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Aurélie Sylvain est l’une des professeures des écoles qui présentent le programme Lumni sur France 4 dans le cadre de la Nation Apprenante. Enseigner n’est pas une nouveauté pour elle, mais enseigner face caméra, sans interaction avec les élèves et avec des milliers téléspectateurs, ça elle n’y était pas préparée… Et pourtant, à la voir à l’écran, on a l’impression qu’elle a fait ça toute sa vie…

Cela fait treize ans qu’Aurélie est devenue professeure des écoles dans l’académie de Créteil. Elle enseignait jusqu’en novembre dernier en classe de CM2 à l’école Saint-Exupéry de Maison-Alfort (94). Puis dans le cadre d’un remplacement, elle a été recrutée sur un poste de CPC – conseillère pédagogique de circonscription – pour la circonscription de Maison-Alfort-Saint Maurice. Depuis le confinement et l’école à la maison, elle travaille d’arrache-pied pour accompagner ses collègues dans la mise en place du dispositif de continuité pédagogique… dont elle constatait déjà les limites pour un nombre d’élèves qui avaient disparus des radars.

Coup de fil mercredi pour tourner dès le vendredi suivant

Alors quand son téléphone sonne mercredi 25 mars après-midi, elle est loin de se douter que c’est pour passer à la télé ! « J’ai été contactée par une collègue qui travaille à l’inspection générale et qui recherchait dans l’urgence une enseignante ou un enseignant pour la catégorie français CM ». Une véritable urgence puisqu’il fallait enregistrer une semaine d’émissions dès le vendredi suivant. Aurélie a demandé une heure de réflexion avant de donner sa réponse. Une heure qu’elle a mis à profit pour consulter ses proches, son mari et ses fils de 17 et 21 ans, mais aussi son inspectrice. « Je ne m’imaginais pas faire cela sans la consulter, je savais que cela allait impacter ma disponibilité sur la circonscription. Elle a été très à l’écoute et m’a encouragée à vivre cette expérience inédite ». Son inspectrice l’a d’ailleurs déchargée d’une partie des dossiers dont elle avait la responsabilité afin qu’elle puisse se consacrer pleinement à sa nouvelle mission. « Elle m’a beaucoup aidée et accompagnée dans mes réflexions sur la construction de mes séances d’apprentissage ».

Mais bien plus que tout cela, c’est la possibilité de toucher tous les élèves qui n’avaient accès ni à un ordinateur ni à internet, dont elle savait par expérience qu’ils sont les grands oubliés de la continuité pédagogique, qui l’a le plus incitée à accepter. « Dans ma circonscription, nous étions en plein questionnement sur la façon de toucher les élèves exclus de la continuité pédagogique, alors le fait de participer à un programme qui permette de les raccrocher m’a tout de suite motivée. Bien entendu, le programme touche tous les publics mais quand on prépare nos séances, c’est vraiment en ayant à l’esprit les élèves en difficulté ».

Un travail d’équipe pour la préparation des séances

Très rapidement, Aurèlie rencontre les deux enseignantes, l’inspectrice de circonscription ainsi que l’inspectrice générale de français avec lesquelles elle prépare les séquences de cinq séances. Un travail de préparation assez lourd qui empiète sur soirées et weekends. Et quand on l’interroge sur les possibles inquiétudes que l’on peut ressentir à l’idée d’être face caméra, elle avoue « je ne m’étais pas trop attardée sur cette idée. Comme nous sommes plusieurs enseignantes, je me disais que je n’avais pas forcément besoin d’être sur le plateau. Et ensuite, cela s’est fait assez naturellement ». Les trois professeures des écoles alternent les passages télé. « Au début, on avait prévu de construire toutes nos séquences ensemble, mais très vite, nous nous sommes rendu compte que c’était plus simple que chacune présente les séances qu’elle a préalablement travaillé ».

Animer une émission de télé, un vrai métier… loin de celui d’enseignant

Vendredi 27 mars, Aurélie se retrouve donc sur le plateau d’enregistrement de France 4 à Saint-Denis. Un décor dans lequel elle a peu l’habitude d’évoluer. « Tout cela est très déstabilisant. On m’a demandé d’apporter mon maquillage », crise sanitaire oblige, « et une maquilleuse, munie de cet étrange masque en forme de bec de canard, s’est occupée de me préparer. J’ai ensuite fait la connaissance de l’équipe composée du caméraman, de l’ingénieur son et du réalisateur. Ils étaient vraiment bienveillants ». Loin d’être à l’aise dans ce décor, Aurélie met du temps à trouver ses marques : parler à la bonne caméra, ne pas déborder sur le fond vert… Autant de gestes experts auxquels elle n’a pas été préparée lors de sa formation d’enseignante. « J’étais raide comme un piquet. Je me doutais qu’animer une émission est un vrai métier, que c’est tout un art, mais je n’imaginais pas que cela serait si laborieux ». Pourtant, Aurélie s’en sort très bien. « Ça s’est finalement assez bien passé car j’ai eu la chance d’être accompagnée par l’IEN de l’équipe qui m’a beaucoup encouragée. Sa présence m’a été très précieuse ». Aurélie insiste sur le fait qu’une seule d’entre eux passe à l’écran, certes, mais c’est le fruit « d’un gros travail d’équipe ».

Une situation de classe irréelle, très virtuelle

Bien entendu, Aurélie reconnaît les limites de cette forme d’enseignement. « Clairement, c’est une situation d’enseignement très particulière puisqu’il manque toutes les interactions que l’on a habituellement avec les élèves. Des interactions qui alimentent les séances d’apprentissage. Lorsque l’on rédige une fiche de préparation, on essaie déjà d’anticiper les interrogations et les difficultés que nos élèves peuvent rencontrer. Mais sans relance, sans interactions, c’est une situation très étrange. Surtout lors de la première émission, où nous ne sommes pas à l’aise, où l’on nous demande de nous adresser aux élèves au travers de la caméra… C’est un peu irréel, c’est virtuel… Mais les gestes professionnels reviennent tout de même assez vite même si le format impose un certain nombre de contraintes comme le temps et un certain nombre de procédures avec moins de situation de recherche… ». Aurélie, comme ses collègues, imaginent donc des séances assez identiques à ce qu’elles pourraient faire en classe mais en explicitant plus, pour lever le moindre implicite.

Alors en attendant de retrouver les bancs de l’école, les élèves de CM peuvent retrouver Aurélie et ses collègues sur la chaîne France 4 dans la cadre du programme Lumni. Aurélie sera sur nos écrans toute la semaine du 4 au 8 mai pour présenter la séance d’études de la langue en Français.

Lilia Ben Hamouda