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Depuis son arrivée au ministère, JM Blanquer n’a pas fait mystère de sa volonté de revoir les congés scolaires. En saisissant fin juin le Conseil constitutionnel, le gouvernement vient de relancer ce débat déjà bien ancien sur les congés scolaires. Mais la France compte-elle réellement davantage de congés scolaires que ses voisins européens ? Les vacances d’été sont-elles particulièrement longues en France ?

« La certitude c’est qu’on doit mieux étaler le temps. Il ne faut pas seulement examiner le temps hebdomadaire des élèves mais le calendrier scolaire annuel.. La discussion permettra la formule la plus adaptée ». Dès juin 2017, devant les parents de la Fcpe, JM Blanquer relançait la question des congés scolaires. Un mois plus tard , dans le JDD, le ministre précisait :  » A chaque fois qu’on parle du rythme de l’enfant au 21e siècle, on doit se poser la question des vacances, qu’il s’agisse de l’été ou des vacances intermédiaires ». Puis encore en aout 2017 :  » Si vous prenez le cas des vacances de la Toussaint, qui durent depuis quelques années deux semaines, personnellement, ça m’a toujours semblé un peu long. D’autant plus que j’ai constaté que c’était un facteur de décrochage pour certains élèves au cours du premier trimestre » (sur BFM). En juin 2018 il revenait sur le sujet dans Le Figaro :  » Ça fait longtemps que je dis que l’on va devoir le poser (le problème des vacances scolaires NDLR) ». Puis en juin 2019 c’est cette saisine du Conseil constitutionnel qui aboutit à donner au ministre le droit de revenir par décret sur l’alternance régulière des périodes de cours et de congés et d’avoir des congés intermédiaires de durée variable.

Alors puisque la question des vacances est visiblement dans le calendrier ministériel, que sait-on vraiment des congés des jeunes Français ? Par chance, Eurydice, l’organisme statistique de la commission européenne, a publié « l’organisation de l’année scolaire en Europe« , un document qui permet de comparer l’organisation des congés dans 44 systèmes éducatifs européens (certains pays comme le Royaume Uni ou la Belgique comportent plusieurs systèmes éducatifs).

Des congés d’été plus courts que nos voisins

Pour autant a-t-on davantage de congés scolaires ? Par exemple, a-t-on des congés d’été particulièrement longs ? Eurydice relève chaque année la durée des congés dans les pays européens. Avec ses 7 semaines de congés d’été, la France fait partie des pays très raisonnables. Certes l’Allemagne, les Pays Bas et l’Angleterre se contentent de 6 semaines. Mais d’autres pays ont des vacances d’été nettement plus longues : 13 semaines en Albanie, Turquie ou au Portugal, 12 ou 13 en Italie et même 15 semaines en Bulgarie. Au total 35 systèmes éducatifs européens sur 44 ont des congés d’été plus longs que les notres. Sur ce terrain là l’exception française ce serait plutôt leur faible durée.

Des congés intermédiaires réguliers

C’est différent en ce qui concerne les congés scolaires intermédiaires. En France on compte 4 congés intermédiaires (automne, noël, hiver et pâques) de durée régulière (2 semaines). Mais 16 pays européens comptent moins de 4 séquences de congés intermédiaires, par exemple 8 pays n’en ont que deux. Et ces congés sont loin d’être réguliers. Ainsi en Belgique comme au Royaume Uni les congés d’automne et d’hiverne ne durent qu’une semaine. Si l’on prend les congés d’automne, 19 pays n’ont qu’une semaine de congés. Dans les autres pays cela varie de 2 jours (République tchèque, Serbie) à 3 semaines (Suisse) ou rien du tout pour 13 pays.

Une exception française menacée

Clairement la régularité française fait figure d’exception en Europe et c’est peut-être elle qui est dans le collimateur de JM Blanquer. Car, comme l’expliquait C Lelièvre dans un article publié par le Café pédagogique en 2017, cette régularité, selon un rythme 7-2, a été défendue par les chronobiologistes. Mais elle a eu beaucoup de mal à résister au lobby touristique. Et ce sont justement les vacances de Toussaint qui historiquement ont posé problème aux ministres.

Ainsi en 1986, JP Chevènement fixe un calendrier régulier avec 2 semaines à la Toussaint. Calendrier remis en question dès 1987 par René Monory, ancien ministre de l’industrie et du commerce… Plus récemment, en 1994, F Bayrou, un modèle pour JM Blanquer, réduit les congés de la Toussaint et crée un congé de quelques jours à l’Ascension.

Le problème du calendrier hebdomadaire

Mais la vraie singularité française est encore ailleurs. Il y a une certitude, donnée celle -ci par « Recommanded annual instruction time« , une autre publication d’Eurydice : la France fait partie des pays qui comptent le plus d’heures de cours en Europe. On compte en France environ 9000 h d’enseignement obligatoire alors que la moyenne européenne est de 7700. On a par exemple 4320 h de cours au primaire quand les Européens en ont en moyenne 2956 et 3784 h au collège contre 2956 en moyenne.

Mais on est aussi le pays qui compte le moins de jours de classe à l’école et au collège avec environ 162 jours (le calendrier officiel compte en semaines pas en jours) contre de 170 à 190 en moyenne en Europe. Ces deux phénomènes conjugués établissent des horaires scolaires particulièrement lourds pour les élèves et les enseignants qui ne sont pas pour rien dans les difficultés et les inégalités constatées dans le système éducatif français.

Dernière singularité française : la difficulté à changer les calendriers

Peut-on réellement changer les choses ? Visiblement JM Blanquer et le gouvernement y songent. Et JM Blanquer a déjà connu une tentative quand il était à la tête de l’enseignement scolaire sous Luc Chatel. Rappelons-nous. Septembre 2010, Luc Chatel ouvre la consultation nationale sur les rythmes scolaires en nommant un Comité de pilotage. Il fixe le calendrier de la réforme : propositions à la mi-janvier 2011 et remise d’un rapport d’orientation en mai 2011. Un délai qui permettrait des changements pour la rentrée 2012, après les présidentielles…

En septembre 2013, Vincent Peillon, aux prises avec l’opposition sur la semaine de 4 jours et demi, repousse la réforme des congés d’été. « Comme tous les Français l’ont observé, je suis en train de changer la semaine scolaire des enfants et cette réforme ne s’est pas faite en un an et va prendre deux ans. Lorsque nous aurons fini cette première réforme, nous commencerons les discussions pour lancer une autre réforme et voir les autres aspects du calendrier, dont l’année scolaire », avait-il dit.  » Pour autant, le ministère de l’éducation nationale confirme que des discussions s’ouvriront en 2015 quant à une évolution possible des rythmes scolaires annuels », affirme un peu plus tard un communiqué de la rue de Grenelle.

Et ça recommence en 2015. Avril 2015, N Vallaud Belkacem écarte l’idée d’une réduction des congés d’été. « Il ne s’agit pas de bouleverser la donne » dit-elle. « Le cadre légal actuel (36 semaines de cours) est le bon. On est allé le plus loin possible dans ce que permet le consensus », dit-elle. Juin 2017 : quelques semaines seulement après l’élection présidentielle, le ministre de l’éducation nationale ouvre à nouveau ce chantier. L’idée d’une année scolaire de 38 ou 40 semaines de cours, au lieu de 36, est relancée. Mais c’est surtout le rythme scolaire du primaire qui est modifié. On revient à très grande vitesse aux 4 jours de classe presque partout. Après l’avis du Conseil constitutionnel, une nouvelle étape semble se profiler.

François Jarraud