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« A l’étranger on a un autre logiciel. Et du coup on est complètement en retard ». Après la conférence internationale sur l’orientation des 8 et 9 novembre, le Cnesco publie le 11 décembre les préconisations de son jury présidé par Yves Dutercq. Tout en reconnaissant l’engagement des acteurs (enseignants, Onisep etc.), le rapport met en évidence un accompagnement insuffisant pour un jeune sur deux avec des inégalités sociales. C’est pourquoi le Cnesco demande un véritable engagement politique sur l’orientation. C’est à dire fixer à l’orientation des objectifs en terme de lutte contre les inégalités. Dans cet esprit, le Cnesco demande aussi d’axer davantage l’éducation à l’orientation vers la connaissance de soi et le développement d’une grande plateforme nationale par l’Onisep.

Inégalités devant l’orientation

L’orientation c’est à moitié plein, à moitié vide. Un jeune sur deux (18-25 ans), selon l’enquête réalisée par le Credoc pour le Cnesco , se dit satisfait de l’accompagnement de son établissement scolaire au sujet de l’orientation. Un jeune sur deux ne l’est pas. L’enquête auprès des jeunes montre encore que près d’un jeune sur cinq n’a pas eu le choix de son orientation.

Sur ces deux points le critère principal est social et genré. Les filles sont moins satisfaites que les garçons et plus soumises à des contraintes pour l’orientation. Les élèves quise définissent comme « pas de bons élèves » sont les moins satisfaits de l’accompagnement. Si dans les critères qui construisent l’orientation on voit l’influence des parents et de l’enseignant, les jeuens de milieu populaire affichent des contraintes beaucoup plus fortes. 71% des jeuens déclarent avoir écarté d’eux même une possibilité d’orientation qui les avait intéressée mais 78% des jeunes filles. Le contexte social pèse sur ces renoncements : 24% des enfants d’employés renoncent en raison de la durée des études contre 15% des enfants de cadres. Les études longues coutent cher et empêchent de gagner un argent nécessaire.

Parmi les éléments jugés nécessaires à la construction de l’orientation, la connaissance de ses propres envies arrive en tête chez les jeunes (58%). Or 37% considèrent qu’ils n’ont eu aucune formation à la connaissance de soi alors que 80% ont reçu une information sur les métiers.

Le rapport souligne les inégalités sociales dans le parcours d’orientation. « Les résultats de recherches (Bressoux, Lima & Rossignol, Cnesco, 2018) montrent que les élèves sont conscients que la réussite académique future ne dépend pas que du niveau scolaire actuel mais que l’origine sociale aura un impact, direct ou indirect ; surestiment le rôle de ces inégalités, ce qui les conduit donc à sous-estimer leur réussite académique future. Les recherches montrent également que les stéréotypes sont également présents chez les professionnels de l’orientation et peuvent ainsi renforcer l’autocensure des élèves », note le rapport. L’accès à l’information est aussi inégal puisqu’ilrepose largement sur les familles.

Seul un lycée sur trois organise les semaines de l’orientation

Une enquête menée par le Cnesco auprès de 1271 chefs d’établissement éclaire sur les politiques suivies sur le terrain en France. Seul un tiers des chefs d’établissement on mis en place les deux semaines obligatoires sur l’orientation en lycée. La moitié des proviseurs ont mis en place une semaine et les autres n’ont installé aucune « semaine ». Le contenu des semaines oscille entre des rencontres avec des professionnels, la visite d’événements extérieurs et l’aide à la recherche d’information. Dans 63% des lycées les psyEN n’ont pa spu rencontrer tous les élèves, ce qui n’est pas étonnant puisqu’on compte un psyEN pour 1200 élèves. C’est aussi le cas pour 58% des collèges.

Une politique à clarifier

Le Cnesco s’est aussi livré à une analyse des politiques scolaires sur l’orientation.  » Malgré de multiples réformes, la politique nationale d’orientation scolaire semble confuse et peu ambitieuse dans ses objectifs et instruments », note le Cnesco qui souligne  » une multiplicité d’acteurs en charge de l’éducation à l’orientation et une gouvernance qui se cherche entre national et local, avec des opérateurs et administrations déconcentrées peu pilotés »,  » un manque de visibilité sur la réalité des ressources humaines et des financements ».  » Les Services publics régionaux de l’orientation (SPRO) peinent à coordonner un ensemble large d’acteurs placés sous des tutelles et financements divers », note encore le Cnesco.

Dans ses préconisations, le Cnesco souhaite d’abord qu’on clarifie les objectifs de l’orientation. Cinq principes devraient guider la nouvelle politique d’orientation. D’abord apprendre à s’orienter plutôt qu’ « être orienté » : « ces politiques d’orientation visent non plus uniquement à aider à trouver à court terme une formation professionnelle, mais à apprendre à s’orienter dans le système de formation initiale puis tout au long de la vie pour ajuster au mieux ses compétences professionnelles ». Ensuite établir un continuum de l’éducation à l’orientation de l’enseignement scolaire à l’enseignement supérieur en démarrant dès l’école primaire avant que les stéréotypes s’installent. Dans le même souci d’équité, le Cnesco recommande que les actiosn aient lieu en classe entière pour limiter l’autocensure. Enfin il veut « favoriser l’interaction de l’école avec les autres parties prenantes : familles, collectivités

territoriales, entreprises, associations, ministère du travail ou de l’enseignement supérieur ».

Développer la connaissance de soi

L’éducation à l’orientation devrait développer la connaissance de soi, insuffisamment prise en compte en France.  » Des programmes sur la connaissance de soi doivent être déployés en trois temps : dans les collèges d’éducation prioritaire, dans un premier temps ; dans l’ensemble des collèges, dans un deuxième temps ; dans l’ensemble des écoles primaires, à moyen terme. Ces programmes peuvent se traduire par des activités de réflexion des jeunes sur ce qu’ils aiment, en articulant le scolaire et l’extrascolaire ».

Lutter contre les inégalités

Le Cnesco met en évidence la nécessité de donner une dimension sociale à l’éducation à l’orientation avec un programme de lutte contre les inégalités d’orientation. Cela commence par la déconstruction des stéréotypes dès l’école primaire et par un soutien renforcé pour les élèves défavorisés à l’image du programme Aimhigher en Angleterre.  » Le programme Aimhigher puis les programmes d’Outreach, favorisant la rencontre entre les universités et les lycéens ainsi que les périodes courtes d’immersion de ceux-ci dans des filières universitaires, a permis de rassurer certains élèves sur leur légitimité à faire des études supérieures. Le programme s’adresse également aux parents au travers des maisons de quartier. Pour les jeunes dont les parents ne sont pas allés à l’université, un travail pour développer leurs aspirations pour des métiers qualifiés et des études supérieures débutent dès le primaire », rappelle le Cnesco.

Enfin la création d’une plate forme nationale, à l’image de ce qui existe en Australie, qui rassemblerait les informations régionales et nationale, avec une entrée par territoire, est recommandée. L’Onisep pourrait la développer.

Dernières préconisations du Cnesco : le renforcement du parcours d’orientation en permettant des période d’immersion en entreprises et en favorisant l’accompagnement par les pairs.

 » Ces nouveaux services d’éducation à l’orientation innovants nécessitent davantage de formation des acteurs, une réflexion sur les moyens humains attribués aux territoires les plus défavorisés, des heures d’enseignement dédiées spécifiquement l’institution scolaire à l’orientation. Plus largement la gouvernance des politiques d’orientation nationale et locales doit être revisitée », note au final Nathalie Mons.

François Jarraud

Le rapport

Les deux journées de la conférence :

Quelle éducation à l’orientation ?

Comment améliorer l’orientation ?