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Comment faire participer des lycéens à un protocole de recherche national ? Grégory Dantin, enseignant de SVT au lycée saint Joseph de Fontaine-les-Vervins (02) a intégré le Réseau Génome à l’école. Il a saisi l’occasion d’étudier, en partenariat avec l’INRA, les gènes du peuplier noir et du prunellier. Equipés entre autre « d’une centrifugeuse, d’un thermocycleur et d’un système d’électrophorèse à cassette », les lycéens transmettent leurs résultats aux chercheurs. Rencontre avec cet enseignant formé à l’école de l’ADN de Nîmes.

Quel est votre projet « génétique » avec vos lycéens ?

C’est un projet proposé par sciences à l’école, nommé génome à l’école qui se décompose en 2 volets. Le premier est la participation à un protocole de recherche nationale avec les autres établissements du réseau sur le peuplier noir, Populus Nigra. Nous étudions le polymorphisme de 5 gènes différents en recherchant des S.N.P. (single-nucléotide polymorphism).

Le second est une recherche propre à l’établissement où nous allons essayer d’établir le degré de parenté entre le prunellier, Prunus Spinosa, et d’autres espèces déjà séquencées. Nous avons pour ceci l’opportunité de travailler sur 8 gènes.

Que font les élèves au cours des séances ? Comment réussissez-vous à articuler le projet avec le programme de SVT ?

Pour l’instant nous n’avons pas commencé le travail d’extraction d’A.D.N., nous allons certainement le faire au retour des vacances de la Toussaint. En séances, nous sommes allés faire une séance d’identification des différents arbres et j’ai présenté les bases des observations phénologiques. Les élèves ont dû ensuite trouver à proximité de chez eux des individus. Nous les avons répertoriés sur Google Earth et les élèves ont commencé les observations. A noter que nous sommes dans une région rurale et que nos élèves sont éparpillés sur une zone supérieure à 1000 km².

Pour ce qui est de l’articulation avec les programmes, c’est le choix du sujet propre à l’établissement qui a été primordial. J’ai essayé de trouver un projet qui me permettait d’illustrer un maximum de notions.

Je travaille pour l’instant avec les premières et les terminales scientifiques. Le prunelier est un arbuste que l’on trouve dans les haies de notre région bocagère. On peut qualifier les haies d’une zone bocagère d’agro-écosystème. Elles ont été mises en place entre le 12éme et le 14éme siècle et sont un véritable réservoir de biodiversité. Donc en plus d’illustrer les parties relatives à la génétique, je peux aussi l’utiliser dans le thème 2 : « Enjeux planétaires contemporains ». Ensuite le prunelier possède des épines et les prunelles sont chargés de tanins, je peux ainsi illustrer la partie traitant de la vie fixée des plantes. Certains de mes élèves ont aussi choisi de travailler sur le projet dans le cadre des T.P.E.

PCR, électrophorèse, séquençage au génoscope… Vos lycéens travaillent au cœur de la génétique. Quels sont les retours des élèves ? Quel plaisir pour eux et pour vous ?

Mes élèves sont fiers de faire partie de ce projet. Comme je le disais dans la réponse précédente, nous sommes dans une zone très rurale, la Thiérache, éloignée des métropoles. On peut facilement s’y sentir oublié. C’est donc très valorisant pour eux de faire partie de cette grande aventure. Ils m’ont réellement surpris, le lendemain de l’annonce de notre sélection en ramenant quelques victuailles à partager, c’était très festif. Ensuite bien-sûr il y a la possibilité de faire des sciences ‘’concrètes’’ qui les enchante.

Quant à moi je suis heureux d’avoir l’opportunité d’ouvrir leurs champs de perspectives pour la poursuite de leurs études, le monde des sciences étant peu représenté en Thiérache, j’espère qu’ils en auront une meilleure représentation et ainsi susciter quelques vocations. Je suis particulièrement content aussi de pouvoir les sensibiliser à la richesse de notre patrimoine écologique mais aussi à sa fragilité. Le dernier aspect qui m’a motivé lors de l’appel à candidature est de sortir un peu des sentiers battus et du carcan parfois un peu étroit que nous imposent les programmes. C’est un véritable bol d’air quand on enseigne dans les mêmes niveaux depuis plusieurs années et que l’on tombe dans une certaine routine.

Quelles ont été vos démarches pour être sélectionné à « génome à l’école » ? Quelle formation spécifique avez-vous suivi suite à cette sélection ? Quel matériel mis à disposition ?

La sélection s’est faite sur un dossier que nous avons envoyé vers la mi-janvier 2015 à sciences à l’école. J’ai eu connaissance de l’appel à candidature fin novembre 2014 grâce à un mail passé dans la liste académique. Il a donc fallu être assez réactif et dans ce cours laps de temps trouver un sujet de recherche propre à l’établissement et une problématique intéressante. Le dossier à fournir était conséquent, de nombreux critères étaient à détailler. Il fallait développer en plus des points relatifs à la recherche, la stratégie pédagogique ainsi que la visibilité du projet au sein et à l’extérieur de l’établissement. Suite à notre sélection j’ai participé à un stage de formation à l’école de l’A.D.N. de Nîmes où le projet Populus nous a été présenté et où nous avons découvert et testé le protocole.

Nous avons aussi été formés à l’utilisation de certains logiciels spécifiques. La dotation matérielle est assez importante. Nous avons reçu une centrifugeuse, un thermocycleur, un lot de micropipettes, un système d’électrophorèse à cassette, des kits d’extraction d’A.D.N. ainsi que la totalité des consommables nécessaires pour la P.C.R. Il y a aussi le séquençage des séquences extraites et amplifiées par le génoscope d’Evry qui est financé.

En quoi votre projet est-il pluridisciplinaire et même pluri-lycée, car le lycée professionnel est également impliqué…

C’est avant tout un projet qui prend maintenant pleinement sa place dans notre projet d’établissement résolument tourné vers le développement durable. Je souhaitais que ce projet ait un maximum de rayonnement au sein de l’établissement pour que le maximum d’élèves puisse en profiter. Nous avons donc réfléchi avec les membres de l’équipe pédagogique intéressés à la façon d’intégrer les différentes matières et filières.

Pour le lycée professionnel, notre section système électronique et numérique va gérer un site web et mettre en place un serveur N.A.S. pour le stockage des différentes données. La section A.S.S.P. va élaborer un protocole de bio nettoyage des labos et former mes élèves. A noter qu’en retour ils pourront réaliser une extraction D’A.D.N. Les élèves motivés de ces 2 sections peuvent aussi participer aux observations phénologiques.

Les élèves de notre collège n’ont pas été oubliés puisque nous avons profité de la dynamique pour créer avec eux une filière de compostage des déchets de la cantine.

En quoi ce projet favorise-t-il la rencontre élève / chercheur ?

Le réseau génome à l’école comporte plusieurs chercheurs qui nous encadrent et nous accompagnent dans nos démarches. Nous sommes par exemple en contact actuellement avec une équipe de généticiens de l’I.N.R.A. pour sélectionner les gènes que nous allons étudier chez le prunelier.

Propos recueillis par Julien Cabioch

Génome à l’école

Ecole de l’ADN de Nîmes

Genoscope