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Après deux journées denses en tables rondes et ateliers, les quelques 300 ou 400 participants qui ont pu participer à Ecritech 9 après avoir bravé les intempéries sociales se sont quittés en ayant un sentiment partagé : d’une part un temps d’échange fort entre acteurs impliqués (et non pas ravis du numérique comme certains troll aiment à les appeler) et volontaires pour questionner le numérique dans le monde scolaire et d’autre part l’impression que l’on a pas pu questionner vraiment la forme scolaire. Les ateliers et la plupart des témoignages proposés ont tous évoqué des aménagements de la forme scolaire : tantôt par une communauté d’élèves apprenante, tantôt par un réaménagement des locaux (architecture), des mobiliers etc.… tantôt par une ouverture de l’école aux familles, tantôt par l’inversion pédagogiques. Après une table ronde d’ouverture dans laquelle on avait posé le décor, complexe, de ce qui fait de l’école cette institution quasiment devenue naturelle alors qu’elle est d’abord une construction rationnelle des pouvoirs, on a vu de nombreuses tentatives d’aménagement.

Pragmatismes

Il s’agit bien d’aménagement de la forme scolaire et non pas de remise en cause plus globale. Les moyens numériques, inscrits dans le titre du colloque n’ont finalement pas été complètement au coeur des débats, mais plutôt en bordure. Pourquoi ? Parce que tous ceux qui ont témoigné de leurs expériences diverses et variées ont montré qu’il était possible d’aménager des espaces/temps plus souples au sein de l’institution scolaire, mais sans vraiment la remettre en cause. Ainsi il n’y a pas eu, au moins dans les tables rondes, d’apports liés à des approches alternatives de l’école. Et pourtant, il aurait pu être intéressant de confronter l’enseignement agricole, l’apprentissage en alternance, le technique et le professionnel, les écoles alternatives (Freinet, Montessori et autres) avec les établissements traditionnels.

Félicitons cependant tous les participants qui ont tenté de partager leur volonté de faire évoluer le système scolaire, même si c’est modeste et pragmatique. De Vincent Faillet à Jean Michel le Baut, nous avons pu sentir que les élèves pouvaient être porteurs d’évolutions du système au niveau pédagogique et didactique. A l’instar d’autres intervenants des ateliers (collège Marcel Rivière de Hyères, Collège des seize fontaines à Saint Zacharie, collège Jean Gionot au Beausset,…) un bon nombre d’ateliers, qu’ils évoquent le primaire, le collège ou le lycée, la place de l’élève a été au centre de la réflexion : ce sont bien les élèves qui, souvent pris dans la continuité entre « monde réel et monde virtuel », sont en train d’interroger les enseignants et de leur faire entendre que la transformation d’une approche enseignement à une approche apprentissage est en cours et que les moyens numériques en sont un des vecteurs qui lui aussi, comme l’école, devient « naturel ».

Aménager la forme scolaire

Il faut signaler ici la présentation du projet Archiclasse porté au ministère (DNE) par Christian Caron dont le site vient d’ouvrir il y a trois semaines. Si ce site est d’abord centré sur la transformation de l’architecture, on peut penser qu’avec les témoignages de ces deux journées, il s’ouvrira davantage à l’ensemble de la transformation du système scolaire. En effet, comme la table ronde à laquelle il a présenté le projet, au côté de Laurent Jeannin et de Eloisa Pérez, a été orientée en partie sur la question architecturale, la présentation d’Eloisa Perez nous a montré que non seulement il fallait des salles, mais que c’est aussi dans la manière de les occuper de les investir que se situe aussi un des aspects de la forme scolaire.

Aborder l’écrit en classe maternelle se traduit aussi par un agencement d’espaces et d’objets qui prennent sens dans les interactions qu’ils permettent avec les élèves, par les élèves. Cependant on est un peu frustré de ne pas avoir pu aller plus loin dans une analyse qui aurait pu montrer non pas le rêve des nouveaux établissements à construire (plus aisé de rêver sur des bâtiments à venir), mais bien les aménagements des centaines des milliers d’établissements qui sont encore là pour longtemps et qui portent la forme scolaire encore davantage (quoique) que les nouveaux.

Des initiatives pleines de promesse

La présence signifiante de Madame Becchetti Bizot a été bien au-delà du lancement de ce colloque. Que ce soit du fait de la présence du groupe (réseau ?) des interlocuteurs académiques du numérique (IAN) pour les Lettres, ou encore des nombreux échanges qu’elle a pu avoir avec les un(e)s et les autres, on sent combien l’initiative de ce colloque lui doit. Elle même nous a confié en tirer plein d’enseignements en particulier dans les échanges informels au cours desquels elle a pu réellement percevoir la relation que les enseignants présents ont avec l’école, leur mission et leurs interrogations sur la forme scolaire.

Au delà des critiques faciles et souvent dérisoires, il y a une perspective qui s’ouvre désormais. Certes le rapport sur la forme scolaire est « sage », mais la réalité des établissements lue et entendue ici montre qu’il y a une incompréhension large (et ce n’est pas nouveau, de Michel de Certeau en 1975 à Jean Houssaye en 2013 ou encore Béatrice Mabillon-Bonfils en 2018) entre un modèle de scolarisation ancien, une réalité sociale dérangeante et des initiatives pleines de promesses dans les établissements, les classes, et les académies (cf. celles de Dijon et Nancy-Metz-Strasbourg).

Enfin il faut saluer le travail des équipes de Canopé qui, dirigées par Sophie Fouace, ont réussi à mener à bien une organisation bien contrariée (pour la troisième fois) par les turbulences sociales. Les sourires ont largement dépassé les bâillements. Par contre, les bavardages ont parfois été le signe que la forme (amphi/salle de classe) atteint rapidement les limites d’attention et de concentration des participants surtout si les intervenants (magistraux) ne parviennent pas à capter leur auditoire comme ils le souhaitent. Comme Jean Houssaye (2013) le dit à propos du cours Magistral : « ‘il suppose résolu le processus d’apprentissage, une fois maîtrisé le processus d’enseignement. » A réfléchir et commenter bien sûr…

Bruno Devauchelle

EcriTech9 : l’article de JM Le Baut