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Pour en saisir le sens, on est a priori tenté de le situer dans le long fil de la question de l' » »école du socle commun ». Mais sans doute bien à tort. Et c’est ce qui est le plus préoccupant.

D’abord parce que cette proposition adoptée le 30 janvier dernier par la Commission de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le projet de loi  »Blanquer » a été déposée notamment par Cécile Rilhac (députée LREM) qui avait remis en août 2018 (avec la députée LR Valérie Bazin-Malgras) un rapport préconisant de créer un corps nouveau de directeurs d’école recrutés sur concours à qui seraient confiées des écoles de plus de 10 classes, les autres étant regroupées et confiées à la gestion des principaux de collège. A l’évidence, l’amendement reprend le deuxième volet de la préconisation faite en août 2018 par les deux députées dans leur rapport (qui ne se souciait nullement dans son ensemble de résoudre des problèmes de continuité entre le primaire et le collège dans le cadre d’une  »école du socle commun »)  » Le présent amendement vise à permettre le regroupement d’écoles avec un collège au sein d’un même établissement public local d’enseignement […] Cela permettra à de très petites écoles ( la moitié des 45000 écoles de France comptent moins de 4 classes) d’atteindre une taille critique rendant possible certains projets pédagogiques ainsi que des collaborations entre enseignants de cycles différents » est-il écrit dans  »l’exposé sommaire » de l’amendement.

Ensuite parce toutes les principales études qui se sont réclamées d’une  »école du socle » n’ont été nullement centrées sur la question des  »établissements publics » loin s’en faut. Par exemple, il est caractéristique que le premier numéro de la revue de l’AFAE ( l’Association française des acteurs de l’éducation) intitulé « l’Ecole du socle » (édité en juin 2012 ) n’en parle pas du tout, et que son deuxième numéro là-dessus, sorti en juin 2018 et intitulé  »Vers l’école de demain: les professeurs de l’école du socle commun », très peu.

Dans la même veine, on peut noter que le rapport de  »Terra Nova » de 2014 « Pour une école commune du cours préparatoire à la troisième » ( où l’on relève notamment les noms de Jean-Pierre Obin et de Claire Krepper) insiste surtout sur les questions de rapprochement entre le corps des professeurs des écoles et celui des certifiés (dans leurs formations et leurs fonctionnements) en préconisant sur le plan institutionnel des  »réseaux écoles-collèges » constituant des unités d’enseignement. Il ne recommande nullement de fondre école et collège dans une même structure: « le meilleur moyen d’aborder un aspect aussi complexe n’est sans doute pas de viser un stade administratif  »idéal » en créant ex-nihilo un nouvel établissement public rassemblant école et collège »

Enfin, le plus signifiant est l’absence de référence au  »socle commun ». Cela n’avait été nullement le cas (bien au contraire) pour la proposition de loi enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2011, « visant à créer à titre expérimental des établissements publics du socle commun  » (déposée par les députés Frédéric Reiss, Dominique Le Mèner, Jacques Grosperrin, Guy Geoffroy et Claude Greff ).

Exposé des motifs: « Les enseignements qui permettent l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences sont dispensés dans deux entités, l’école et le collège, qui sont distinctes administrativement et pédagogiquement. La création d’établissements publics du socle commun permettrait de mettre fin à ce hiatus et de favoriser la continuité pédagogique et la mutualisation des moyens. Le socle commun de connaissances et de compétences, défini par la loi du 23 avril 2005 et complété par le décret du 11 juillet 2006 est une avancée considérable dans la lutte contre l’échec scolaire. Ainsi le livret personnel de compétences s’inscrit dans le continuum pédagogique de 6 à 16 ans. La continuité éducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarité sera favorisée par des échanges d’enseignement entre le premier et le second degré ; des enseignants du second degré pourraient ainsi contribuer à l’apprentissage précoce des langues vivantes et des professeurs des écoles, véritables généralistes de l’enseignement, pourraient apporter leur expertise aux élèves ayant besoin d’un suivi individualisé en 6° et 5°, dans le cadre d’un PPRE (plan personnalisé de réussite éducative) ou non ».

L’amendement qui vient d’être retenu est à l’évidence nouveau, aussi bien dans son objet et son contenu que dans son libellé: « établissements publics des savoirs fondamentaux ». Quand on se rappelle les longues discussions et affrontements à propos du  »socle commun  »ou de la  »culture commune « , l’inscription dans la loi  »Fillon » d’avril 2005 du « socle commun de connaissances et de compétences » puis dans la loi  »Peillon » de juillet 2013 du  »socle commun de connaissances, de compétences et de culture » on ne peut qu’être sidéré de voir entrer ( par la petite porte) dans le projet de loi  »Blanquer » une référence aussi évanescente qu’étriquée: « les savoirs fondamentaux ».

Lors de la publication des quatre circulaires en date du 26 avril 2018, les recommandations pédagogiques faites avaient été présentées comme devant « faciliter l’apprentissage des savoirs fondamentaux: lire, écrire, compter, respecter autrui ». Et cela est devenu le mantra de l’actuel ministre de l’Education nationale. Ceci explique sans doute cela?

Claude Lelièvre

Dans le Café : La loi Blanquer impose l’école du socle