L’Expresso du 29 novembre 2022
- Le fait du jour -
Comment les conseillers pédagogiques de circonscription (CPC) remplissent-ils leur mission de formation et contrôle des professeurs des écoles stagiaires (PES) ? Stéphan Mierzejewski et Abdelkarim Zaid (CIREL Lille) livrent une analyse détaillée d’un métier posé en porte-à-faux entre des impossibilités : former et évaluer dans un temps trop contraint. CPC et PES « Censés accompagner…
- Les disciplines -
Avec 450 enseignants réunis au campus de Saint-Germain-des-Prés à Paris, les journées nationales de l’APBG rencontrent un vif succès. « Nous posons des actes pour la formation continue », note David Boudeau, président de l’association professionnelle. ARN messager, lombrics, santé bucco-dentaire, relation homme-animal sont quelques sujets évoqués par des scientifiques de renom comme le botaniste…
- Le système -
« Il est urgent de stopper ces évaluations nationales. Elles ne servent qu’à imposer des pratiques et des méthodes uniformes qui font perdre le sens du métier. Les PE ont besoin que le ministère reconnaisse leur professionnalité et qu’il les laisse exercer pleinement leur liberté pédagogique dans le cadre des programmes », écrit le Snuipp…
Confier l’enseignement professionnel est « une fausse bonne idée », explique JP Véran sur son blog. « Faut-il rappeler ce qui se joue actuellement dans les lycées professionnels de Paris dont plusieurs d’entre eux sont fermés par décision conjointe du conseil régional d’Île-de-France et de la région académique ? On voit que la région fonde…
Les mutations sont un vrai problème pour l’éducation nationale et jouent probablement contre l’amélioration du recrutement. Selon le rapport du sénateur J Grosperrin (LR), en 2022, 6 783 titulaires (premier et second degrés confondus) ont obtenu une mutation interacadémique, soit un taux de mutation de 43%. Sur 26 275 demandes présentées, 10 631 (40 %)…
« Et si vous aussi votre enfant se faisait violer en bande au milieu de la cour de récréation ». Les enseignantes d’une école maternelle de Bordeaux doivent faire avec un tract qui commence ainsi et qui les met en cause. À l’origine de cette affaire, un jeu corporel entre enfants lors d’une récréation surveillée…
Selon un sondage Ipsos dévoilé ce matin, « près d’un adolescent sur deux présente des symptômes d’anxiété et de dépression », un pourcentage qui serait en hausse en 2022. Cela serait particulièrement le cas « des adolescents issus des catégories plus favorisées ». Mais « le niveau de bien-être général déclaré reste stable ». En…
- La classe -
« Les élèves de l’école primaire sont mis à l’écart, très majoritairement, de l’informatique et du numérique (EMI compris) », écrit Bruno Devauchelle sur son blog. « Combien de valises de robots laissées inutilisées ; combien de tablettes laissées de côté… !!! Le constat, c’est aussi que les enseignants se répartissent le plus souvent en trois…
« Le CDI est un lieu qui implique de toujours mieux recevoir et accompagner les élèves dans une approche holistique, s’inscrire au cœur d’une médiation renouvelée, des relations interpersonnelles améliorées, un mieux-être intrapersonnel favorisé. Or l’introduction et la compréhension du concept de care en faveur de l’identité du professeur-documentaliste rend d’autant plus opérante ces tâches…
« Les choix d’orientation n’ont rien de naturels. Les stéréotypes intériorisés par les élèves et leur entourage induisent des différences en matière de parcours, de réussite et de choix d’orientation. Ces différences se traduisent par des inégalités professionnelles avec – entre autres inégalités – seulement 17% des métiers qui sont mixtes… », écrit le Centre…
L’association « Mathématiques sans frontières » propose des compétitions interclasses à destination des élèves de cm2-6ème et de 3ème-2de. Pour cette fin d’année, l’association propose un calendrier mathématique du 1er au 24 décembre utilisable en classe ou en famille. Prenez patience, le genially peut être un peu long à charger. Le genially
Si aujourd’hui rien ne semble plus naturel que de distinguer des individus « femmes » d’autres individus « hommes », chercheuses et chercheurs, citoyennes et citoyens s’interrogeront ensemble, le 3 décembre prochain, sur le regard que pose la science sur ces questions, mais également sur la grande diversité de la sexualité humaine ; ils réfléchiront aussi sur ce que peut nous…
L'édito
Amélie, merci !
Alors que les enseignants entament un mouvement social de longue durée, il faut rendre sa part de mérite à Amélie Oudéa-Castéra. Pour avoir incarné aussi visiblement les non-dits du projet éducatif d’Emmanuel Macron, elle mérite un remerciement. Et elle nous donne l’occasion de revenir sur ce projet et ce combat. Depuis 2017, Emmanuel Macron a fait de l’éducation « le combat de notre siècle ». Et, depuis 2017, les enseignants bloquent le projet. Un long septennat de luttes qui nécessite maintenant une réponse de la société.
L’Ecole et Ibiza
A quoi pense Emmanuel Macron ? D’année en année, son choix semble moins sur. Jean-Michel Blanquer avait su déguiser la politique éducative d’Emmanuel Macron sous le masque de la République et de la science. En 2018-2019, au moment de la loi Blanquer, sous la poussée des enseignants, son siège vacillait. Mais, avec l’aide de la droite sénatoriale, il avait réussi à se maintenir en usant de son image de défenseur de l’Ecole. Il fallut Ibiza pour qu’il tombe. Le ministre faisait passer ses vacances avant son travail, la jet-set avant la République.
Avec Amélie Oudéa-Castéra, Ibiza est arrivé dès le premier jour. Mieux que ses prédécesseurs elle affichait sans vergogne ses choix de caste et revendiquait ses privilèges. De déclaration maladroite en formule malheureuse, la ministre a fini par incarner la grande bourgeoisie séparatiste, plutôt VIIème que 6ème. Ce choix, malheureux pour E. Macron, met en évidence les décisions anti sociales de la politique éducative d’E. Macron.
Une seule politique depuis 2017, celle de Macron
Car, depuis 2017, c’est bien la même politique éducative qui essaie de s’installer. On peut même remonter à 2016, où le futur ministre d’Emmanuel Macron, membre de l’Institut Montaigne, la définit. Dans « L’école de demain« , JM Blanquer en fixe les bases. C’est l’autonomie d’établissements scolaires mis en concurrence, dirigés par des chefs managers. C’est la fin du collège unique remplacé par des établissements à autonomie pédagogique. C’est l’éducation réduite aux fondamentaux dans le premier degré et pliant sous leur poids dans le second. Ce sont des enseignants dont les pratiques pédagogiques sont dictées et dont le mérite est estimé annuellement grâce aux évaluations nationales. Cette privatisation de la gestion de l’éducation nationale est proclamée par les gouvernements d’E. Macron. En février 2018, E Philippe promeut l’individualisation des salaires et la libération des managers dans toute la fonction publique. Quelques mois plus tard, E. Macron fait de la transformation de l’Ecole « le combat de notre siècle ». En aout 2022, il revient sur les fondamentaux de 2016 : autonomie des établissements, contractualisation générale des établissements et des enseignants. Cela nous donne le Pacte, le CNR.
Les enseignants sont seuls à faire reculer Macron
Si E. Macron se répète depuis 2018, si ses gouvernements fixent le même cap depuis 2017, c’est que la politique éducative du président peine à s’installer. Certes la loi de transformation de la fonction publique est passée. La loi Blanquer aussi. Le Pacte est mis en place. Mais la grande libéralisation de l’Ecole promise depuis 2016 n’a toujours pas eu lieu.
Les enseignants ont fait reculer Blanquer et sa loi en 2019. Il a fallu la désorganisation issue du confinement pour que la loi Rilhac passe. La transformation radicale du lycée professionnel a été freinée par des années d’opposition réussie des enseignants des L.P. Ils ne s’en rendent pas forcément compte. Mais les macronistes le savent. Les enseignants ont réussi, et eux seuls, à bloquer Jupiter.
Au point de bascule
Aujourd’hui, alors qu’Amélie Oudéa-Castéra entame sa mission ministérielle, les syndicats enseignants sont presque unanimes à écrire que « nous sommes à un point de bascule pour l’Ecole publique« . Sud, Unsa, Fsu, Sgen Cfdt et Cgt appellent ensemble à « une réponse forte qui passe par une action dans la durée« . Ils rejettent la politique présidentielle, jugée « passéiste et conservatrice« . Ils dénoncent « une école du tri social » marquée par la disparition du collège unique et l’affectation des jeunes élèves à des filières séparées. Ce tri social est particulièrement visible au collège et au lycée professionnel.
Particularité française
Alors que, chez nos voisins, la révolution libérale de l’Education a pu se mettre en place, la France résiste. C’est grâce aux enseignants. Mais leur action est possible par l’écho qu’elle rencontre dans la société. Dans un numéro de la Revue de Sèvres consacré à la privatisation de l’Ecole, Xavier Pons relevait cette spécificité française. » Les Français sont pour le libre choix de l’Ecole… Mais une fois mis devant le choix ils se posent des questions », écrivait-il. Parce que la privatisation menace les communs, encourage la fragmentation de la société, colporte des valeurs qui s’opposent aux valeurs collectives. A ce titre, le « nouveau pacte » et la transformation du collège sont une « révolution culturelle » dans la mesure où il attaque les bases de l’école publique.
Puisque nous atteignons le point de bascule, les Français peuvent encore s’opposer à ce projet et défendre leur école. Les enseignants ont besoin d’eux.
François Jarraud