérive mortelle des assassins de Charlie ? Est-elle décidée à relever le défi de la ségrégation et de la desespérance ?

« L’Ecole a oublié ses promesses« . Les propos d’Eric Favey, pour la Ligue de l’enseignement, pèsent sur l’Ecole. La ministre a eu beau dire dans sa lettre du 7 janvier « l’Ecole éduque à l’égalité et la fraternité en enseignant aux élèves qu’ils sont tous égaux. Elle leur permet d’en faire l’expérience en les accueillant tous sans aucune discrimination ». Les faits sont là. L’école française reproduit les discriminations et même elle aggrave les inégalités. Et puisqu’elle reçoit le 12 janvier les représentants de la communauté éducative, il lui revient de rechercher la part de l’Ecole dans ce drame national.

Le 10 janvier, Michel Lussault, président du Conseil supérieur des programmes, évoquait dans un tweet la responsabilité de l’Ecole. « Ce qui vient de se passer est une défaite éducative collective, qui nous implique tous », écrivait-il. Pour nous, la formule de M Lussault est exagérée. La « responsabilité collective » ne s’exerce pas de façon identique entre le million d’agents de l’Etat en charge de l’éducation ou les 60 millions de Français. La responsabilité est d’abord celle des dirigeants de l’Ecole. Ce sont eux qui ont abandonné la promesse républicaine, laissant les enseignants se débrouiller avec la désespérance des élèves. Mais c’est la partie privilégiée de la société qui a validé cette situation en restant sourde depuis 20 ans à la monté des inégalités.

Car la première promesse oubliée c’est celle de l’égalité sociale. Là dessus les rappels ont été réguliers. Pisa bien sur qui a mis en évidence l’inégalité sociale des résultats scolaires comme une particularité forte du système éducatif français. Deux ans après la publication de Pisa, le ministère vient tout juste de lancer une réforme de l’éducation prioritaire qui se contente de 300 millions. Un décret a été pris pour favoriser al mixité sociale dans les établissements. Mais il est facultatif. Et sa circulaire d’application prend soin de demander aux familles de classer els établissements d’accueil, d’énumérer les exceptions diminuant d’autant sa portée.

La seconde promesse oubliée c’est la fraternité. G Felouzis parle d’apartheid scolaire à propos de l’école française. La formule dérange fortement. Mais l’apartheid saute aux yeux quand on visite les établissements scolaires. L’Ecole française s’est fracturée entre des filières de relégation au sommet comme à la base. Comment dès lors porter els valeurs républicaines auprès des élèves ?

La question ne sera pas réglée , comme certains le laissent entendre, par la réforme de l’enseignement civique et moral. Le problème de l’école française n’est plus celui de la transmission des valeurs républicaines. C’est celui de leur crédibilité. C’est parce que l’Ecole elle-même, et malgré ses personnels, ne respecte plus l’égalité et la fraternité qu’il devient vain de les enseigner.

François Jarraud

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