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« Agir contre la pauvreté ce n’est pas de l’assistanat mais répondre à un désir de justice ». Le 13 octobre, N Vallaud-Belkacem a participé à un séminaire national organisé suite à la publication du rapport de JP Delahaye sur l’Ecole et la grande pauvreté. Le séminaire a mis en avant des pistes d’action validés par la ministre. Elle a annoncé la mise en place de groupes de suivi académiques. Alors que la France est le pays de l’OCDE où l’origine sociale détermine le plus la réussite scolaire, seront-ils capables d’inverser la tendance ?

Les recettes de Le Corbusier

Pas d’erreurs de casting pour ce séminaire national sur Ecole et grande pauvreté. Il se tient dans les locaux dénudés d’un lycée du 18ème arrondissement parisien. Les stars du jour sont les anciens élèves du lycée Le Corbusier d’Aubervilliers propulsés en modèles de la lutte contre la grande pauvreté.

Cinq élèves, tous issus de l’immigration, témoignent. « On est des spécialistes de la lutte contre la grande pauvreté », dit une jeune fille actuellement en 1ère année de médecine. « On est pauvres et on a réussi ». Elle évoque les difficultés quotidiennes pour étudier alors qu’il faut s’occuper des frères et soeurs dans un minuscule appartement. Le lycée Le Corbusier met à disposition des élèves des salles de travail jusqu’à 19 heures. Toutes les sorties culturelles sont gratuites. Elles sont nombreuses tout comme les débats avec des personnalités renommées. Un autre élève, en 1ère année de CPGE évoque la pression des notes. Le lycée encourage la solidarité entre élèves : les plus forts aident les plus faibles. Une professeure de philosophie, Catherine Robert, évoque le travail de collecte des mythes nationaux opéré par les élèves qui permet d’associer les parents à la vie du lycée et encourage la solidarité. La beauté du lycée, reconstruit en 2003, est également mise en avant par les élèves. On apprend aussi que les classes ne dépassent jamais 22 élèves, un seuil très exceptionnel pour un lycée.

La continuité de l’action ministérielle

« Notre système scolaire ne favorise pas la réussite de tous. Il aggrave les inégalités économiques et sociale », rappelle la ministre. « Il est de notre devoir de faire cesser cette situation ». Elle rappelle des actions ministérielles. D’abord la circulaire limitant les fournitures scolaires, que JP Delahaye avait fait passer quand il était à la tête de la Dgesco. Puis la nouvelle allocation des moyens qui prend en compte la composition sociale des académies. Ensuite la nouvelle éducation prioritaire dotée de 350 millions supplémentaires. L’attention portée à ce que les bourses des collèges touchent bien les familles qui en ont besoin. Enfin le redéploiement des Rased et des personnels médico-sociaux. L’effort doit aussi être pédagogique. La ministre annonce que la lutte contre la grande pauvreté intégrera le tronc commun enseigné dans les écoles de formation des enseignants (ESPE). Un suivi de ces recommandations sera fait au niveau national par un groupe de suivi dirigé par JP Delahaye , appuyé par des groupes académiques composé des cadres formés lors du séminaire national. « Le soutien à la lutte contre la grande pauvreté c’est aussi la continuité du discours ministériel » conclue la ministre.

JY Rochex : J’attends des actes

Ces efforts sont-ils suffisants ? Interrogé par le Café pédagogique, Jean-Yves Rochex, professeur à Paris 8, ne le croit pas. Il se déclare en accord avec le rapport de JP Delahaye et adhère aux propos ministériels mais veut davantage. « La question de la démocratisation scolaire est-elle la pierre de touche à l’aune de laquelle on va juger l’action ministérielle ? J’aimerais que ce soit le cas », nous dit-il. « On nous dit qu’au lycée Le Corbusier on ne dépasse pas 22 élèves par classe. Très bien ! Que ne le fait-on pas ailleurs ? Au lycée Saint-Exupéry de Marseille par exemple où les classes dépassent les 30 élève set où les fonds sociaux seront à sec en décembre. La nouvelle politique d’allocation des moyens ne devrait pas être à dose homéopathique (elle concerne 1429 postes en 2015 NDLR). Transformer l’essai demande un accompagnement et des moyens, de véritables choix budgétaires ».

JY Rochex souligne aussi les problèmes de pilotage. « On ne peut pas annoncer une priorité différente pour l’Ecole chaque semaine », dit-il. Il souligne une incohérence dans la réforme du collège entre l’objectif de lutter contre les inégalités sociales et le choix d’une évaluation majoritairement en contrôle continu au brevet. « On va renforcer les écarts de performance aux dépens des élèves les plus faibles ».

Pour lui le ministère devrait répartir les moyens en tenant compte bien davantage de la situation sociale des établissements, renforcer l’Education prioritaire et améliorer le recrutement et la formation des enseignants. « J’attends des actes », dit-il.

Interrogée par le Café pédagogique le 31 août sur la multiplicité des réformes qui se mangent les moyens les unes les autres, la ministre nous avait dit : « Ma priorité est bien la lutte contre les inégalités. Mais on ne parviendra pas à obtenir des résultats si on en fait une politique à part ». Comment l’Education nationale peut-elle gérer une politique spécifique dans la multiplication des réformes ? Le groupe de suivi de la lutte contre la grande pauvreté aura du travail..

François Jarraud

Ecole et grande pauvreté : le DOSSIER

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