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Nouveau référentiel ou pas, réforme de la formation ou pas, ce qui est le plus frappant chez les nouveaux enseignants c’est qu’un pourcentage considérable d’entre eux ne sont pas passés par les Inspe. C’est un des points forts de la nouvelle étude de la Depp sur les admis aux concours d’enseignants. Le corps enseignant souvent présenté comme un monolithe est en fait très divers. Ce qui n’est pas sans poser problème.

Dans le premier degré le poids des secondes carrières

Dans une nouvelle Note, la Depp analyse le parcours des 26 240 candidats reçus aux concours de recrutement 2019. 26 240 nouveaux enseignants qui intègrent un corps unique mais avec des bagages et un vécu très différents.

Intéressons nous d’abord à l’enseignement public, le privé ayant des caractéristiques propres. Alors qu’il y a des encouragements à former ensemble les candidats au 1er et 2d degré, on observe une forte différence entre eux.

Dans le premier degré, les étudiants des Inspe fournissent la majorité des lauréats du concours externe de professeur des écoles (PE) : 60% précisément. On ne compte que 6% d’étudiants hors Inspe. Les Inspe restent la voie royale avec d’ailleurs un taux de réussite (36%) très supérieur aux autres voies. Mais à coté de ces étudiants on compte déjà 26% de lauréats qui étaient sans emploi ou dans un emploi hors éducation nationale. Ceux-ci sont nettement plus âgés. Si les étudiants des Inspe ont 25 ans en moyenne, ces personnes qui entament une seconde carrière dans l’enseignement ont en moyenne 35 ans.

Dans le second degré, les Inspe ne sont plus la voie royale

Dans le second degré, aux concours externes on ne compte plus que 45% de lauréats issus des Inspe. La majorité des lauréats viennent d’ailleurs. 16% des lauréats ont suivi d’autres études. Cela ne les empêche pas de réussir aux concours: leur taux de réussite est presque identique à celui des candidats venant de la voie royale pour se préparer au métier enseignant.

Eclatement aussi entre les concours du second degré. Si la majorité des lauréats au capes sont des étudiants en inspe (55%), deux lauréats sur trois à l’agrégation ont suivi d’autres études. Les étudiants hors Inspe représentent 40% des reçus et les ENS 26%. Seulement 1% des reçus viennent des Inspe.

La part des secondes carrières et chômeurs varie aussi selon les corps du second degré. S’ils représentent 15% des lauréats du capes, c’est 8% pour l’agrégation et 23% de ceux du Caplp, 20% pour le capet.

Les taux de réussite soulignent cette situation. La meilleure façon d’être reçu à un concours externe d’enseignant du 2d degré ce n’est pas de passer par une Inspe. 67% des candidats venus des ENS sont reçus (à l’agrégation), 29% pour les étudiants hors Inspe et 30% (à peine plus) pour ceux qui sortent des Inspe. Il y a des disciplines où il vaut mieux ne pas passer par l’Inspe. 42% des reçus dans les disciplines scientifiques sont étudiants hors Inspe contre 41% pour les Inspe.

On observe aussi un écart d’âge encore plus grand entre les candidats. Les étudiants des Inspe ou hors Inspe ont 25 ans. Les secondes carrières 38 ans.

Les concours un élément de carrière ordinaire dans le privé

Dans l’enseignement privé l’origine des lauréats est encore différente. Dans le second degré la majorité des admis proviennent des concours internes, alors que ceux ci sont très minoritaires dans le public et le premier degré du privé. Mais même au concours externe, il y a plus d’enseignants en poste qui sont reçus au concours que d’étudiants en Inspe. La part des secondes carrières est par contre plus faible que dans le public. Le résultat c’est que les admis du privé sont plus âgés que ceux du public en moyenne. Cela veut dire que le concours n’est qu’une étape d’une carrière qui commence par vacataire. Et que les concours du privé ont encore plus de mal à recruter que ceux du public.

Concours en panne

Dans le second degré la part des étudiants dans les admis aux concours interne et externe ne cesse de diminuer. ils sont maintenant minoritaires. La part des personnels de l’éducation nationale (surveillant, contractuels etc.) ne cesse d’augmenter. Ils pèsent aujourd’hui presque autant que les étudiants.

Ces évolutions disent beaucoup de choses sur le métier enseignant. D’abord elles reflètent la crise du recrutement. De 2018 à 2020, le nombre d’inscriptions aux différents concours du Capes externe a baissé de 14 %. C’est particulièrement vrai dans certaines disciplines comme les maths (-17%), les SVT (-15%), l’allemand (-17%). Le concours s’ouvre à de nouveaux profils ou recrute au sein de l’éducation nationale.

Des interrogations sur la formation

On sait aussi, depuis Talis, que la formation des enseignants a d’autres caractéristiques. Les enseignants français sont moins formés à la pédagogie et aux pratiques de classe : seulement 66% d’entre eux contre 79% en moyenne dans l’OCDE. Les enseignants français sont aussi parmi ceux qui expriment le plus leur manque de formation pédagogique : 50%. « Il faut noter également qu’en France, seulement 55% des enseignants ont été formés à la gestion des comportements des élèves et de la classe au cours de leur formation initiale, ce qui est nettement en dessous de la moyenne de l’OCDE (72%). Ils sont encore moins nombreux (22%) à se sentir bien ou très bien préparés dans ce domaine à l’issue de leur formation initiale », affirme l’OCDE. Ils sont aussi parmi ceux qui sont le moins suivis dans leurs premières années

Tout cela interroge la formation initiale et continue. A quoi bon réformer les Inspe quand la moitié des admis ne sont pas des étudiants en Inspe ? Que veut dire ce concours qui admet autant de personnes n’ayant pas suivi la voie normale de formation ? Comment donner une formation solide à des personnes qui ne sont pas étudiantes, sont nettement plus âgées, et ont d’autres contraintes que les étudiants ? Comment est-il possible qu’à un concours d’enseignant du second degré la formation dominante ne soit pas celle des Inspe ? Quelle place doit prendre la formation continue quand la formation initiale n’est pas aussi suivie qu’on pourrait le croire ? Comment empêcher la montée très rapide des démissions dans les premières années d’enseignement dans cette situation ? Quel rapport entre la dévalorisation du métier enseignant et la montée d’un recrutement de plus en plus interne à l’éducation nationale ?

François Jarraud

L’étude