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Le 4 novembre, le ministre (en vidéo), des cadres de l’éducation nationale, des startups, des experts, ont ouvert à Poitiers les Etats généraux du numérique organisés par le ministère. A quelques kilomètres de là, une centaine de professeurs, chercheurs et quelques politiques ont fait de la résistance. Pas au numérique mais à ce numérique éducatif officiel. Il a été question de solidarité, de fabriquer des communes, de la transformation du travail enseignant. Des questions qui concernent les professeurs mais sont évitées à Poitiers…

Un contre forum face aux Etats généraux

« Le cheval fou du numérique entraine une transformation majeure des approches culturelles de notre société », estime Dominique Bucheton, vice-présidente de l’Afef, l’association qui a organisé ce forum alternumérique. Le forum est virtuel mais les organisateurs sont à quelques kilomètres à peine des projecteurs et des beaux plateaux des Etats généraux du numérique organisés par le ministère de l’éducation nationale. Mais ici on est entre professeurs et chercheurs auxquels se sont adjoints quelques politiques comme les députés LFI Sabine Rubin et Anne-Sophie Pelletier.

Le 4 novembre au matin, sous la houlette de Dominique Bucheton, le forum réfléchit à ce qu’entraine l’arrivée du numérique dans l’enseignement, ce que veut dire la fracture numérique et en quo le numérique transforme le travail , un point important du sondage réalisé par la FSU et publié par le Café pédagogique le matin.

Construire le commun face au Learning Analytics

« On a le choix aujourd’hui entre un numérique commercial et individualiste et un numérique libre et contributif », affirme Philippe Meirieu. Il s’oppose à la conception, très mise en avant aux Etats généraux, d’un numérique individualiste. « C’est la conception d’une instruction individualisée avec les Learning Analytics : l’idée qu’on pourrait se passer de l’école en analysant le fonctionnement cérébral de chacun et mettre en oeuvre des systèmes individualisés d’apprentissage, chacun apprenant devant son écran ».

Face à cette « dérive » ou cette « songerie », P Meirieu oppose l’idée que l’école sert à construire du commun et à activer des solidarités. Il critique aussi « l’horizontalité » du numérique. « Le numérique donne le sentiment d’accéder à toutes les informations possibles mais passe à la trappe l’exigence de précision et de vérité qui est au fondement de la pensée critique. Il faut réintroduire dans cette horizontalité cette exigence et c’est à l’école de le faire ».

Rodrigo Arenas, co président de la Fcpe, rappelle que l’intelligence artificielle (IA) « nous enferme dans un monde qui renvoie à l’historique de navigation. C’ets l’outil qui nous maitrise ».

Ne pas se laisser déposséder de son métier

Cette dimension est abordée aussi par Stéphane Crozat, enseignant chercheur à l’UTC, pour qui les outils des Gafam « déterminent ce qu’on fait ». Il est vain pou rlui de croire qu’on peut plaquer nos souhaits d’usage indépendamment de la couche technique développée par eux.

Ces Gafam échappent à la législation nationale. Pour lui il faut former les enseignants et se donner le temps nécessaires pour penser le numérique éducatif.

Stéphane Crozat répond aussi aux interrogations de D Bucheton sur les effets du numérique sur le travail enseignant. « Le numérique entraine une prolétarisation y compris des enseignants »,dit-il. « Une partie de la résistance au numérique c’est la préscience de cela. Les enseignants sentent qu’il y a une dépossession de leurs savoir faires. A un moment donné l’enseignant est plongé dans un autre dispositif que la classe dont il connait mal les codes. Du coup il découvre qu’il n’a accès qu’à une partie de ce qu’il sait faire ».

Réunir des conventions d’enseignants

Ce sujet est développé par Adrien Martinez, un professeur des écoles de Gironde. « Le numérique est utilisé pour que l’on rende compte de notre métier selon les critères définis par l’employeur. On le voit par exemple avec les évaluations de CP et Ce1. Il y a un vrai conflit subi lié au numérique et à la conception même de l’éducation par l’institution. On va vivre avec des outils personnalisant les apprentissages, avec un numérique renonçant à la démocratisation ».

Pour Viviane Youx, présidente de l’Afef, interrogée par le Café pédagogique, l’Alterforum a été l’occasion de réfléchir à ce que nous impose le numérique. « C’est aussi un moyen dont il faut se saisir pour transformer le métier ». L’Afef appelle à mettre en place des conventions d’enseignants pour penser le numérique éducatif et à créer des espaces pour cela dans les établissements. Le message va t-il atteindre les Etats généraux ?

François Jarraud