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Selon le sondage publié par le ministère le 7 janvier, seulement 11% des directeurs demandent clairement un statut. Par contre une grande majorité souhaite être aidée pour les tâches administratives et d’accueil. Le ministre devrait faire des annonces fin janvier ou début février. La question du statut pourrait revenir dans ces annonces pour les raisons évoquées ci-dessous.

Une fonction fort diverse

Pour Edouard Geffray, directeur de l’enseignement scolaire et Vincent Soetemont, le DRH du ministère de l’éducation nationale, le métier de directeur d’école reste un métier choisi dans 86% des cas même s’il est très divers. Les statistiques ministérielles nous disent que 47% des écoles comptent moins de 5 classes, 41% de 5 à 10 et 12% plus de 10 classes. Le sondage réalisé par la Dgesco du 13 novembre au 1er décembre reflète à peu près parfaitement cette diversité. 29 007 directeurs ont répondu selon le ministère, un chiffre probablement exagéré car le sondage était en libre accès et n’importe qui a pu y participer. Malgré cette réserve, il est probablement fidèle à l’opinion des directeurs.

La question du statut…

Le principal enjeu du sondage c’est la question du statut de directeur. D’une part une partie des directeurs d’école le demandent et ils ont le soutien d’un syndicat, le Sgen Cfdt. D’autre part on sait que le ministre y est favorable. Sur LCP, le 12 novembre 2018, il avait dit « Je présenterai une loi pour un changement du statut des directeurs d’école ». Cette loi a bien eu lieu. La loi Blanquer prévoyait de supprimer les directeurs pour faire diriger les écoles par les principaux de collège et un principal adjoint chargé des écoles, les écoles étant regroupées dans des EPSF. Finalement cet article a été retiré sous la pression du Sénat. Un rapport parlementaire, celui de V Bazin et C Rilhac demande aussi la création d’un corps de directeur d’école pour les grandes écoles. Ce rapport est loin d’être enterré. En octobre 2019 C Rilhac, avec le soutien de G Attal, tentait de relancer l’idée.

L’idée de créer un corps de directeurs à la tête d’un établissement public du 1er degré (EPEP) est ancienne. Lancée par F Fillon, elle a été poussée sans cesse par l’Institut Montaigne. En 2015 le rapport Leloup et Caraglia, deux inspectrices générales, évoque l’EPEP comme solution aux dysfonctionnements des circonscriptions du 1er degré. Mais début mars 2017, la ministre publie des « engagements » en faveur des directeurs pour alléger leurs taches administratives qui enterrent les Epep. Engagements annulés de facto par JM Blanquer quelques mois plus tard quand il supprime les emplois aidés administratifs dans les écoles. Jean-Michel Blanquer, dans son livre « L’école de demain », prend encore une fois position en faveur des EPEP et de directeurs qui soient de véritables chefs d’établissement. Du coté des professeurs des écoles des sondages contradictoires ont eu lieu montrant que les enseignants étaient partagés.

Le sondage publié le 7 janvier semble au moins clair sur cette question. Seulement 11% des directeurs d’école demandent un statut. Mais 87% des directeurs aimeraient pouvoir décider de l’utilisation des 108 heures qui restent aujourd’hui étroitement controlées par l’inspection. 56% seraient d’accord ou plutôt d’accord pour être associé à l’évaluation des enseignants sur la seule coopération au sein de l’école. Seulement 25% sont d’accord ou plutôt d’accord pour évaluer les enseignants dans tous les domaines.

… pourrait rebondir

L’enquête ministérielle met-elle un terme à cette question ? Probablement pas. D’abord parce que JM BLanquer y est favorable, qu’il a du céder sur les EPSF sous la pression mais qu’il a de la détermination. Cela se lisait dans les réponses de son entourage le 7 janvier. Si E Gefray reste prudent, Vincent Soetemont, DRH, soulève la question manageriale. « Un directeur a des responsabilités en terme d’écoute et d’animation des équipes. Faut-il le considérer comme un manager ? I faut poser la question du développement de ces compétences et cela passe par un statut ». A vrai dire les directeurs répondent à cette question dans une question ouverte où il s qualifient leur fonction : 2% parlent de management et 1% d’encadrement.

Surtout le ministère s’est bien gardé de publier les résultats de l’enquête par catégorie d’école. Il est possible que les 11% de directeurs favorables à un nouveau statut soient ceux des très grandes écoles. Dans ce cas le sondage pourrait être utilisé pour soutenir une proposition de loi reprenant le rapport Rilhac dont on nous disait en octobre qu’il était rédigé.

Ce que veulent les directeurs

Mais alors que veulent vraiment les directeurs ? Le drame du directeur c’est qu’il est accaparé par des tâches qu’il n’estime pas être au coeur de son métier mais qui lui prennent son temps. Les directeurs travaillent beaucoup : plu sde 30h hebdomadaires pour 20% d’entre eux, de 21 à 30 h pour 24%, de 11 à 20 h pour 46%. Rappelons que seulement 11% ont une décharge totale et 13% une demi décharge. Les autres ont presque rien et ces heures s’ajoutent au temps de classe et de préparation. Ces deux fonctions se télescopent sans cesse comme le montre le sondage.

Les directeurs passent la plus grande partie de leur temps à des taches administrative sou de suivi collectif des élèves alors que pour eux le coeur du métier c’ets el travail collectif et le pilotage pédagogique. Ce qu’ils demandent c’est de l’appui pour gérer les accès de l’école et le téléphone. L’enquête s’est bien gardée d’évoquer le harcèlement administratif qui pèse sur eux. Mais le ministère a annoncé en novembre un moratoire sur ce sujet qu’il promet de prolonger. Le sondage montre aussi que la moitié des directeurs n’ont suivi aucune formation continue pour ces fonctions.

Trois retours de bâton pour le ministre

Le sondage ministériel pointe donc trois points qui prennent à contre courant le ministre. D’abord sur le statut de directeur qui est très majoritairement rejeté alors que les sondages de ces dernières années étaient moins clairs.

Ensuite, sur l’aide administrative. JM BLanquer et le gouvernement d’E Philippe ont supprimé les emplois aidés. Cela a aggravé la situation des directeurs. La question revient maintenant très nettement dans le sondage. Visiblement le ministère ne s’engage pas. L’idée de faire appel à des jeunes du service civique qui avait été avancée supposerait un financement de l’Etat. Une aide administrative municipale serait probablement mieux acceptée par le ministère…

Enfin le sondage montre l’état d’abandon dans lequel sont laissés les directeurs par le ministère. Pas d’aide, pas de formation non plus. C’est le « débrouillez vous ». Il serait temps de prendre la fonction au sérieux.

F Jarraud

Une partie de l’enquête ministérielle