L’Expresso du 23 novembre 2022
- Le fait du jour -
Comment s’opère le recrutement des enseignants contractuels ? Caroline Bertron (Paris 8) et Hélène Buisson-Fenet ont enquêté au service des contractuels de l’académie de Lyon. Elles nous livrent, dans Formation Emploi N°189, une analyse quasi fine, presque ethnographique, d’un processus administratif qui s’arbitre entre inspection chefs d’établissement et surtout gestionnaires. Derrière le cadre national, ce…
Cent ans, ce n’est pas trop long pour un mouvement pédagogique ? Pour ses 100 ans, le Groupe Français d’Éducation Nouvelle (GFEN) a tenu congrès du 11 au 13 novembre. L’occasion pour le mouvement pédagogique de revenir sur son histoire. « 100 ans de réflexion. 100 ans de découvertes, de pensées transformatrices. 100 ans de…
- Les disciplines -
Vendredi 25 novembre, le Café pédagogique – en partenariat avec Libération – met à l’honneur les enseignants et enseignantes qui ont jalonné l’histoire du Forum des Enseignants innovants. Émilie Cassard, enseignante spécialisée, sera présente. L’occasion pour le Café pédagogique de revenir sur son parcours. Avant de tomber dans la marmite de l’enseignement, Émilie Cassard était…
- Le système -
« Cette décision ne correspond ni à nos mandats, ni aux besoins, pas plus qu’elle ne tient compte des réflexions engagées dans le cadre du Comité de suivi des lycées » écrit le Snpden Unsa, premier syndicat de personnels de direction. Pour lui, la décision d’instaurer 1 h 30 de maths pour les élèves de…
« La région a décidé d’adopter son propre mode de calcul, différent de celui de l’Etat, et d’évaluer le fonds de réserve en juillet, moment où ils sont très élevés… Ce n’est qu’aujourd’hui que les lycées découvrent le niveau des montants », disait la Fsu. Selon la Cgt Education, « la région Île-de-France se prépare…
Sanctionnés sous JM Blanquer pour s’être opposés aux E3C, depuis supprimés de la réforme du bac, les 4 professeurs du lycée de Melle ont obtenu en référé en décembre 2020 la suspension de leurs sanctions. Le 22 novembre, les recours en contentieux de Sylvie Contini et Aladin Lévêque sont arrivés devant le tribunal administratif de…
La maire de Paris, Anne Hidalgo, a visité le 21 novembre un des jardins d’enfants de la ville et renouvelé son soutien. Elle a promis de prendre contact avec P Ndiaye pour trouver une solution. La loi Blanquer de 2019 oblige les jardins d’enfants à fermer d’ici à 2024. En août, devant la Commission des…
« Les nouvelles mesures sociales et fiscales intervenues en 2020 et 2021, une fois pleinement montées en charge, augmentent de 1,1 % le niveau de vie des personnes résidant en France métropolitaine par rapport à une situation sans leur mise en œuvre. Le gain moyen atteint 280 euros par an et par personne : 240…
- La classe -
« Rassembler les pauvres d’un côté, les riches de l’autre nuit au niveau global. La ségrégation produit des effets négatifs sur les trajectoires scolaires, l’accès au savoir et à la culture, et plus généralement sur le sentiment d’appartenance à une nation et à un destin commun. Instaurer et maintenir une mixité sociale dans les établissements…
Michel Baraër, Michel Neumayer, Sophie Reboul, Etiennette Vellas coordonnent un ouvrage réalisé par le GFEN à l’occasion des 100 ans de l’Education nouvelle et du GFEN. Le livre présente les principes de l’Éducation nouvelle et les démarches concrètes qu’elle veut mettre en œuvre dans les classes. Né de la coopération de pédagogues de différents pays,…
- L'élève -
S’ils sont assez peu intéressés par l’information (la moitié des 16-30 ans disent s’intéresser peu à l’actualité), les jeunes privilégient les médias traditionnels. Et d’abord les chaines de télévision classiques (plébiscitées par 50%), suivies par les chaines d’info en continu (30%). Les médias en ligne et les influenceurs sont loin derrière. Pourtant, 94% des jeunes…
- Les disciplines -
Les tablettes et smartphones incluent de nombreux capteurs qui sont autant d’opportunités de faire des mesures avec les élèves et d’étudier le monde qui les entoure. Avec Fizziq Junior, travaillez avec eux sur les couleurs, le volume sonore, les notes de musique, l’ombre et la lumière, le mouvement, les dimensions… Les séances peuvent être faites…
L'édito
Amélie, merci !
Alors que les enseignants entament un mouvement social de longue durée, il faut rendre sa part de mérite à Amélie Oudéa-Castéra. Pour avoir incarné aussi visiblement les non-dits du projet éducatif d’Emmanuel Macron, elle mérite un remerciement. Et elle nous donne l’occasion de revenir sur ce projet et ce combat. Depuis 2017, Emmanuel Macron a fait de l’éducation « le combat de notre siècle ». Et, depuis 2017, les enseignants bloquent le projet. Un long septennat de luttes qui nécessite maintenant une réponse de la société.
L’Ecole et Ibiza
A quoi pense Emmanuel Macron ? D’année en année, son choix semble moins sur. Jean-Michel Blanquer avait su déguiser la politique éducative d’Emmanuel Macron sous le masque de la République et de la science. En 2018-2019, au moment de la loi Blanquer, sous la poussée des enseignants, son siège vacillait. Mais, avec l’aide de la droite sénatoriale, il avait réussi à se maintenir en usant de son image de défenseur de l’Ecole. Il fallut Ibiza pour qu’il tombe. Le ministre faisait passer ses vacances avant son travail, la jet-set avant la République.
Avec Amélie Oudéa-Castéra, Ibiza est arrivé dès le premier jour. Mieux que ses prédécesseurs elle affichait sans vergogne ses choix de caste et revendiquait ses privilèges. De déclaration maladroite en formule malheureuse, la ministre a fini par incarner la grande bourgeoisie séparatiste, plutôt VIIème que 6ème. Ce choix, malheureux pour E. Macron, met en évidence les décisions anti sociales de la politique éducative d’E. Macron.
Une seule politique depuis 2017, celle de Macron
Car, depuis 2017, c’est bien la même politique éducative qui essaie de s’installer. On peut même remonter à 2016, où le futur ministre d’Emmanuel Macron, membre de l’Institut Montaigne, la définit. Dans « L’école de demain« , JM Blanquer en fixe les bases. C’est l’autonomie d’établissements scolaires mis en concurrence, dirigés par des chefs managers. C’est la fin du collège unique remplacé par des établissements à autonomie pédagogique. C’est l’éducation réduite aux fondamentaux dans le premier degré et pliant sous leur poids dans le second. Ce sont des enseignants dont les pratiques pédagogiques sont dictées et dont le mérite est estimé annuellement grâce aux évaluations nationales. Cette privatisation de la gestion de l’éducation nationale est proclamée par les gouvernements d’E. Macron. En février 2018, E Philippe promeut l’individualisation des salaires et la libération des managers dans toute la fonction publique. Quelques mois plus tard, E. Macron fait de la transformation de l’Ecole « le combat de notre siècle ». En aout 2022, il revient sur les fondamentaux de 2016 : autonomie des établissements, contractualisation générale des établissements et des enseignants. Cela nous donne le Pacte, le CNR.
Les enseignants sont seuls à faire reculer Macron
Si E. Macron se répète depuis 2018, si ses gouvernements fixent le même cap depuis 2017, c’est que la politique éducative du président peine à s’installer. Certes la loi de transformation de la fonction publique est passée. La loi Blanquer aussi. Le Pacte est mis en place. Mais la grande libéralisation de l’Ecole promise depuis 2016 n’a toujours pas eu lieu.
Les enseignants ont fait reculer Blanquer et sa loi en 2019. Il a fallu la désorganisation issue du confinement pour que la loi Rilhac passe. La transformation radicale du lycée professionnel a été freinée par des années d’opposition réussie des enseignants des L.P. Ils ne s’en rendent pas forcément compte. Mais les macronistes le savent. Les enseignants ont réussi, et eux seuls, à bloquer Jupiter.
Au point de bascule
Aujourd’hui, alors qu’Amélie Oudéa-Castéra entame sa mission ministérielle, les syndicats enseignants sont presque unanimes à écrire que « nous sommes à un point de bascule pour l’Ecole publique« . Sud, Unsa, Fsu, Sgen Cfdt et Cgt appellent ensemble à « une réponse forte qui passe par une action dans la durée« . Ils rejettent la politique présidentielle, jugée « passéiste et conservatrice« . Ils dénoncent « une école du tri social » marquée par la disparition du collège unique et l’affectation des jeunes élèves à des filières séparées. Ce tri social est particulièrement visible au collège et au lycée professionnel.
Particularité française
Alors que, chez nos voisins, la révolution libérale de l’Education a pu se mettre en place, la France résiste. C’est grâce aux enseignants. Mais leur action est possible par l’écho qu’elle rencontre dans la société. Dans un numéro de la Revue de Sèvres consacré à la privatisation de l’Ecole, Xavier Pons relevait cette spécificité française. » Les Français sont pour le libre choix de l’Ecole… Mais une fois mis devant le choix ils se posent des questions », écrivait-il. Parce que la privatisation menace les communs, encourage la fragmentation de la société, colporte des valeurs qui s’opposent aux valeurs collectives. A ce titre, le « nouveau pacte » et la transformation du collège sont une « révolution culturelle » dans la mesure où il attaque les bases de l’école publique.
Puisque nous atteignons le point de bascule, les Français peuvent encore s’opposer à ce projet et défendre leur école. Les enseignants ont besoin d’eux.
François Jarraud