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Va-t-on sortir d’une crise sans précédent avec un salut aux couleurs ? L’Ecole peut-elle à elle seule régler une crise sociale ? Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, premier syndicat du primaire, prend position. On ne vas pas s’en tirer par de nouveaux cours d’éducation civique. Il faut une vraie politique sociale dans les quartiers. L’Ecole doit accepter les mères voilées et travailler le vivre ensemble.

Quelques jours après les attentats, on lit qu’il faut renforcer l’enseignement de l’éducation civique. Est-ce que cela suffit ?

On ne doit pas faire reposer sur les seules épaules de l’Ecole les décisions à prendre. L’Ecole ne pourra pas tout régler. Nombre de jeunes issus de la banlieue sont en dissidence. Ils ne partagent pas la peine qui nous frappe. Il faut agir sur ce qu’ils vivent. On ne peut pas continuer à les laisser en marge de la société. Il faut prendre cette fracture au sérieux d’autant qu’elle vient de loin. On avait déjà découvert ces jeunes en 2005. Dix ans plus tard le problème est toujours là.

Mais se préoccuper de ces jeunes cela voudrait dire quoi ?

Cela voudrait dire agir dans l’Ecole mais aussi dans la société, là où ils vivent avec leur famille. Si le débat reste uniquement sécuritaire ou scolaire, on passera à coté de la dimension sociale et les plus beaux discours faits en classe sur les valeurs républicaines ne suffiront pas. Il faut agir sur leur environnement social. Comment faire du vivre ensemble sans mixité sociale ? Il faut diversifier l’accès au logement, aux services publics de santé ou de culture, amélioré la formation professionnelle. Toutes options qui ont un coût budgétaire.

Comment mettre davantage de mixité sociale dans l’Ecole ?

Cela suppose un réaménagement urbain et de l’Ecole. Il faut redonner envie aux familles d’inscrire leur enfant dans les écoles aujourd’hui ghettoïsées. Dans ces écoles, il faut financer des projets pédagogiques valorisant qu’on ne trouvera pas ailleurs, par exemple des classes musique, CHAM.. Il faut améliorer le taux d’encadrement en créant de nouveaux métiers de soutien aux enseignants et aux élèves. Rénover les bâtiments. Ne pas dépasser 20 élèves par classe dans ces écoles. Scolariser dès 2 ans les enfants de ces quartiers. Ce qu’il faut bien comprendre c’est qu’il faut une double action dans l’école et dans le quartier. Plutôt que se satisfaire des débats caricaturaux sur la Marseillaise ou la blouse, il faut prendre des décisions maintenant et ne pas faire l’impasse sur le social.

On parle de « ces quartiers », « ces jeunes » mais en fait on sait bien qu’il s’agit d’une partie de la jeunesse musulmane et d’une question d’intégration. Cette dimension doit entrer dans la réflexion sur l’Ecole ?

S’il y a une montée du communautarisme et une percée de l’obscurantisme c’est que le terreau est favorable. Ces jeunes ont été relégués aux portes de la République. L’Ecole doit etre l’espace où on travaille le vivre ensemble. Enseigner le fait religieux, pourquoi pas si les enseignants sont formés et disposent de ressources.

On entend qu’il faudrait interdire aux mères voilées d’accompagner les sorties scolaires. Qu’en pensez vous ?

C’est une réponse caricaturale. Si on veut continuer à couper une partie des familles de l’Ecole, alors il suffit de les exclure des sorties. C’est la plus mauvaise réponse qui peut être apportée. Pour certaines mamans accompagner ces sorties c’est un moment privilégié pour entrer en contact avec l’école. Il ne faut pas se priver de ce moment.

Propos recueillis par François Jarraud