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A l’image des collègues de S Paty du collège du Bois d’Aulne qui ne veulent ni photos ni caméras, l’hommage rendu à Samuel Paty est celui du coeur et de l’intime. Chaque établissement s’organise à sa façon. Mais la plupart choisissent la seule voie digne de S Paty. Celle qui consiste à dialoguer avec sa classe avant de recueillir. Plutôt que celle qui exige l’obéissance des corps dans la minute de silence avant l’éveil des esprits. Rien ne salirait plus cette journée que la voir mise au service d’un projet politique en contradiction avec l’idéal de cet enseignant.

Commémorer dans la liberté

Dans un courrier envoyé aux recteurs le 6 septembre, JM Blanquer a invité les écoles et établissements à commémorer l’assassinat de S Paty le 15 octobre. Dans sa lettre, il « souhaite que dans chaque école et chaque établissement scolaire, un hommage soit rendu à Samuel Paty à la fois par les personnels et les élèves. Les écoles et établissements pourront organiser un temps de recueillement en mémoire de S Paty et consacrer une heure de cours du vendredi 15 octobre à un temps d’échange dont le contenu sera laissé au choix des équipes… Ce temps pourra notamment prendre la forme à partir du cycle 3 d’une séquence sur la construction de l’esprit critique ainsi que sur le métier de professeur ».

Dans la forme, cette lettre laisse une totale liberté aux enseignants et aux équipes, même si les précisions soufflent le contraire. Par respect pour la victime, qui aimait tant son métier, les enseignants pourront commencer par la phase de débat avant la phase de recueillement pour lui donner du sens. La forme de la lettre peut donner à penser que le ministère a saisi l’erreur qu’il a faite en 2020 en ne laissant pas les enseignants préparer entre eux l’hommage nécessaire à S Paty.

Renforcer nos communautés

Les enseignants que nous avons interrogé vont tous échanger d’abord avec leurs élèves avant la minute de recueillement. C’est ce que nous avait dit J Nallet, un professeur d’histoire géographie d’une petite ville de Charente Maritime. L’échange avec ses élèves de collège il prévoit de le faire sous forme d’un débat mouvant pour les faire échanger et prendre conscience des valeurs démocratiques. C’est ce que nous a dit Laurent Villemonteix, professeurs de lettres à Paris : « Pensant être fidèle à Samuel Paty et à nos valeurs partagées, je suis allé à la rencontre de mes élèves, comme nous le faisons tous les autres jours de l’année scolaire, pour accompagner, dialoguer, tisser, écouter, apprendre, comprendre, enseigner et élever. »

L’enjeu de cet hommage est bien sur de réfléchir au trésor que représentent les valeurs démocratiques. Mais c’est aussi de sentir que nos établissements et nos écoles sont des communautés vivantes. Nous tenons à nos valeurs. Nous tenons aussi à nos collègues et à nos élèves. Cette émotion porte des exigences, y compris pédagogiques. Elles rendent l’Ecole plus belle. Et c’est le meilleur hommage que nous pouvons rendre à cet enseignant martyrisé.

François Jarraud

Notre dossier S Paty