Et non ! Ce ne sont pas les syndicats qui demandent un budget mais bien l’Inspection Générale à propos des enseignements pluridisciplinaires au lycée. Dans un rapport, l’IGESR n’est pas tendre avec la pluridisciplinarité ou plutôt son absence au lycée. « Une situation plus homogène et plus professionnalisée » est souhaitée. Les qualités managériales des chefs d’établissements sont remises en cause. L’Inspection Générale prône aussi « un calcul semestrialisé des services professoraux ». Un demi-pas vers l’annualisation des services ?
Le rapport de l’Inspection Générale rendu public fin décembre 2024 sur les enseignements pluridisciplinaires au lycée en France n’y va pas par 4 chemins. Le manque d’investissement des chefs d’établissement dans le pilotage, le manque de moyens pour la concertation, la succession de réformes et une faible formation des enseignants sont notamment pointés du doigt.
Il faut dire que la suppression des TPE (travaux personnels encadrés) en 1ère puis plus récemment en Terminale a ruiné la pluridisciplinarité. Avec la disparition du groupe classe au cycle terminal, conséquence de la réforme Blanquer, les approches pluridisciplinaires ont disparu des radars. Dans le rapport de 67 pages, les six auteurs dressent un état des lieux en lambeaux des dispositifs axés sur la pluridisciplinarité. Le rapport n’a pas pris en compte « l’infini foisonnement des projets dont l’initiative n’est pas encadrée par des textes programmatiques, et qui dès lors ne relèvent pas des enseignements ». D’ailleurs, la pédagogie par projet « doit être mieux cadrée », glisse l’inspection.
Il est question « d’autorité pédagogique »
« Les chefs d’établissements ne s’emparent pas toujours de leur autorité pédagogique » notent les auteurs qui relatent une mise en œuvre très variable d’un même enseignement pluridisciplinaire d’un établissement à un autre. 19 lycées ont été visités et une partie de leurs équipes pédagogiques interrogées pour le rapport.
L’IGESR concède que « les enseignants méconnaissent les textes réglementaires et les ressources disponibles nationalement ». L’absence de temps dédié à la concertation est plusieurs fois rappelé. Ce temps si précieux pour donner une cohérence à la pluridisciplinarité voire de la cointervention n’est plus dans les emplois du temps des enseignants.
Le privé sous-contrat dispose des contributions des familles
« L’organisation actuelle des enseignements au lycée général et technologique et au lycée professionnel est principalement conçue et adaptée à une approche disciplinaire ». L’échec de l’enseignement scientifique est longuement détaillé au cours des pages. Plus de la moitié des établissements visités ne proposent jamais d’enseignement scientifique en effectifs réduits. « Ils ne sont que 17% à proposer l’intégralité des cours en effectifs réduits ». Il en est de même pour les devoirs communs : 72% des professeurs n’organisent jamais de devoirs communs en enseignement scientifique.
Les belles idées glissées dans les programmes et les accompagnements restent ainsi lettre morte faute de moyens dédiés à la pluridisciplinarité mais aussi au temps de concertation entre enseignants. Le privé sous contrat tire son épingle du jeu. « La mission doit reconnaître un avantage à l’enseignement privé sous contrat, du fait de disponibilités budgétaires et d’une plus grande souplesse dans l’adaptation aux besoins répercutés par les équipes pédagogiques. Cette souplesse est facilitée par la contribution des familles mais aussi, dans les exemples observés par la mission, par un mode de recrutement et de management qui contribue à créer des équipes stables et solidaires autour du projet ». Le rapport note que cette plus-value du privé n’est pas transposable dans le public.
« Des profs plus détendus »
Côté élèves, les auteurs notent qu’en situation pluridisciplinaire « la relation entre élèves et enseignants est transformée ». Le professeur est même parfois jugé « plus détendu car il partage avec ses élèves une posture d’apprenant. Le rapport stipule aussi l’importance des relations interpersonnelles qui sont la clé de voûte d’une pluridisciplinarité réussie. Il est question « d’un facteur primordial non prévisible par les programmes ».
12 recommandations de l’Inspection Générale
Pour pallier les manques, les inspecteurs dressent 12 recommandations. On retiendra la nécessité de redéfinir de nouveaux programmes. Les auteurs recommandent « d’introduire de la souplesse dans le choix des objectifs thématiques abordés pour tenir compte de l’hétérogénéité des publics ». L’IGESR recommande aussi de diversifier encore les mentions complémentaires aux concours.
Enfin, la semestrialisation est rappelée régulièrement dans le rapport. Pourtant, bon nombre d’établissements font aussi marche arrière après quelques années en semestres. L’évaluation des acquis des élèves arrivant trop tardivement. Il faut bien dire que d’autres lycées ont aussi mis en place des conseils de classe de mi-semestre…
Djéhanne Gani
