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Après des semaines de campagnes violentes contre le travail du CSP, après les demandes de députés et de sénateurs de supprimer cette nouvelle institution, après les accusations de dépendance envers l’administration, la présentation des programmes devant le CSP marque la fin de plusieurs mois épuisants. Michel Lussault revient sur les nombreuses critiques portées sur ces textes et sur les attaques tous azimuths. « On n’a cédé à rien », dit-il. Pour lui, les programmes ont leur cohérence. Mieux ils ont un avenir. « Ces programmes s’imposeront dans la durée parce qu’ils permettent aux enseignants de faire acte de création didactique et de réaliser véritablement leur expertise »

Le programme qui semble-t-il a été le plus critiqué c’est celui d’histoire-géographie. Avez vous trop cédé aux conclusions du forum organisé en Sorbonne ?

On n’a cédé à rien. On a analysé les retours venus de la consultation, des inspections, des débats, y compris les débats médiatiques. Et on a essayé de répondre aux interrogations en particulier sur la faisabilité du programme d’histoire où il y avait des choix proposés aux enseignants. Si on a finalement renoncé au choix, et je l’avais dit le jour même du colloque en Sorbonne, c’est que l’on n’a pas trouvé de solution non ambigüe pour maintenir les choix. On est toujours retombé sur l »écueil de pouvoir donner à penser qu’on abandonnait tel point important. La seule solution que l’on a trouvé c’est une liste d ethèmes classiques et imposés.

Mais on laissé un descripteur neutre de ce qu’on peut entendre par ce thème. La question du choix est transférée de ce coté là. Ces programmes sont en réalité très peu prescriptifs par rapport à ceux de 2008. Ceux-ci étaient très détaillés dans leur mise en oeuvre. On a fait le choix inverse : des thèmes classiques , très neutres et une ouverture dans le domaine didactique. Souvent même, par exemple en géographie, on indique « le professeur devra choisir les cas ». C’est une vraie liberté de choix.

On a finalement fait un programme qui restaure la liberté pédagogique des enseignnats et se fonde sur le fait que les vrais choix sont moins dans le thème que son traitement. On peut très bien traiter l’histoire dans une pesrpective mondiale même à partir de l’histoire de France.

On a fait un second choix : traiter les 3 cycles comme un bloc. Dans le cycle 2 on place des repères, dans le 3 on privilégie le proche en histoire comme en géo, dans le 4 on ouvre des perspectives. Au cycle 4 seulement un tiers des thèmes renvoient à l’histoire de FRance et la géographie est totalement consacrée à la mondialisation contemporaine. Donc au bout du compte, on a essayé de faire une progression cohérente en restaurant la capacité d’invention des professeurs.

Mais avec autant de thèmes classiques vous ne craignez pas le retour à l’encyclopédisme ?

Le programme n’est peut-être poas aussi léger qu’on le souhaitait. Mais il est moins lourd que celui de 2008. On est passé de 10 à 9 thèmes. Surtout il est moins prescriptif et donc on donne de la marge aux enseignants. Il n’y a aucune indication d’horaire contrairement au programme précédent. Certains thèmes peuvent être simplement évoqués et d’autres approfondis. L’histoire et la géographie peuvent être mêlés.

Un autre programme très critiqué c’est celui de documentation. Un paradoxe alors que l’EMI est introduite dans les programmes ?

C’est paradoxal en effet. C’est dommage que des professeurs documentalistes ne reconnaissent pas le point décisif de l’introduction de l’EMI. On a voulu valoriser cette formation sans en faire une discipline. On a donc fait un référentiel en insistant sur la place des professeurs documentalistes au coeur de cette pratique.

Le défi de ces nouveaux programmes c’est l’appropriation. On sait que cela demande des années. Comment les esneignants doivent-ils lire ces nouveaux programmes ?

La réception des programmes varie selon les cycles. En cycle 2 et 3, les professeurs des écoles ont lu le programme dans sa cohérence de cycle. Mais à partir de la 6ème, entrent en lice des lectures mono disciplinaires. Or il faudrait une lecture globale capable de travailler la cohérence des programmes pour en comprendre les logiques.

Par exemple si on considère que le programme d’histoire est trop national, observons que celui de lettres dit que l’élève doit découvrir la variété des cultures mondiales. En EMI les professeurs documentalistes ont une réaction de discipline. Mis en fait l’EMI est partout dans la cohérence du programme de cycle.

L’appropriation va passer par la production de ressources disciplinaires où on montrera cette ouverture au monde. Elle passera aussi par cette sensibilisation des professeurs de collège à la cohérence de chaque cycle et des 9 années des 3 cycles.

Ce sera le travail du CSP ?

Ce sera surtout celui de la Dgesco et des inspections. Mais le CSP rappellera ses intentions.

Après ces semaines de débat et travail, il y a quoi maintenant à l’agenda du CSP ?

Il nous reste le programme de langues et culture de l’Antiquité, à assurer ces explications, travailler à la production de ressources et observer la mise en oeuvre des programmes. On verra si on se saisit de nouveaux sujets. On va aussi aborder le lycée et la formation des enseignants.

On entend de nombreuses critiques sur le CSP. Ainsi récemment la présidente de la commission Education du Sénat estimait que la compétence de définition du socle et des programmes doit revenir à la représentation nationale. Vous sentez vous menacé ?

Il y a au CSP 3 sénateurs, 3 députés, 2 membres du CESE. Donc la représentation nationale est dans le CSP. La présidente devrait peut-être veiller à ce que tous les sénateurs membres du CSP soient réellement présent à ses séances. J Grosperrin par exemple était souvent absent. Je sais que certains projettent la suppression du CSP. Je pense que ce serait une erreur car on a réussi à valider le socle, à proposer les nouveaux programmes de la maternelle et des 3 cycles suivants, le tout avec suffisamment de vigueur pour que nos propositions soient au coeur du débat public. Si le CSP était moribond il n’aurait pas produit ce qu’il a produit. Les programmes ne sont peut-être pas du goût de tout le monde mais ils sont cohérents. Surtout le CSP n’est inféodé à personne. La structure a fait ses preuves.

On arrive à la fin des débats sur les programmes. Vous attendiez vous à autant de violence ?

On peut être surpris par la virulence de certains propos, notamment sur les réseaux sociaux. Cela traduit une société particulièrement crispée. Mais il y a quelque chose de plus préoccupant. Les commentateurs absolutisent leur point de vue. Ils produisent des discours très normatifs sur les disciplines. En matière d’enseignement scolaire il faut se garder de confondre les programmes avec des documents normatifs sur la façon d’enseigner. Il n’y a pas une bonne manière d’enseigner le français ou l’histoire. Il y a des objectifs d’apprentissage à atteindre et des didactiques plurielles. Il est souhaitable que l’élève soit confronté à des façons différentes d’enseigner.

Le CSP a voulu tempérer ces crispations et il s’est fait canarder ar tous ceux qui émettent des propos normatifs. Je reste convaincu que l’on a fait le bon choix. Ces programmes s’imposeront dans la durée, si on la leur laisse, justement parce qu’ils permettent aux enseignants de faire acte de création didactique et de réaliser véritablement leur expertise.

Propos recueillis par François Jarraud

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