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Alors que les institutionnels et les startups sont réunis à Poitiers pour les Etats généraux du numérique, les 4 et 5 novembre, la Fsu publie un sondage qui éclaire la perception du numérique par les personnels et en montre le coût social. Valérie Sipahimalani, membre du bureau fédéral de la Fsu, éclaire les objectifs et les enseignements de ce sondage.

Pourquoi avoir choisi de réaliser ce sondage sur le numérique dans l’éducation nationale en ce moment ?

On a été invités par le ministère à donner notre avis pour les Etats généraux du numérique. On avait demandé une consultation du personnel de l’éducation nationale. Mais on n’a pas été entendus. On a donc réalisé notre consultation.

Il est important qu’à travers ce sondage les personnels de terrain, qui sont les grands absents des Etats généraux du numérique, s’invitent dans le débat. On participe ainsi à ce que seraient de vrais Etats généraux, des EGN qui ne seraient pas coupés de la réalité.

Le sondage montre que si le numérique est un outil du quotidien il ya toujours des soucis d’équipement par exemple. L’institution ne répond pas aux besoins. L’enquête montre aussi les usages du numérique. Certains collègues disent qu’ils aiment ce qu’ils font mais qu’ils ne s’en sortent que grâce aux compétences qu’ils ont acquises hors de l’Education nationale ou à des personnes ressources qui n’appartiennent pas à l’institution scolaire. L’institution ne se préoccupe pas de la capacité de répondre aux injonctions qu’elle donne. Les collègues disent à 77% qu’ils pourraient être consultés sur les outils numériques mais on ne leur demande pas leur avis.

Ils disent aussi que le numérique a des effets négatifs…

La grande majorité dit que le numérique a changé le métier et pas forcément pour le pire. Mais ce que disent aussi les enseignants c’est la montée de la charge de travail et l’effacement de la séparation entre vie professionnelle et vie personnelle. Ils parlent aussi des injonctions à propos du numérique en particulier dans le 2d degré (72% des enseignants).

il faut se rappeler C Renon. Envoyer un mail ne prend qu’une minute à un supérieur hiérarchique. Mais lui répondre peut prendre des heures. Il y a bien un déni de réalité sur la charge de travail générée par le numérique.

Il y a un énorme point noir sur l’équipement avec des machines obsolescentes et un manque de maintenance. Souvent on veut mettre en place un scénario pédagogique et ce n’est pas possible. Il faut réfléchir davantage à l’adéquation entre l’équipement et les missions des personnels. Il y a aussi des territoires en déshérence numérique comme la Guyane. Il y a de nombreuses « zones blanches » qui existent encore.

Le discours du ministère est inadapté à ces réalités ?

Le ministre a une vision « baguette magique » du numérique quand les enseignants le voient comme un outil quotidien avec du positif et du négatif. Un outil mais aussi un boulet. Il est intéressant de voir que la moitié des personnels considère que la communication par mail ne permet pas un travail convenable avec les parents. Rien en remplace la présence en vrai. Et la communication par mail doit s’apprendre.

La Depp (division des études du ministère NDLR) dit que les parents sont satisfaits du confinement. Mais une majorité des personnels trouve que l’outil numérique n’a pas été efficace pendant le confinement (64%).

Vous attendez quoi du ministre ?

On aurait aimé qu’il anticipe une éventuelle fermeture des écoles. Que soient mises en place les modalités de l’enseignement à distance. Et on se retrouve en fait dans la même situation qu’en mars dernier. Aucun bilan du confinement n’a été fait. Il n’y a pas eu de retour d’expérience de cette période très riche pour le numérique éducatif. Sur le terrain on réfléchit à ce qui s’est passé. Mais ça n’intéresse pas. On est aussi maintenant face aux mêmes difficultés matérielles qu’en mars pour les équipements ou la formation. L’attente des personnels ce n’était pas les Etats généraux du numérique…

Propos recueillis par F Jarraud