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« Je veux laisser le maximum de souplesse au terrain ». En présentant le plan de déconfinement devant l’Assemblée le 28 avril, le premier ministre Edouard Philippe s’est bien gardé de trancher toutes les questions pendantes concernant l’éducation. Il a validé le plan Blanquer dans ses grandes lignes sauf pour les lycées qui ne rouvriraient pas avant juin. Les enseignants du premier degré seront les premiers à rentrer, ce qui interroge sur la finalité d’une décision pourtant présentée comme appuyée sur des considérations médicales.

Ecoles et collèges réouverts mais pas les lycées

« Jamais dans l’histoire de notre pays nous n’avons connu une telle situation », a déclaré Edouard Philippe le 28 avril devant l’Assemblée. Il a donné les grandes lignes des mesures de déconfinement.

Pour l’éducation, le premier ministre annonce la réouverture progressive des écoles à partir du 11 mai partout et « sur la base du volontariat » sans qu’on sache s’il s’agisse de celui des seuls élèves et/ou aussi des enseignants. A partir du 18 mai, les collèges rouvriraient en commençant par les 6èmes et les 5èmes. Une décision sera prise fin mai sur la réouverture des lycées. Si elle est positive les lycées professionnels ouvriront en premier.

Des masques et pas plus de 15 élèves par classe

Sur les conditions matérielles de cette rentrée, E Philippe confirme le chiffre d’un maximum de 15 élèves par classe, avancé par JM Blanquer. « Tous les enseignants et encadrants seront masqués ». Les masques seront fournis. Le port du masque sera obligatoire pour les collégiens. Il sera prohibé en maternelle. En élémentaire des masques pédiatriques seront fournis aux écoles pour les cas exceptionnels (enfant malade par exemple).

Tout le reste sera à définir localement. « Je veux laisser le maximum de souplesse au terrain », a dit le premier ministre. « Les directeurs et les collectivités trouveront les solutions ».

S’agissant des crèches, qui vont rouvrir aussi avec une réduction du nombre d’enfants accueillis, E Philippe a précisé que les enfants de professeurs seront prioritaires.

Reprise graduelle de la vie sociale

Concernant la vie quotidienne, il a précisé que les commerces (jusqu’à 40 000 m²) pourront rouvrir avec des règles de distanciation. Les bars et restaurants ne rouvriront pas avant fin mai. Les cinémas, théatres, concerts ne rouvriront pas avant juin. Les grands événements (5000 personnes et plus) ne seront pas autorisés jusqu’en septembre.

Les transports en commun vont reprendre mais les masques seront obligatoires. Au-delà de 100 km les déplacements seront soumis à un motif familial ou professionnel sérieux. Il est donc trop tôt pour savoir quelles seront les conditions des vacances.

Pourquoi déconfiner ?

Edouard Philippe a longuement cherché à justifier ses décisions en s’appuyant sur les données médicales. Il a essayé de justifier le manque de masques en remettant la responsabilité sur les experts. Il a rappelé qu’il y a encore 4600 personnes en réanimation, ce qui représente à peu près la moitié des lits spécialisés disponibles et que le personnel médical est à bout. Il a aussi dit qu’une deuxième vague est à craindre. Et que « nous allons vivre avec le virus. Il va continuer à circuler ».

Pourquoi déconfiner ? « Un confinement prolongé aurait des conséquences gravissimes », a dit le 1er ministre. « La perturbation durable de la scolarisation, l’extrême limitation de la liberté présenteraient pour le pays le risque de l’écroulement ». Le déconfinement sera donc accompagné du respect des gestes barrières auquel s’ajoutera le port du masque.

Il entend donc déconfiner de façon progressive sur le plan des étapes : 11 mai puis un point au 2 juin pour éventuellement aller plus loin. Le déconfinement sera aussi gradué géographiquement. Avant le 11 mai, une carte indiquera l’état sanitaire de chaque département. Elle indiquera si le déconfinement est possible ou non. Il est probable que le système dure au-delà du 11 mai et accompagne les mesures.

Il a jugé qu’il était trop tôt pour statuer sur l’application Stop Covid mais il en poursuit le développement. En attendant sera mis en place un système d’isolement obligatoire des malades et des cas contacts. E Philippe annonce 700 000 tests par semaine en France soit assez pour tester les malades et leurs contacts. Des personnels seront embauchés pour effectuer la recherche des cas contacts. Le retour à la vie sociale se fera donc encore dans un climat particulier éloigné de la normale.

Pourquoi la rentrée scolaire ?

Restent les incohérences. En Belgique comme au Luxembourg, la rentrée se fait en commençant par les plus grands. Les plus petits ne rentrent pas ou, pour les élèves des écoles élémentaires, ne rentrent qu’un ou deux jours par semaine. En France c’est l’inverse : les plus grands ne rentrent pas . Seuls les plus petits rentrent.

Pour le premier ministre cela s’explique par le fait que les plus jeunes sont moins malades et moins contagieux. C’est pourtant le raisonnement inverse qui est tenu ailleurs où on voit bien que les plus jeunes sont moins capables d’effectuer les gestes barrières et ont des échanges beaucoup plus fréquents et étroits avec leurs camarades et les adultes. Ceux-ci sont aussi plus longuement en contact avec eux. Et on sait bien que limiter ces contacts non seulement serait très difficile mais aussi en contradiction avec les instructions. Les petits viennent à l’école avant tout pour avoir des contacts sociaux.

On note alors le grand absent de ce discours mais présent dans chaque décision prise. La reprise est d’abord une reprise économique. Les plus grands peuvent suivre le téléenseignement puisqu’on peut les laisser sans garde. Ce n’ets pas le cas des pus petits qui doivent être gardés pour libérer leurs parents dès lors que ceux-ci ne peuvent travailler à distance. D’où aussi la règle du volontariat.

Il n’est pas absurde de tenir comte de l’impératif économique. Les enseignants sont capables de le comprendre. Le gouvernement ne semble pas capable de le dire.

François Jarraud