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« Il y a unanimité sur la demande d’anticiper ». Face à l’immobilisme du ministre devant la montée de la seconde vague, les syndicats enseignants (sauf FO) se sont mis d’accord sur une plateforme commune de revendication. Benoît Teste, secrétaire général, évoque les défis liés à la crise sanitaire et les moyens qui sont nécessaires pour les relever.

Les syndicats enseignants se sont pour une fois mis d’accord. Et c’est sur la question sanitaire. Pourquoi ?

C’est le seul élément qui fait unanimité. Ni le Sgen Cfdt, ni l’Unsa ne participeront à la grève du 26 janvier. Ils ont une appréciation différente des modalités d’action sur les questions des postes et des salaires. Mais sur la crise sanitaire il y a une volonté commune de s’exprimer. Pour moi il est intéressant que l’unanimité se fasse sur la nécessité d’anticiper la situation.

On tient aussi à rappeler que nous sommes pour maintenir les établissements scolaires ouverts. Ce n’est pas le gouvernement qui se bat pour cette ouverture. Bien au contraire. Si nous n’étions pas intervenus pour obtenir un minimum de précautions les lieux scolaires seraient moins ouverts qu’aujourd’hui. Bien que la situation sanitaire puisse se dégrader, le ministère ne fait pas tout. Sur l’aération des locaux peu a été fait à part dire de laisser les fenêtres ouvertes ce qui en hiver devient compliqué. On aurait pu doter les classes de détecteur de CO2.

Comment expliquez vous l’unanimité syndicale sur cette question ?

C’est que l’inquiétude est très forte sur le terrain. Et les syndicats veulent y répondre. On veut la faire remonter et cela nous aide d’être unitaires. Cela n’a d’ailleurs pas que des conséquences positives. Du cout des dossiers importants passent au second plan comme les salaires, les postes, la loi 4D, la réforme de l’éducation prioritaire. Le gouvernement profite de la crise sanitaire pour faire passer ces réformes. Nous ferons grève le 26 janvier contre elles.

L’arrivée du variant anglais joue également ?

Oui. L’inquiétude est grande car il se répand plus vite et chez les jeunes comme vecteurs voire comme malades. Il remet encore plus l’Ecole au centre des regards sur la circulation du virus. Le ministre dit qu’il faut surveiller les écoles et c’est bien ce qu’il faudrait faire. Mais on est échaudé par ses déclaration. Quelle surveillance se met réellement en place ? Celle des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité ?

Les enseignants ont besoin de pouvoir se projeter sur l’année scolaire. Or depuis un an on est dans l’incertitude. Aujourd’hui tout le monde voit que la situation risque de se dégrader.Et on est inquiet car rien n’est anticipé. Si on referme demain, les écoles seront dans les mêmes difficultés qu’en mars. Certes il y a des milliers d’heures de cours enregistrées. Mais ce n’est pas ce qu’on demande. La vraie question c’est comment on fait pour enseigner, quels outils, quelle coordination, quels objectifs. Faut-il continuer à avancer dans le programme ou pas ? Faut-il évaluer ? Chacun va se débrouiller à nouveau comme pendant le premier confinement. Il n’y a pas eu non plus de recensement des besoins des élèves en matériel et connexions. Les moyens qui existent ne sont pas mis en regard des besoins.

Pourquoi cet immobilisme ministériel ?

Il y a une forme de négation des difficultés de l’éducation en général. La crise est utilisée par le ministère pour développer un discours sur le thème du « on peut faire mieux avec moins de moyens ». Ca a un coté positif : le volontarisme. Mais cela laisse penser qu’on peut fonctionner sans moyens supplémentaires et que la crise ne change rien pour l’Ecole. C’est un moyen de profiter de la crise pour imposer des solutions et pour obliger l’Ecole à s’installer dans un fonctionnement en mode dégradé.

On constate aussi que cet immobilisme est structurel. Par exemple le couvre feu à 18 heures est mis en place sans que l’Ecole respecte la consigne. C’est hallucinant. Il y a toujours des cours, des réunion, du péri scolaire après 18 heures. C’est incompréhensible.

Par rapport à a crise sanitaire quelle serait la priorité ? La vaccination, l’aération, l’alternance ?

Un peu tout cela. L apriorité est la prévention du risque . Or tout n’a pas été fait. On le voit par exemple avec les détecteurs de CO2 qui seraient bien utiles. Il faut des moyens pour appliquer des gestes sanitaires qui vont devoir rester longtemps.

Il faudrait aussi tester et isoler les contacts. Or l’Education nationale n’applique pas les règles que l’on trouve ailleurs. IL faut 3 cas de Covid pour dire qu’une classe est cas contact. Avec le variant anglais il va bien falloir revoir la politique d’isolement. Il va falloir des chiffres moins contestables, qui ne minorent pas le problème.

La difficulté ne vient-elle pas aussi de la décentralisation qui mêle les compétences de l’Etat et des collectivités ?

La crise met à jour les difficultés des établissements avec leurs personnels de statut différent et le renvoi de balle sur les responsabilités. Par exemple en ce moment les personnels de cantine, qui sont très exposés, ne sont pas considérés comme ils devraient.

Que faut-il faire pour les examens ? Les maintenir et sauver le caractère national ? Ou accepter la suppression des épreuves finales et la fin du bac national ?

On est attaché à des examens nationaux et en présentiel. Mais on est dans une situation inédite. On ne veut pas revivre les ordres et contrordres de l’année dernière pour aboutir à un controle continu qui , à l’évidence, était la seule solution et qui a été mis en oeuvre sans péréquations. Du coup on a eu l’épisode des lycées qui gonflaient les notes. C’était le grand n’importe quoi.

Aujourd’hui la situation n’est pas très différente. Il ya urgence à reporter les épreuves de mars. On ne pourra pas les maintenir et pour le moment cela crée du trouble. Pour juin on peut probablement maintenir certaines épreuves mais il faut prendre la décision et donner un calendrier. C’est ainsi qu’on maintiendra l’égalité des candidats.

Le ministre s’est donné la possibilité de tout changer 15 jours avant l’examen. Qu’en pensez vous ?

Pour nous c’est le maintien affiché des épreuves de mars qui est problématique. Et aussi le maintien du grand oral, une épreuve dont personne ne sait comment on peut préparer les élèves. Avec les inégalités entre les établissements, entre ceux qui alternent et les autres, maintenir cette épreuve est problématique. On pourrait décider dès maintenant son report. Et décider le maintien du reste pour le moment.

Propos recueillis par François Jarraud