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Non, ce n’est pas encore le 1er avril… Au collège Notre-Dame d’Espérance à Cléder (29), Gwénnolé Le Palud, professeur d’histoire-géographie, porte l’initiative d’une option pêche. Des techniques de lancer aux leurres artificiels, toutes les astuces des différentes pêches sont transmises aux nouvelles générations de la 5ème à la 3ème. « L’idée n’est pas de faire du disciplinaire déguisé mais bien de pêcher », dit-il. Au-delà des nombreuses espèces découvertes et des sorties sur le terrain, l’option mobilise aussi les familles des collégiens. Elles s’impliquent et cela crée « un dialogue facilité pour l’orientation ». En lien avec une association agréée, les élèves ont ainsi leur carte de pêche et peuvent présenter les conditions de leur engagement et les enjeux environnementaux autour des bassins versants à l’oral du DNB.

Pourquoi une « option pêche » dans votre établissement ?

Il s’agit de la possibilité pour les élèves de participer à un atelier pêche nature (APN) rattaché à l’AAPPMA (Association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique) de Saint Pol de Léon. Ce partenariat AAPPMA-collège nous permet de proposer aux collégiens à la fois une initiation à différentes techniques de pêche aux leurres artificiels et une découverte du milieu aquatique.

L’inscription est proposée à partir de la cinquième. Il est cependant possible de débuter l’activité en quatrième ou en troisième. Nous raisonnons en terme de degré d’autonomie plutôt qu’en classe, avec la constitution de trois groupes (“initiation”, “perfectionnement I”, “perfectionnement II”). Les sorties et les techniques proposées (les “situations d’apprentissage”, en fait) sont différentes pour permettre à chacun.e de progresser sans se retrouver en trop grande difficulté.

Tous les ans, une douzaine d’élèves, garçons et filles, décide de s’inscrire à cet atelier. Rapporté au nombre d’élèves (160), cela représente un effectif intéressant. Quatre d’entre eux ont suivi le parcours sur leurs trois années de collège.

L’inscription est gratuite. En revanche les élèves doivent être en possession d’une carte de pêche qui pour un prix d’environ 15 euros leur permet de pêcher -presque- partout en France du 1er janvier au 31 décembre et, surtout les fait devenir adhérents d’une AAPPMA (Association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique). Pour les élèves du groupe initiation, cette carte de pêche est offerte pour la période de septembre à décembre. Sachant que si l’activité ne leur plaît pas ils peuvent abandonner à l’issue de ces quelques semaines d’essai.

Que font les élèves au cours des séances ? Comment s’organise l’année scolaire ?

Nous avons choisi de diviser l’année scolaire en deux (petits) semestres. De septembre à décembre les jeunes du groupe initiation participent à une découverte de l’activité dans le cadre d’un séjour de deux jours avec hébergement dans une maison éclusière, à proximité immédiate des sites de pêche. Les élèves des groupes perfectionnement sont amenés à découvrir sur une ou deux journées une pêche originale (pêche en float-tube à Rennes cette année, pêche du requin émissole à Landévennec l’an passé).

Au cours du deuxième semestre ont lieu des sorties au niveau local, sur les rivières du secteur. Comme lors des sorties évoquées plus haut, les jeunes sont confrontés à des poissons sauvages. Ici par contre la difficulté est bien plus grande puisqu’il s’agit de s’adresser à un poisson relativement méfiant, la truite, et dans un environnement (ruisseaux boisés) qui nécessite une bonne technique de lancer. Les jeunes du groupe “initiation” pratiquent une pêche au lancer (cuillers, petits poissons nageurs) tandis que les élèves du groupe perfectionnement réalisent leurs premiers lancers de pêcheurs à la mouche.

Sur chacun de ces semestres les sorties sur le terrain alternent avec des séances en salle. Ces séances sont hebdomadaires (tous les mardis de 16h30 à 17h30). Tous les élèves sont réunis mais réalisent des activités différentes: moulage de leurres, peinture à l’aérographe de leurres, montage de mouche (créer un insecte avec des fils, plumes et fourrure), entraînement au lancer sur la cour… Nous essayons aussi depuis cette année d’organiser des sorties ou rencontres axées sur la découverte du milieu aquatique (visite de la maison de la rivière à Sizun, découverte des invertébrés, travail sur la notion de bassin versant…).

La fédération de pêche du Finistère s’implique-t-elle dans le projet ?

Pour lancer ce projet “pêche” il nous avait semblé logique de contacter la Fédération départementale de pêche du Finistère (qui regroupe l’ensemble des AAPPMA du Finistère). Au final le soutien de Mathieu Lebouter, technicien à la Fédération de pêche s’est révélé précieux. Outre les conseils techniques, le prêt de matériel et l’aide apportée pour l’encadrement des sorties “initiation”, il nous a mis en relation avec le président de l’AAPPMA de Saint Pol de Léon, Michel Thouvenot en vue de la mise en place de l’APN.

Là encore, au niveau de l’AAPPMA nous avons la chance de pouvoir compter sur l’aide de Michel Thouvenot mais aussi d’un membre de l’association, Eric Michel qui met à la disposition des jeunes sa très bonne connaissance des rivières du secteur et de la pêche à la mouche.

La Fédération de pêche offre également un coup de pouce financier puisqu’elle subventionne l’achat de matériel à hauteur de 60%… ce qui nous permet de mettre entre les mains de nos élèves du matériel de qualité, qui facilite grandement les apprentissages.

Au final, il s’agit d’un projet qui mobilise une demi douzaine d’intervenants extérieurs (détaillants d’articles de pêche, guides, collègues,…) en plus des trois enseignants (Chantal André, en mathématiques, Thierry Aldrin en technologie et Gwennolé Le Palud en histoire-géographie) et de l’équipe AAPPMA (Michel Thouvenot et Eric Michel) qui portent le projet. Au fil du temps ceci nous apparaît comme une vraie richesse en matière d’ouverture des jeunes sur l’extérieur.

Enfin, nous avons la chance sur le Finistère d’avoir une Fédération de pêche qui a mis en place une série de compétitions destinées aux moins de 18 ans. Nous essayons autant que possible de faire correspondre nos sorties avec ces compétitions pour favoriser l’échange entre nos jeunes et ceux d’autres APN. De notre côté cela nous permet aussi d’observer d’autres fonctionnements et d’adapter au fur et à mesure notre dispositif.

Quelles sont les espèces pêchées par vos élèves ?

Ce qui nous semble essentiel, c’est que nos élèves soient mis en confrontation avec des poissons sauvages dont la pêche ne va pas de soi et qui demande donc un réel apprentissage. La difficulté de leur capture rend aussi plus évidente la nécessité de leur préservation et de la protection de leur environnement. Ainsi dans le cadre de l’APN tous les poissons sont remis à l’eau.

Deux poissons sont particulièrement visés : la perche, qui constitue le “poisson école” par excellence de par l’intérêt qu’elle manifeste pour les leurres, son abondance et aussi de par ses… piquants qui incitent à une manipulation en douceur des poissons! Le second poisson est la truite dont la capture constitue un défi pour les jeunes. Ici l’approche du poste est déterminante. La lecture de la rivière également. Tout faux-pas est immédiatement sanctionné par la fuite du poisson ! Pas question ici de viser “la moyenne”… on réussit…ou on recommence… mais plus loin!

Quels sont les retours des collégiens ?

Nous n’avons pas jusqu’à présent parlé de nos disciplines respectives. Tout simplement parce que cette initiation “pêche” constitue à nos yeux un apprentissage supplémentaire qui s’ajoute aux enseignements dispensés au collège. La pêche ne constitue donc pas un “cheval de Troie” pour faire de façon déguisée de la géographie, des mathématiques. Pourtant, ce dispositif contribue lors des conseils de classe à évaluer les domaines 1 à 5 du socle commun. Certainement aussi que cette activité contribue, au même titre que les ateliers art, théâtre… proposés au sein du collège, à susciter le plaisir d’apprendre. Cet atelier vise ainsi à faire du collège un lieu où l’on peut oser, où il est possible de se lancer dans une activité, souvent encore perçue comme ringarde, sans essuyer de moqueries.

Très vite également les élèves constatent que les adultes qui encadrent l’atelier ne peuvent pas être partout, tout le temps pour tout le monde et coopèrent entre eux. Les élèves du groupe “initiation” n’hésitant pas à se tourner vers les plus expérimentés. Au final une relation de confiance élèves-élèves et adultes-élèves se met en place… ce qui nous permet, au niveau de l’équipe, d’aborder les sorties pêche comme un moment privilégié. Là, le fait que les élèves nous voient en échec face à un poisson les incite, je l’espère, à renouveler leur vision de l’erreur, de l’échec. Nous essayons également d’engager les familles dans le dispositif en les incitant à assister à certaines sorties pêche. Au final, le dialogue avec les élèves et les familles est facilité, ce qui offre les meilleures conditions pour la construction de parcours d’orientation.

Qu’en est-il des élèves ? Quels retours après trois ans d’existence ? Nous n’avons à vrai dire pas de données mesurables… si ce n’est que chaque année des jeunes nous relancent pour savoir si l’atelier pêche nature continuera l’an prochain. Les encouragements des familles nous incitent également à poursuivre l’aventure, tout comme les photos qui traduisent à la fois l’application dans l’activité et l’émerveillement devant un poisson dont la prise récompense des heures de travail. Nous pensons aussi que le fait que beaucoup de personnes contribuent à cet APN montre aux jeunes la valeur qu’ils ont aux yeux des adultes et contribue à cet épanouissement.

Comment cette découverte peut-elle être évaluée au DNB ?

Cette année, plusieurs élèves de l’APN étant désormais en troisième, nous leur avons proposé de présenter leur engagement dans l’atelier pêche au brevet des collèges, via le parcours citoyen. Il s’agirait pour les élèves volontaires de montrer ce qui est en jeu derrière l’achat d’une carte de pêche et donc derrière l’adhésion à une AAPPMA. Cela leur permettrait de décrire le fonctionnement de leur environnement proche via l’étude d’un bassin versant et, surtout, de présenter des pistes d’action pour la préservation de cet environnement.

D’autres projets en lien avec les voyages scolaires sont en préparation. Quelques mots sur ces perspectives …

Il y a deux ans l’organisation d’un séjour à Penzance en Cornouaille Britannique nous avait permis de proposer aux élèves suivant l’APN une sortie pêche au Royaume Uni… sortie préparée par le visionnage de vidéos en anglais sur le rockfishing. Cette année l’occasion va se représenter avec un nouveau voyage au Royaume Uni en juin. L’idée serait cette fois d’être davantage en relation avec les pêcheurs du secteur et, pourquoi pas de fonctionner avec un guide de pêche local pour une sortie halieutique-linguistique.

Un autre chantier pourrait consister en l’adoption d’un fonctionnement permettant d’intégrer à l’APN des jeunes du secteur non scolarisés au collège. Le fonctionnement en deux semestres vise à faciliter cette possible évolution avec un premier semestre spécifique aux élèves du collège (la majorité des sorties/séjours se fait sur le temps scolaire) et un deuxième semestre qui pourrait permettre d’accueillir d’autres jeunes, les sorties locales se faisant après les cours, en soirée, entre avril et juin.

Entretien par Julien Cabioch

Le site de l’atelier pêche nature