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François Le Goff et Véronique Larrivé publient un nouvel ouvrage consacré à la didactique de l’écriture en cours de français. La question du « temps de l’écriture » y est posée comme centrale, tant le moment, la durée ou la régularité de l’écriture disent l’importance, la forme et le rôle que l’enseignant.e lui assigne. L’ouvrage s’attache à explorer, par l’exemple et l’analyse, des modalités de travail qui concourent à reconnaitre enfin l’élève comme sujet scripteur à part entière. Un ouvrage essentiel, voire crucial, au moment où se creuse dangereusement le fossé entre le savoir et le pouvoir, entre les didacticiens de notre discipline et ceux qui décident de son avenir.

D’une part, l’ouvrage montre les intérêts de « l’écriture de la variation » : selon ce dispositif, la séquence s’ouvre sur une première production écrite, amenée à être retravaillée au fil des lectures et des apports de langue. Dès lors, c’est l’écriture qui crée le désir de lire et le plaisir des mots. Exemples abordés : rédaction d’une métamorphose ovidienne ; invention de la matrice d’un conte ; liste poétique avec mise en espace, expansion, puis variante ; créations autour de la poésie de la résistance (lettre d’adieu, poème hommages, bibliothèque intime …) ; insertion d’un portrait de Balzac dans « Le père Goriot ».

D’autre part, l’ouvrage montre comment déployer « l’écriture de la réception » : il s’agit des « traces de lecture » partagées par l’élève, selon des formes et des supports variés, autorisant une expérience subjective de l’œuvre et engageant le sujet lecteur dans une démarche interprétative. Pistes tracées : « théâtre des lectures » autour d’une nouvelle de Romain Gary ; écriture d’un poème-palimpseste à partir d’un brouillon de Supervielle suivie de « cercles de lecture » invitant les élèves à échanger sur ces productions ; « journaux de lecteurs » que chacun enrichit au fil des œuvres et que l’on mutualise régulièrement en classe ; « journaux de personnages » divers qui favorisent immersion, empathie, réflexion.

Comment par l’écriture jouer en classe la « partition du savoir et du cœur » ? Les propositions de cet ouvrage sont particulièrement stimulantes, tant elles démontrent concrètement l’intérêt pédagogique de penser l’écriture comme processus plutôt que comme résultat. Au collège : rappelons l’invitation qu’ont lancée les programmes 2016 à y mener ces pratiques « en relation avec la lecture de différents genres littéraires dans des séquences qui favorisent l’écriture créative et la conduite de projets d’écriture. » Et au lycée ? Là aussi, là surtout, l‘enseignement du français tend, pour reprendre les mots de l’Inspectrice générale de lettres Anne Vibert, « à se figer dans une forme unique qui privilégie les lectures analytiques, conduites selon un modèle lui-même trop souvent uniforme, et limite l’écriture à une production écrite notée, généralement placée au terme de la séquence ». Puisse l’ouvrage de Françoise Le Goff et Véronique Larrivé inspirer non seulement les professeur.es de français, mais aussi ceux et celles qui s’apprêtent à exclure du lycée l’écriture créative, celle-là même qui pourrait aider à mieux construire les savoirs et les normes, dans leur mise à l’épreuve et jusque dans leur mise en tension.

Jean-Michel Le Baut

François Le Goff et Véronique Larrivé, « Le Temps de l’écriture. Écritures de la variation. Écritures de la réception », UGA Éditions (ELLUG) – Université Grenoble Alpes, 2018, ISBN 978-2-37747-026-6

Présentation en ligne

Un exemple d’écriture de la variation dans Le Café

Un exemple d’écriture de la réception dans Le Café

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