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Interrogée par la commission de l’éducation du Sénat le 2 décembre, Nathalie Elimas, secrétaire d’Etat à l’éducation prioritaire, entretient le flou sur les moyens donnés à la réforme des Rep. Rien n’est clair : ni le critères d’entrée dans la nouvelle éducation prioritaire, ni l’existence même de moyens supplémentaires pour les expérimentations. L’hypothèse d’économies réalisées sur le dos de l’éducation prioritaire sort renforcée de cette audition.

N Elimas et le Sénat

Nathalie Elimas pouvait arriver confiante devant la commission de l’éducation du Sénat. Son président, Laurent Lafon, a rédigé en octobre 2019, avec Yves Roux, un rapport qui a inspiré, avec le rapport Mathiot-Azéma, la réforme ministérielle. Il a notamment inventé d’indice d’éloignement comme critère d’affectation des moyens afin de favoriser les écoles rurales face aux écoles des quartiers. Le rapport Lafon Roux est aussi pour conserver les Rep+ mais délabelliser les Rep et les remplacer par une affectation graduée de moyens dans le cadre de contrats locaux. Toutes idées qui fondent le projet ministériel.

Pourtant l’audition de la ministre a pointé de nombreuses zones de flou dans son projet. Bien qu’acquis à la délabellisation, Jacques Grosperrin (LR) a pointé que la réforme arrive trop tard (« en septembre ce sera votre première et dernière rentrée ») et la question des moyens. Céline Brulin (PC) rappelle qu’une centaine de maires dénoncent le risque d décrochage des quartiers populaires. Elle souligne l’absence de la notion de réseaux dans le projet ministériel, chaque établissement passant un contrat d’accompagnement avec le rectorat. Marie Pierre Monnier (PS) rappelle la réaction négative de l’OZP, une association d’acteurs incontournable. « J’ai le sentiment que cette expérimentation met en concurrence les quartiers et le rural, alors que ce sont deux problématiques différentes », dit-elle. Pour Sylvie Robert (PS) sans moyens supplémentaires la réforme « va déshabiller Paul pour habiller Pierre ». Paradoxalement ce sont deux élus de l’opposition, S Piednoir et M Brisson (LR) qui soutiennent l’expérimentation.

Désamorçage

La ministre a semblé vouloir gagner du temps. « A ce stade et même pour la rentrée 2021, nous ne toucherons pas à la carte des Rep et Rep+ », dit-elle à plusieurs reprises. Elle promet le lancement de l’expérimentation dans trois académies en septembre 2021 et une évaluation au printemps 2021. ce qui repousserait une éventuelle généralisation à la rentrée 2022, autrement dit pour le ministre suivant. La liste des établissements concernés par l’expérimentation sera connue en janvier 2021.

Elle a justifié la réforme par la volonté d’introduire « plus de progressivité » avec « une analyse plus fine du terrain » et de faire entrer des établissements ruraux enclavés et des LP dans la nouvelle politique. Les contrats seraient liés à des objectifs « d’élévation du niveau général » des élèves.

Elle a présenté les critères pour faire partie de la nouvelle politique. Il y aura des critères spécifiques à l’établissement comme l’indice d’éloignement, des critères sociaux (pcs, bourses), des critères liés au personnel enseignant (% de titulaire, ancienneté) et des critères « propres aux académies » : climat scolaire, décrochage, équipement sportif.

On passe donc d’une politique de lutte contre les inégalités sociales à un ensemble très flou qui va permettre d’inclure dans cette politique des établissements qui ne sont pas des ghettos sociaux mais qui sont en zone rurale ou des établissements peu équipés ou ayant peu de titulaires. Ces dernières catégories concernent particulièrement des établissements catholiques. On se rappelle que le secrétaire général de l’enseignement catholique a déclaré que JM Blanquer lui a confirmé l’entrée d’établissements privés dans la nouvelle politique d’éducation prioritaire.

Enfumage

La secrétaire d’Etat n’avait pas grand chose à dire sur la disparition des réseaux si ce n’est dire que les nouveaux établissements entreront dans des réseaux. Mais sans politique nationale et avec des établissements choisi pour leur éloignement, on se demande ce que le mot réseau veut dire.

Sur le financement de la réforme, la ministre a tenu des propos contradictoires. « On fonctionne à moyens constants » a répété à deux reprises N Elimas. Tout en ajoutant : « il va y avoir des moyens spécifiques pour l’expérimentation » : formations, crédits pédagogiques, DHG.

C’est suffisamment vague pour que le Snalc publie un communiqué où il considère que les moyens constants « disqualifient l’ensemble du projet » et demander « l’abandon immédiat de cette expérimentation ».

Le projet ministériel amènera bien un transfert des moyens éducatifs des ghettos sociaux vers des établissements qui n’ont pas les mêmes urgences mais qui auront un poids politique local plus important. N Elimas a du visiblement du mal à défendre une politique qui est en rupture avec l’Etat social depuis 40 ans.

François Jarraud

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