L’Expresso du 11 janvier 2023
- Le fait du jour -
Alors que la Première ministre présentait hier son projet de réforme des retraites, les huit principaux syndicats français, même les plus réformistes, annonçaient dans la foulée la première journée de grève et de manifestation le 19 janvier. « C’est cette date syndicale qui donne le départ d’une puissante mobilisation sur les retraites dans la durée » indique…
Où en est le projet de réforme de la voie professionnelle ? Un débat a opposé, lundi 9 janvier à l’Assemblée nationale, Carole Grandjean, ministre déléguée à l’enseignement et la formation professionnelle, à Sigrid Girardin, pour l’intersyndicale, Prisca Kergoat, directrice du Certop et Christophe Doré, président de la chambre des métiers de Normandie. La ministre…
- Le système -
Les sujets de l’épreuve d’évaluation des compétences expérimentales (ECE) sont désormais en ligne sur Eduscol. Avec 63 sujets en SVT et 70 en physique-chimie, le choix ne manque pas pour tester les candidats sur cette épreuve scientifique qui aura lieu en mars. « Les situations retenues dans chaque académie sont transmises aux établissements et mises…
- Les disciplines -
A Capbreton, on conte à toute heure. Depuis trente-trois ans, ce petit port landais propose le festival « L’heure du conte » qui, forcément, vient taquiner les envies de projets des enseignant.es. C’est le cas pour Isabelle Mabillet, professeure des écoles en grande section à l’école Saint Exupéry de la ville, qui a décidé de faire du…
- L'élève -
Dans un village du Nord de la France et les durs lendemains de la Grande Guerre, comment, élevée par son père soldat de retour du front et sans ressources, une jeune fille, amoureuse de la musique, du chant et de la poésie, trouve-t-elle la voie de son émancipation ? Après la flamboyante transposition cinématographique du grand…
- Le système -
Dans un communiqué, le SNEP-FSU, syndicat des professeurs d’Éducation Physique et Sportive, dénonce l’annonce ministérielle de l’extension voire de la généralisation des deux heures de sport supplémentaires au collège. L’expérimentation était entrée en vigueur en septembre dernier dans trois à sept collèges par département et par académie. Le communiqué : 2 heures de sport en…
- L'élève -
L’association milite pour le départ de tous les enfants en colo, centres de loisirs ou camps scout qui sont « des lieux privilégiés de mixité, de découverte, de joies et de plaisirs. Ce sont également des lieux irremplaçables d’apprentissages… La colo c’est apprendre autrement et ailleurs, c’est se préparer à la citoyenneté ». « 1 français sur…
- Les disciplines -
Relier EMI et poésie, c’est possible ? C’est le sens de l’opération Tw’haïku relancée pour 2023 du primaire au collège. Principe : en réponse à une photographie proposée par l’équipe de conception, les classes participantes sont invitées à écrire des haïkus, formes japonaises de poèmes en 3 vers. Les créations sont partagées sur EduTwit, site de…
Sur le site lettres de l’académie de Grenoble, Laïla Methnani présente un travail mené en collaboration avec Thierry Fauquembergue, professeur des écoles, et Edith Pommaret, professeure documentaliste. Objectif : amener à collaborer autour de la lecture à voix haute une classe de 6ème et une classe de CM1-CM2 du secteur du collège Jean Lachenal à Faverges.…
L'édito
Amélie, merci !
Alors que les enseignants entament un mouvement social de longue durée, il faut rendre sa part de mérite à Amélie Oudéa-Castéra. Pour avoir incarné aussi visiblement les non-dits du projet éducatif d’Emmanuel Macron, elle mérite un remerciement. Et elle nous donne l’occasion de revenir sur ce projet et ce combat. Depuis 2017, Emmanuel Macron a fait de l’éducation « le combat de notre siècle ». Et, depuis 2017, les enseignants bloquent le projet. Un long septennat de luttes qui nécessite maintenant une réponse de la société.
L’Ecole et Ibiza
A quoi pense Emmanuel Macron ? D’année en année, son choix semble moins sur. Jean-Michel Blanquer avait su déguiser la politique éducative d’Emmanuel Macron sous le masque de la République et de la science. En 2018-2019, au moment de la loi Blanquer, sous la poussée des enseignants, son siège vacillait. Mais, avec l’aide de la droite sénatoriale, il avait réussi à se maintenir en usant de son image de défenseur de l’Ecole. Il fallut Ibiza pour qu’il tombe. Le ministre faisait passer ses vacances avant son travail, la jet-set avant la République.
Avec Amélie Oudéa-Castéra, Ibiza est arrivé dès le premier jour. Mieux que ses prédécesseurs elle affichait sans vergogne ses choix de caste et revendiquait ses privilèges. De déclaration maladroite en formule malheureuse, la ministre a fini par incarner la grande bourgeoisie séparatiste, plutôt VIIème que 6ème. Ce choix, malheureux pour E. Macron, met en évidence les décisions anti sociales de la politique éducative d’E. Macron.
Une seule politique depuis 2017, celle de Macron
Car, depuis 2017, c’est bien la même politique éducative qui essaie de s’installer. On peut même remonter à 2016, où le futur ministre d’Emmanuel Macron, membre de l’Institut Montaigne, la définit. Dans « L’école de demain« , JM Blanquer en fixe les bases. C’est l’autonomie d’établissements scolaires mis en concurrence, dirigés par des chefs managers. C’est la fin du collège unique remplacé par des établissements à autonomie pédagogique. C’est l’éducation réduite aux fondamentaux dans le premier degré et pliant sous leur poids dans le second. Ce sont des enseignants dont les pratiques pédagogiques sont dictées et dont le mérite est estimé annuellement grâce aux évaluations nationales. Cette privatisation de la gestion de l’éducation nationale est proclamée par les gouvernements d’E. Macron. En février 2018, E Philippe promeut l’individualisation des salaires et la libération des managers dans toute la fonction publique. Quelques mois plus tard, E. Macron fait de la transformation de l’Ecole « le combat de notre siècle ». En aout 2022, il revient sur les fondamentaux de 2016 : autonomie des établissements, contractualisation générale des établissements et des enseignants. Cela nous donne le Pacte, le CNR.
Les enseignants sont seuls à faire reculer Macron
Si E. Macron se répète depuis 2018, si ses gouvernements fixent le même cap depuis 2017, c’est que la politique éducative du président peine à s’installer. Certes la loi de transformation de la fonction publique est passée. La loi Blanquer aussi. Le Pacte est mis en place. Mais la grande libéralisation de l’Ecole promise depuis 2016 n’a toujours pas eu lieu.
Les enseignants ont fait reculer Blanquer et sa loi en 2019. Il a fallu la désorganisation issue du confinement pour que la loi Rilhac passe. La transformation radicale du lycée professionnel a été freinée par des années d’opposition réussie des enseignants des L.P. Ils ne s’en rendent pas forcément compte. Mais les macronistes le savent. Les enseignants ont réussi, et eux seuls, à bloquer Jupiter.
Au point de bascule
Aujourd’hui, alors qu’Amélie Oudéa-Castéra entame sa mission ministérielle, les syndicats enseignants sont presque unanimes à écrire que « nous sommes à un point de bascule pour l’Ecole publique« . Sud, Unsa, Fsu, Sgen Cfdt et Cgt appellent ensemble à « une réponse forte qui passe par une action dans la durée« . Ils rejettent la politique présidentielle, jugée « passéiste et conservatrice« . Ils dénoncent « une école du tri social » marquée par la disparition du collège unique et l’affectation des jeunes élèves à des filières séparées. Ce tri social est particulièrement visible au collège et au lycée professionnel.
Particularité française
Alors que, chez nos voisins, la révolution libérale de l’Education a pu se mettre en place, la France résiste. C’est grâce aux enseignants. Mais leur action est possible par l’écho qu’elle rencontre dans la société. Dans un numéro de la Revue de Sèvres consacré à la privatisation de l’Ecole, Xavier Pons relevait cette spécificité française. » Les Français sont pour le libre choix de l’Ecole… Mais une fois mis devant le choix ils se posent des questions », écrivait-il. Parce que la privatisation menace les communs, encourage la fragmentation de la société, colporte des valeurs qui s’opposent aux valeurs collectives. A ce titre, le « nouveau pacte » et la transformation du collège sont une « révolution culturelle » dans la mesure où il attaque les bases de l’école publique.
Puisque nous atteignons le point de bascule, les Français peuvent encore s’opposer à ce projet et défendre leur école. Les enseignants ont besoin d’eux.
François Jarraud